Intervention sur mysorussisme dans les médias français par Dimitri de Kochko
Le 13 novembre dernier, alors que des terroristes islamistes tuaient plus de 130 personnes dans le 11ème et au stade de France, la chaîne LCP nous assénait sans mollir un énième pseudo-documentaire russophobe sur un supposé «nouveau Goulag»… On y montrait une jeune femme du groupe pussy riot, spécialisé dans des monomes quelque peu déplacés dans les églises chrétiennes (elles évitent les mosquées et les synagogues…), quelques détenus ou ex-détenus de droit commun et une ancienne dealeuse de drogue. Ils se sont plaints de leurs conditions de détention. C’est leur droit et peut-être que c’est fondé. Mais de là à assimiler à ce qu’on subi les millions de victimes du vrai goulag stalinien, il y a une marge que la télévision parlementaire franchit sans mollir au mépris d’un minimum de respect ou au moins de compassion à l’égard de ces victimes, innocentes elles pour la plupart.
Il faut dire qu’une semaine auparavant, sur Antenne 2, une chaîne que nous payons avec la redevance, toute une soirée était consacrée à «Apocalypse Staline». Fort bien. Le film consacré à Staline se tenait à quelques malhonnêtetés près et il y avait des images intéressantes. Mais il était suivi d’un second «chef d’oeuvre» nommé : «Poutine pour longtemps ?». Que vient faire Poutine dans cette galère ? On a tous compris. Dommage d’ailleurs que les producteurs n’aient pas interverti les films car après en toute fin de soirée, il y a eu un documentaire passionnant et rarement traité sur les collaborateurs des nazis dans les pays baltes et en Ukraine… Tiens !
Les raisons et leurs conséquences :
L’amalgame Poutine-Staline est un des procédés les plus fréquemment utilisé par nos médias : soit aussi ouvertement que dans l’exemple cité ou plus insidieusement par des rapprochements d’images, voire des images subliminales. Le tout pour aboutir à des déformations de l’information et/ou de l’histoire. Les procédés sont nombreux et s’utilisent parfois ensemble. Beaucoup ont fait leurs preuves durant la guerre froide mais les thématiques sont plus anciennes, comme vous l’a expliqué Guy Mettan et sont devenus des préjugés solides sur la Russie. On va tenter d’en faire un petit lexique, bien sûr non exhaustif car l’imagination humaine et les technologies à l’heure d’internet sont illimitées. Mais peut-être qu’une approche un peu systématisée d’un point de vue journalistique peut aider à au moins se poser des questions en étant confronté à certaines annonces ou surinformations trop abondantes pour être honnêtes. A défaut de pouvoir tout de suite savoir ce qu’il en est en fait, on peut au moins se demander : est-ce possible ? Que veut-on que je pense en entendant cette info ?
Je ne voudrais pas que vous pensiez que je découvre l’Amérique – oui la comparaison est osée -. Bien sûr que ces procédés sont anciens dans leurs principes (les techniques ont été améliorées) et peuvent être utilisés par toutes sorte de médias et par tous les pouvoirs politiques, économiques ou autres. Mais ce qui m’inquiète, c’est l’augmentation exponentielle de l’utilisation massive et systématique en France de ces procédés de déformation des faits et des jugements à l’égard de la Russie et des Russes depuis la crise ukrainienne, même si la reprise de la tonalité de l’époque de la guerre froide avait commencé après l’attaque géorgienne contre l’Ossétie du sud et l’intervention russe pour la défendre. Le plus inquiétant, c’est évidemment la haine anti-russe cultivée ainsi et la volonté de préparer l’opinion à la guerre qu’elle sous-tend. Et dans l’immédiat, c’est la remise en cause de la déontologie journalistique (oui j’insiste bêtement) alors que la première charte a été écrite en 1918 précisèment pour tirer des leçons de la Ière guerre mondiale et ce sont les erreurs de jugements politiques qui en résultent au dépend des intérêts de la France.
Cette nouvelle offensive médiatique s’explique (bien que je ne m’explique toujours pas quel est l’intérêt de l’oligarchie française qui contrôle la presse ni la raison de ce courant russophobe en France alors que contrairement aux Allemands, les Russes ne sont jamais venus envahir la France et lorsqu’il l’a fait après les guerres napoléoniennes, le tsar Alexandre Ier a sauvé la souveraineté française contre les Anglo-saxons et épargné Paris. De même que Staline, malgré tout ce qu’on peut à juste titre en penser, a imposé la France en 1945 parmi les vainqueurs), par la détermination de certains milieux états-uniens très puissants (bien représentés par les néo-cons) d’empêcher à tout prix un rapprochement entre l’Europe occidentale et tout particulièrement de l’Allemagne, avec la Russie. C’est le seul ensemble de pays qui peut représenter une concurrence sérieuse et une remise en cause du pouvoir unipolaire de l’empire américain. Tout cela est brillamment expliqué par George Friedmann de Stratfor sur you tube. Les spécialistes en énergie, ajoutent que l’offensive américaine contre l’Europe occidentale et la Russie vise aussi à vendre son gaz de schistes à l’UE en éliminant le concurrent russe au maximum. C’est aussi ce qui s’est joué en Syrie avec la volonté de vendre le gaz du Qatar contre Gazprom qu’on espérait empêtrer en Ukraine après l’avoir attaqué en Pologne et l’avoir empêché de construire le gazoduc sud par la Bulgarie. Heureusement, les Allemands sont plus soucieux de leurs intérêts parfois que nous et le gazoduc du nord sera doublé.
Les procédés de la guerre de l’info:
Je ne veux pas refaire Volkoff ou Kara-Murza mais il faut malheureusement y revenir pour actualiser. Il faut bien dire que les techniques ont évolué, le niveau de connaissances historiques a reculé et le temps s’est accéléré avec la généralisation des vecteurs d’information numérique mobiles. Ce qui auparavant (il y a encore dix ans), était une façon de travailler des agenciers de presse en information immédiate est aujourd’hui pratiqué par tout un chacun, en plus comme utilisateur et comme acteur. Mais sans préparation ni formation, autre que technique ! Les conséquences sont à la fois positives et négatives.
Les amalgames et rapprochements :
J’ai donné l’exemple de Staline et Poutine. Le procédé est constant. Quelques exemples plus fins : on parle par exemple très souvent ”d’armes russes” pour parler d’armement ”de fabrication russe”. Ce qui n’est pas pareil mais ce qui permet dans un commentaire rapide de tout faire tomber sur les Russes… Bien sûr en matière d’images, le procédé est là aussi permanent : on rapproche les plans et les sujets qui peuvent ne rien à voir ensemble mais qui vont évoquer un rapprochement. Je ne parle pas là des commentaires en utilisant d’autres images (l’exemple de la guerre du Golfe pollution provoquée soit-disant par Irakiens avec des images de l’Amoco Cadiz) plus récemment le commentaire d’un ”expert” de la défense sur Antenne 2 lors d’un journal en utilisant des images de bombardement par l’aviation russe, en ayant pris la précaution d’effacer les caractères cyrilliques pour prétendre que c’était un bombardement de la coalition américaine… En même temps, on accusait les Russes, sans aucune preuve, de bombarder des hôpitaux ou des civils sans parler de rebelles ”modérés” d’Al Qaida… Pour en revenir aux amalgames, voyez l’assassinat à l’automne dernier de ce pauvre Boris Nemtsov, ancien vice-premier ministre de Boris Eltsine et gouverneur de Nijni-Novgorod dans les années 90 et opposant extra-parlementaire depuis sans grande influence en Russie. Ceux qui l’ont assassiné à la veille d’une importante manifestation de l’opposition qu’on espérait rendre encore plus importante, l’ont fait juste devant le Kremlin, de façon à ce que tous les reportages télévisés et toutes les photos aient le Kremlin pour fond. Evidemment, je ne sais pas qui a commandité le crime mais je peux me poser la question de savoir si c’est vraiment dans l’intérêt de ”Poutine”, accusé de tout, de faire la chose précisèment là… Est-ce vraiment un hasard ?
Dissimuler – ne pas couvrir :
C’est évidemment le plus répandu et le plus difficile à parer. On dit dans les rédactions que le plus intéressant, c’est ce qu’on ne dit pas. Evidemment pas seulement en matière de presse. Mais pour cette dernière, c’est moins naturel… Si ça n’arrange pas, on ne dit rien.
Dans les exemples récents liés à la russophobie :
– le silence sur le massacre d’au moins 47 personnes à Odessa en mai 2014
– Les tirs d’artillerie sur le Donbass par les troupes officielles et non officielles de Kiev ou les tirs turcs contre les Kurdes sans parler des trafics de pétrole par Daesh avec la complicité turque.
– La guerre chimique en Syrie, quand il s’est avéré que les bombardement de mai 2013 avaient été commis non par Assad mais par des rebelles. Un rapport et des preuves ont été présentés à l’ONU mais notre presse n’en a rien dit.
– L’assassinat de l’écrivain journaliste Olessia Bouzina en Ukraine et le même jour un ancien député Kalachnikov et une journaliste dans l’ouest de l’Ukraine qui enquêtait sur des trafics de bois. A comparer avec le traitement de l’assassinat de Nemcov ou de Politkovskaya.
– La résolution de l’ONU contre l’utilisation et la glorification du nazisme en 2015 contre laquelle ont voté les USA, le Canada et l’Ukraine. L’UE s’est courageusement abstenue !
– Plus grave encore car c’est chez nous : rien sur la déclaration du chef du renseignement militaire, Christophe Gomart, devant la commission de la défense à l’A.N. en mars 2015 disant que ce ne sont pas les troupes russes qui se battent en Ukraine de l’est.
« La vraie difficulté avec l’OTAN, c’est que le renseignement américain y est prépondérant, tandis que le renseignement français y est plus ou moins pris en compte – d’où l’importance pour nous d’alimenter suffisamment les commanders de l’OTAN en renseignements d’origine française. L’OTAN avait annoncé que les Russes allaient envahir l’Ukraine alors que, selon les renseignements de la DRM, rien ne venait étayer cette hypothèse – nous avions en effet constaté que les Russes n’avaient pas déployé de commandement ni de moyens logistiques, notamment d’hôpitaux de campagne, permettant d’envisager une invasion militaire et les unités de deuxième échelon n’avaient effectué aucun mouvement. La suite a montré que nous avions raison car, si des soldats russes ont effectivement été vus en Ukraine, il s’agissait plus d’une manœuvre destinée à faire pression sur le président ukrainien Porochenko que d’une tentative d’invasion.”
Rien non plus sur les déclaration de ce mois de mai d’Alain Juillet, ancien directeur de la DGSE sur les erreurs sur la Syrie et sur l’Ukraine, dans une ITW à Paris Match et RT.
Evidemment, le silence ne frappe pas qu’en matière de russophobie :
– Le TAFTA ne connaît un succès relatif que très très récemment alors que les négociations secrètes se poursuivent depuis des années.Et c’est grâce à Obama qu’on en parle un peu…
– Evidemment, rien sur la proposition de Poutine en janvier 2014 d’ouvrir des négociations sur une zone économique de libre échange entre l’UE et l’accord douanier eurasiatique…
Déformer – mentir – désinformer:
Malheureusement très répandu aussi. Là aussi pas seulement contre la Russie mais dans le domaine russophobe, c’est très utilisé. Le principe est évidemment que le démenti n’est pas vu ou ne reste pas en mémoire. Le second principe est Goebbelsien : plus le mensonge est gros, plus ça passe et surtout répéter le mensonge le plus souvent possible. Goebbels a affirmé le principe mais les anglo-saxons l’appliquent avec génie depuis longtemps. En matière économique et politique.
– L’exemple de Powell et de son éprouvette accusant l’Irak d’armes de destruction massive est accablant. Avant d’attaquer l’Irak, les sources gouvernementales américaines ont affirmé plus de 400 fois à la presse, en citant parfois la presse qu’elles avaient elles-mêmes intoxiqué précédemment, que l’Irak avait soit-disant des armes de destruction massive. Et la presse a repris. Sans s’interroger souvent. Y compris la presse française où pourtant jacques Chirac a eu le mérite de ne pas se laisser faire.
– En ce qui concerne le Boeing malaisien abattu il y a deux ans au-dessus de l’Ukraine orientale, la presse française a repris sans se poser de questions la version américaine sourcée facebook, sans doute écrit par les professionnels intervenant sur ce support. Personne ne s’est interrogé pourquoi les Etatsuniens ne publiaient pas ce qu’on vu leurs satellites au-dessus de la scène de la tragédie. En revanche, pas un mot sur la version et les photos de l’Eta-major russe. Je ne sais pas qui a abattu l’avion mais le journaliste se doit de proposer les différentes sources et de se poser les questions ad hoc.
– Sur la Yougoslavie, le principe de Goebbels a été abondamment utilisé. Une répétition générale avant de s’attaquer à la Russie ?
– Sur l’affaire osséto-géorgienne, qui a marqué le retour de la guerre froide en matière de presse en quelque sorte, la presse occidentale martèle que « la Russie a attaqué la Géorgie » ! On oublie l’attaque géorgienne contre l’ossétie et le meurtre des observateurs casques bleus russes sur la ligne de cessez-le-feu. Et le fait que Poutine était alors aux Jeux Olympiques à Pekin. Ils lui referont le même coup avec l’Ukraine au moment des Jeux de Sotchi…
– Sur l’affaire des tireurs d’élite du Maidan à Kiev en février 2014 avant le coup d’État pas un mot dans la presse française (il y en a eu dans les journaux allemands) sur les propos du ministre estonien des affaires étrangères à Catherine Ashton sur le fait que les balles tirées contre les policiers et les manifestants étaient les mêmes. Pas un mot non plus sur le refus des autorités kieviennes d’ouvrir une enquête sur le sujet. D’autant que l’actuel président du Parlement est celui qui est soupçonné d’avoir commandé ces «snipers»…
– Avec la Syrie, on a vu que les accusations sans preuve contre les Russes bombardant des hôpitaux se sont multipliées et ont été martelées partout, surtout sur les ondes des radios et télévision d’État. Ce qui n’est pas forcèment dans nos intérêts quand on songe aux attentats de Paris. Du reste, après ces atte,tats de novembre, quelques medias ont assez mesquinement modifié leurs discrous en affirmant que les «Russes avaient changé de tactique» et bombardaient maintenant les terroristes de l’État islamique.
– On ne peut oublier la déformation de l’histoire. Aujourd’hui, une majorité de Français croient que ce sont les Américains qui ont gagné la IIème guerre ! En 1945, ce n’était pas le cas.
Ne pas citer ou déformer les propos :
Fréquent là aussi. Et systématique en ce qui concerne les interventions de Poutine. Même une interview sur Europe et TF1 avant un voyage officiel avait été coupée et déformée. Et pas au hasard. Sans prévenir les lecteurs bien sûr.
Une des déformations, les plus courantes, concerne justement une citation de Poutine sur le fait que ”la disparition de l’URSS a été une catastrophe du XXème siècle”. Passons sur le fait que beaucoup d’anciens soviétiques le pensent à tord ou a raison, le principal est qu’on oublie de compléter la citation du président russe qui a complété en paraphrasant Churchill que celui qui voudrait rétablir l’URSS n’a pas de tête…
Malheureusement, un intellectuel comme Michel Eltchaninoff, bon philosophe et critique littéraire, s’est abaissé à ce jeu de déformation dans son livre quelque peu présomptueux dénommé ”dans la tête de Poutine”. Celà lui vaut d’être une des coqueluches des ”experts”, systématiquement anti-russes, qui détiennent le monopole des commentaires sur la Russie et l’Ukraine dans les médias français.
La personnalisation et la diabolisation :
C’est le procédé orwélien décrit dans 1984 avec le personnage de Goldstein. Aujourd’hui, la haine xénophobe et raciste anti-russe se dissimule sous l’anti-Poutine, tout comme précédemment, la russophobie se dissimulait parfois sous l’anti-soviétisme. Vladimir Poutine est systématiquement méchant et responsable de tout. Même dans un jeu de l’IDTGV, le personnage mauvais qu’il fallait deviner était Vladimir Poutine !! Le principe du martélement systématique s’applique. Les mêmes procédés se sont appliqués contre Saddam Hussein ou Bachar al Assad. Avec Noriega, le dictateur panaméen, ce fut plus drôle. Il fut d’abord ”un salaud mais notre salaud” puis est devenu ”gueule d’ananas” quand il a cessé de plaire. C’est le sort des compradors qui ne sont pas très respectés par les maîtres. Et c’est pourtant ce dont rêvent nos russophobes otaniens et ceux qui sont en Russie.
Cette même démonisation qui vise les Lepen en France. Et qui finit par être contre-productive.
Le choix des mots, le choc des images :
Souvent, le lecteur lamda n’y fait pas trop attention. Pourtant, le choix des adjectifs, des verbes, des descriptions sont loin d’être neutres. Ils sont toujours négatifs ou induisant le doute quand il s’agit de Russes et positifs ou neutres quand il s’agit des « nôtres ». Dans les descriptions, on trouvera toujours quelque chose de ridicule ou d’absurde pour décrire le « méchant ». Pour ce qui est des verbes, l’Américain états-unien ou le Français otanien « dit », « explique », tandis que le Russe « martèle », «affirme» (on sous-entend qu’il ment).
Ajoutons à cela le traitement de l’image : le plan cassé, coupé, mal éclairé ou éclairé de diverses manières qui créent une atmosphère sont utilisé. Par exemple, beaucoup de films documentaires sur la Russie seront filmés en hiver à Saint-Petersbourg pour que la lumière du nord en hiver donne une atmosphère triste ou lugubre. L’interview d’un Russe pourra se faire avec un mauvais éclairage qui va gêner le propos.
L’utilisation de sources – pseudo-sources et sources créées :
Un bon exemple est l’utilisation qui avait été faite par la Maison Blanche de Wall Street Journal sur les pseudos armes de destruction massive. Le grand journal de Wall street a été intoxiqué. Puis, les officiels de l’USIS ont utilisé le wall street Journal comme source. C’est un procédé très courant. Et aujourd’hui l’utilisation des réseaux sociaux est constante. Le plus souvent rédigé par des ”trolls” salariés ou même par des robots au service de ceux qui les citent ensuite comme source… Dans ce cadre, la surinformation est systématique. Plein d’informations qu’on n’a pas le temps de vérifier et qui vont toutes dans le même sens.
C’est difficile à parer bien sûr mais la presse pourrait s’interroger plus souvent et reconnaître plus tard d’avoir été abusée. C’est ce qui devrait distinguer l’internet de la presse professionnelle.
La création de sources :
On a vu les sources créées dans les réseaux sociaux. Mais depuis longtemps, ont été pratiqués d’autres créations de sources. Ce sont des «spécialistes» financés, parfois des artistes, des ONG créées en nombre et différents instituts. Leurs représentants, priés de tenir le même discours dominant, sont invités partout et pratiquent le même principe goebelsien du matraquage en disant tous la même chose. Dans le cas des pratiques russophobes dans nos médias, c’est particulièrement visible. A noter que dans d’autres pays occidentaux, la diversité d’opinion est parfois mieux garantie. Et en Russie, pourtant dénoncée en permanence pour ses médias, tous les débats y compris sur les chaînes d’État mettent en scène des protagonistes de toutes tendances, y compris des Ukrainiens russophobes, des Polonais, des Américains des otaniens et… des opposants russes extra-parlementaires et pro-américains !
L’utilisation en ce domaine des réseaux sociaux est de plus en plus systématique. On l’a vu pour le Boeing au-dessus de l’Ukraine. Mais c’est systématque et dans beaucoup de domaines. Souvent les commen taires émis par ces professionnels sont reconnaissable mais pas toujours. Ca vaudrait la peine d’avoir une possibilité de démasquer et de mettre en garde.
Les références au soft power cinématographique, linguistique et de sous-culture :
Les Nord-américains y sont les plus forts. Mais ça se crée durant des années. Y compris par la généralisation de mots empruntés à l’anglais. (voyez à contrario le sort d’un mot comme cosmonaute). Mais le principal est évidemment la séparation entre bons et méchants. Le bien et le mal. C’est la morale à quatre sous des feuilletons télévisés. L’introduction de la pensée unique et du politiquement correct.
Pour obtenir un préjugé négatif, on placera toujours le personnage russe ou la pratique dans la société russe dans le champ du négatif par rapport à ces visions qui deviennent inconscientes. Bien sûr les années de héros négatifs russes dans les films durant la guerre froide joue son rôle.
Au moment du début de l’état d’urgence en France, on a entendu annoncer qu’un des signes de radicalisme islamiste, c’est le refus de croire la presse mainstream… C’est vrai mais on voit jusqu’où cela peut aller. On a déjà droit aux amalgame de ”complotisme” qui pourtant est nourri justement par la défaillance des grands médias.
La diffamation pour discréditer les sources alternatives :
Celà se fait dans la meilleure tradition stalinienne et maccarthyste par la calomnie, le mensonge, les fausses accusations menant à une chasse aux sorcières et à l’élimination de tout discours et toute information dissidente de la pensée unique. Si quelqu’un s’exprime en faveur de l’Europe (pas de l’européisme) avec la Russie et l’Ukraine, il est immédiatement traité d’”agent de Poutine”. En France, après les articles de dénonciation, on a droit à des livres, reprenant notamment les accusations calomnieuses des journaux! On m’a ainsi accusé dans Libération d’avoir un arrière grand-père directeur de la police criminelle (bien criminelle pas politique) en Russie d’avant la Révolution de 1917 !!! Sous Staline on arrêtait les gens pour le même genre de raisons. Inrockuptible lui m’a vu en DRH polémiquant (c’est assez rare pour un DRH !) avec un candidat pigiste à un poste dans une entreprise où je ne travaille même pas ! Le livre reprend bien sûr tout ça et ajoute même une photo dans un studio où je n’ai jamais mis les pieds… Sans parler d’autres accusations tout aussi infondées. Mais tout ça pour avoir pris quelquefois la parole dans les médias – rarement et il y a longtemps mais il faut croire efficacement – pour dire des choses qui sont aujourd’hui évidentes. Mais ce n’est encore rien par rapport à un site russophone états-unien qui lui livre des adresses de Russes en les qualifiant de communistes et de 5ème colonne… Dans un pays où la culture politique et géographique est pour le moins limitée mais où les armes circulent librement.
Les double standards à géométrie variable :
Là aussi c’est permanent quand ça concerne la Russie. Sans aller dans l’histoire comparer la façon dont on présente le servage en Russie et l’esclavage aux Etats-unis, pourtant abolis à peu près au même moment. Les uns sont des barbares arriérés et esclaves, les autres grands libérateurs de ”blacks”… Voyez comment sont présentés les actes terroristes islamistes en Russie et en occident. A propos des derniers attentats à l’aéroport de Bruxelles, combien y a-t-il eu de médias occidentaux pour rappeler que l’aéroport de Domodiedovo à Moscou a subi la même chose quelques années plus tôt ? Souvenez-vous de l’un des actes terroristes les plus odieux qui ont commencé le 21ème siècle du 1er au 3 septembre 2004 à Beslan, en Ossétie. 1.125 personnes, en majorité des enfants, pris en otages par des terroristes islamistes, et 333 morts, dont 186 enfants assassinés. Eh bien pour la presse française en majorité c’est Poutine l’assassin malgré tous les gens tués dès le début de la prise d’otages et le fait que ce n’est quand même pas Poutine, malgré ses dons d’ubiquité, qui a pris un millier de personnes en otages dans un préau pendant trois jours dans une chaleur étouffante en les empêchant de boire ! Les circonstances de la prise d’otages sont dissimulées, seul son dénouement, déformé, est raconté et les victimes deviennent les coupables. Bien sûr, sur l’Ukraine ou la Syrie, les doubles standards sont permanents. Voyez comment a été traitée l’intervention russe en Syrie qui a pourtant en quelques mois été bien plus efficace que trois ans de pseudo intervention de la ”coalition” occidentale. Sur l’Ukraine, c’est une caricature. Comparez donc le traitement du Kossovo et celui de la Crimée… Cela concerne aussi l’économie (pompe à essence, démographie catastrophique au moment où elle remonte justement) et même le sport : voyez le traitement de la préparation des J.O à Sotchi et aujourd’hui l’affaire du dopage. On en oublie le scandale qui avait éclaboussé le Tour de France.
Cela est loin d’être uniquement anecdotique. Il y a des conséquences sur la morale et sur la valeur de la vie humaine en Russie pour l’opinion la plus large en Occident. Mais même si c’est une caractéristique du racisme dont on nous rebat les oreilles par ailleurs, cela laisse assez indifférents nos médias. Mais il y a aussi des conséquences en matière d’analyse et de compréhension en matière géopolitique et même économique. Prenons l’exemple extrême par son absurdité de la vente des Mistral. La commande avait en son temps rendu un fier service aux chantiers de Saint-Nazaire. Puis on est tombé dans le Vaudeville triste et coûteux pour la France. On annule sur ordre des Américains qui sont traditionnellement vigilants sur leur domination maritime. Alors que les intérêts stratégiques de la France ne sont en rien menacés. Du coup on perd le contrat de maintenance, le coût de la formation des marins et de la fabrication de la poupe des navires faite en Russie et du transfert de technologie. Pour les Russes c’est plutôt bon et ils peuvent se montrer généreux sur l’amende de dédit (les états-uniens eux n’ont pas hésité à racketter la BNP de 9 milliards de dollars pour moins que ça). Et on finit par vendre à l’Egypte, où tout de même le pouvoir est détenu (heureusement du reste) par des militaires qui ont fait un coup d’État. Et encore plus pitoyable pour une opération annulée au nom des droits de l’Homme : les bâteaux doivent logiquement être payés par l’Arabie saoudite ! Pays exemplaire en la matière, comme le prouve la légion d’honneur attribuée à l’un des princes héritiers après des exécutions de condamnés à mort, dont un imam chiite…Pour l’instant, sauf erreur, c’est la COFACE qui a payé même pas les démocrates saoudiens.
La création d’événements :
C’est un procédé marketing de l’univers de la publicité. Le but en politique ou géopolitique est de justifier des actions par « un événement ». Cela peut être une provocation ou l’exploitation d’un fait qui se produit sans initiative ceux qui l’exploitent ensuite. A vous de voir à quelle catégorie, vous rattachez le 9/11. En tout cas, Cuba au début du XXème siècle et Pearl Harbour font partie des exemples historiques bien connus. On peut penser à Timisoara en Roumanie pour appuyer le mouvement anti-Ceausescu et les faux massacres en Yougoslavie, notamment à Srebrenica et au Kosovo. Moins massif mais tout aussi émotionnel, l’exploitation récente de la photo du petit Ilan, trouvé noyé sur une plage turque pour justifier notamment la politique de Merkel en faveur des migrants. Dans la même catégorie, on peut rattacher l’affaire de la mort de Litvienko, tout à coup ressucitée il y a quelques mois par les Britanniques et aussitôt oubliée du reste car quelque chose n’a pas dû marcher. Au même niveau l’affaire Magnitsky qui a aussi servi de pretexte aux états-uniens pour prononcer des sanctions contre des Russes. Aujourd’hui, on en est à interdire (au Parlement européen et sur Arte) un film enquête d’un opposant russe, Kouznetsov, qui en voulant faire un film à charge anti-Poutine a découvert en cours de tournage qu’il se faisait berner et l’a honnêtement montré dans le film. Résultat film interdit chez nous ! Evidemment, l’affaire des « panama pampers », initiée par l’USAID et des fondations Rockfeller et Soros notamment fait partie de la panoplie. Comme par hasard l’accusé principal, même s’il ne figure pas dans les listes, se trouve être Vladimir Poutine.
Le choix des rédactions et les pressions :
Cest d’un certain point de vue naturel. Mais il faut quand même distinguer la presse ou les rubriques d’opinion et celles d’information. Là où ça commence à être nocif, c’est lorsque l’une se fait passer pour l’autre. Et que la presse d’information, notamment les agences ne laissent pas passer les informations qui «n’arrangent pas» plus qu’il n’est nécessaire pour protéger les sources ou prendre des précautions indispensables. Souvent cela commence par le choix des correspondants ou des stringers. Et ça continue avec les jeux de réseaux, les avantages, les menaces, les avantages, la carrière et la scolarité des enfants… Les insoumis ou les pas sages sont au mieux placardisés et empêchés d’écrire. Il y a parfois des pressions directes, comme en ont témoigné un journaliste allemand et une journaliste de CNN mais dans l’ensemble, le système est suffisamment fort pour empêcher les débordements.
La surinformation, le manque de temps et le statut du journaliste
Les employeurs exigent de plus en plus du journaliste un rôle d’homme ou femme orchestre. Il doit avoir de plus en plus de connaissances multimedia et des amplitudes de travail de plus en plus longues et intenses (24h sur 24) avec les vecteurs les plus variés : texte, film, photo, offline, online et réseaux sociaux… Celà implique un travail de plus en plus technique. Le journaliste de base n’a plus le temps de simplement réflêchir à ce qu’il reçoit et ce qu’il est invité à diffuser au plus vite en raison de la concurrence qui auparavant ne concernait que les agences et qui aujourd’hui est dans toutes les rédactions à cause du web, de twitter et de Facebook. Cette situation est évidemment exploitée par les services de presse spécialisés, institutionnels ou privés du reste. Le meilleur et le plus riche est sans doute le USIS à ce jeu (mais pas le seul). Ils inondent les journalistes d’une masse d’informations, allant toutes dans le même sens sous des angles différents parfois, impossible à vérifier dans les temps exigés. Comme tout va dans le sens du politiquement correct et que la hiérarchie tient à ses postes et fonctions, on ne s’interroge pas trop et on écrit ce qu’on vous incite à écrire. On peut citer l’exemple des 2.000 parachutistes soit disant envoyés par Poutine pour « envahir » la Crimée en mars 2014 et annoncés sur toutes les télévisions françaises durant toute une soirée et une matinée alors qu’il n’en était rien et que c’était facile à vérifier.
Les conséquences de la russophobie systèmatique
– Tout comme en matière diplomatique, la pratique de sanctions a réduit la diplomatie à zéro, on peut dire qu’en matière d’information et de débats dans la société, c’est une négation totale des points de vue différents et d’une information fiable et équilibrée. En admettant, comme c’est proclamé par nos sociétés, que ce soit indispensable au bon fonctionnement démocratique de nos pays et à une économie de marché saine.
– Ce sont des erreurs d’analyse et de perspectives sous la pression des groupes d’influence (dont les USA), des médias et de l’opinion qui en résulte par les diplomates et les politiques. On a déjà vu l’exemple absurde des Mistral. On peut aussi parler de l’exemple de Barroso, lorsqu’il était à la tête de la commission européenne, qui avait refusé de discuter avec les Russes, comme le lui demandait le président ukrainien Ianoukovitch, confronté au problème de l’appartenance de l’Ukraine à la zone de libre-échange de la CEI, incompatible telle quelle avec les contrat d’association avec l’UE. Le sujet a été évoqué un an plus tard à Minsk quand le pays était déjà en guerre civile… Ou bien Fabius qui racontait aux autres ministres et peut-être aussi à son Flanby préféré que malgré tout ce qu’on faisait avec l’OTAN aux Russes en Ukraine, ces derniers continueraient à payer pour l’Ukraine ! Et je suis moi-même témoin que certains ministres l’ont cru ! Alors évidemment, Barroso et Fabius sont des acteurs à proprement parler américains et ils remplissaient peut-être une mission. Mais d’autres politiques dans l’Union européenne l’ont cru.
– C’est évidemment aussi un encouragement à la haine et aux dissensions xénophobes entre Européens. Alors que les médias et les autorités sont si sourcilleuses contre tout soupçon de racisme réél ou supposé à l’encontre d’immigrés africains ou arabes ou pire encore «d’islamophobie»…
– C’est un renforcement et un entretien des préjugés et clichés anciens contre la Russie, dont certaions remontent aux montages français (le faux testament de Pierre le Grand sous Louis XV), britanniques ou allemands repris depuis la fin de la seconde guerre par les Américains du nord.
– C’est évidemment une négation des principes déontologiques du journalisme à force de mensonges conscients ou inconscients et de pratique de doubles standards permanents. Le massacre d’Odessa, en pleine Europe au XXIème siècle, est passé quasi-inaperçu. Le film de Moreira sur Canal+ a été le premier à en parler et l’ambassade ukrainiene ainsi que quelques journalistes ont voulu le faire interdire !!! Son service de presse a même pu parler de scoop.
En revanche, dans certains articles russophobes et même dans des livres on ose affirmer que « les pro-russes se sont brûlés eux-mêmes » à Odessa…
– Evidemment, c’est un encouragement aux mécanismes de racisme, de xénophobie et de discrimination, contre lesquels notre état prétend lutter. Je peux vous donner des exemples de discrimination, notamment en matière bancaire et professionnelle.
– Et bien sûr, c’est une politique et une diplomatie hostile et inamicale vis à vis de la Russie qui porte atteinte aux intérêts économiques (cf. les paysans, les hautes technologies et l’energie), politiques et stratégiques de la France.
– Enfin, c’est une préparation de l’opinion à une nouvelle guerre intereuropéenne qui cette fois risque d’être réellement la der des der et si on s’en sort, le résultat sera que cette fois on ne sera plus dans la partie du globe qui vit plutôt bien à l’abri de la faim et de la misère chronique.
Copyright Dimitri de Kochko Mai 2016