Discours de Poutine – Quand la Russie copie l’Occident, ça dérange aussi !

  • stoprussophobie redaction
  • mercredi mars 14, 2018
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Discours de Poutine – Quand la Russie copie l’Occident, ça dérange aussi !

 Poutine au Parlement russe avant les élections : développement économique, aménagement et défense 

Naviguant entre moqueries et paranoïa, hésitant entre surprise et désinvolture affirmée, les commentateurs ne manquent pas parmi nos journalistes pour nous résumer à leur façon le discours du 1er mars de Vladimir Poutine s’adressant au parlement. Il paraît qu’en Russie, lorsque le président aborde la politique économique et sociale, c’est de la propagande à destination des masses incultes. En France ce serait le contraire, on ne sait trop pourquoi. Mais c’est bien entendu la partie traitant des nouvelles armes russes qui est à l’honneur dans la plupart de nos journaux. Il est vrai que cette partie, qui n’a occupé que le tiers de l’intervention, fut prépondérante pour l’étranger dans le discours. Mais si on se rappelle les propos récents de plusieurs officiels étasuniens, on en conclura simplement que ces thèmes sont dans l’air du temps. Ils constituent une réponse aux menaces et attaques sans cesse émises contre la Russie avec un nouvel appel à établir enfin un dialogue, jusqu’ici refusé par Washington et ses alliés. 

Il serait donc utile de rappeler la chronologie de toutes les menaces de choc proférées dans le monde ces dernières semaines, ainsi que leur origine. Ceci ne nous empêchera pas de remarquer au passage les expressions et formules rituelles utilisées pour analyser le discours de Poutine, celles-ci relevant souvent plus du commentaire de forum internet que du journalisme, bien qu’elles soient bel et bien présentes dans des articles de presse à grand tirage.

Après un florilège de déclarations apocalyptiques, de peurs feintes et de menaces

C’est d’abord dans un contexte de réarmement massif des Etats-Unis et de menaces implicites que la guerre des intentions commence. Après les récents déploiements massifs de l’OTAN aux frontières de la Russie pour un exercice simulant l’invasion de cette dernière [1], Donald Trump confirmait début février que l’augmentation massive du budget militaire [2] (ainsi porté jusqu’à 688 milliards de dollars) rendrait l’armée américaine « plus forte que jamais », et qu’il augmenterait l’arsenal pour à peu près toutes les armes. Ca plante déjà le décor, surtout lorsqu’on sait que les raisons invoquées sont « la menace croissante que représentent la Russie et la Chine ». Et que dire de la tant adulée Hillary Clinton, ex-secrétaire d’État et ex-candidate à la présidence américaine, qui a repris le 28 février les propos du secrétaire américain à la Défense des années 1940, James Forrestal, frappé d’une maladie mentale, pour appeler Donald Trump à défendre les États-Unis contre la Russie [3] : « Les Russes arrivent ! ». Il doit être aussi difficile pour les éditeurs du New York Times de continuer à s’arracher les cheveux jour après jour dans leurs efforts pour faire démarrer la troisième guerre mondiale. L’édito « Un vide stratégique face à la menace russe sur deux fronts » [4] vise à entretenir une double hystérie, l’une sur un nouveau missile gap et l’autre sur la prétendue ingérence russe dans les élections à venir de novembre 2018, à mi-mandat. Rappelons aussi que le Times britannique avait publié une liste détaillée des menaces réalisée par le gouvernement du Royaume-Uni, dans laquelle la Russie obtenait la première place [5], devant le terrorisme et toutes les autres menaces. Peut-être que les invasions de l’Angleterre par les Russes sont un fait qui a été caché dans nos livres d’histoire ?

La continuation d’un processus déjà bien engagé

Les « regime changes » sont, comme on le sait, toujours bien vus lorsqu’ils sont le résultats d’opérations américaines ou lorsqu’ils sont au moins soutenus par les USA et l’UE. L’Ukraine en est un parfait exemple, et peu importe le résultat. Il suffit de prétendre que l’Ukraine est envahie par la Russie et d’inverser la chronologie des événements [6], alors que le régime de Kiev est toujours parfaitement soutenu par les Etats-Unis [7], preuve qu’il y a totale continuité entre Obama et Trump sur le plan de la politique étrangère. La persistance de Washington à verser de l’huile sur le feu en situation de conflit ukrainien quasi-gelé, ainsi que l’obstination des USA et de l’UE à se présenter comme l’ONU à part entière, et enfin le zèle de leurs médias (préférant copier les dépêches AFP que de dépenser en reportages) pour avancer les déclarations des représentants de leurs gouvernements comme des « déclarations de l’ONU », et ceci particulièrement sur la couverture du conflit syrien [8], prouvent qu’il n’y a absolument pas de volonté de stabiliser ou d’apaiser quoi que ce soit. Il y a bel et bien volonté de démarrer une nouvelle guerre froide, voire chaude sans doute dans un premier temps hybride. Par ailleurs, si les intérêts du milieu des affaires n’avaient pas été gravement menacés par une brouille avec la Chine (pourtant pas si encline à la démocratie que ça), l’indulgence envers cette dernière, aujourd’hui aussi insoumise que la Russie, n’aurait pas perduré si longtemps. C’est seulement parce que maintenant les Etats-Unis ont un intérêt dans le protectionnisme (après tant d’années de glorification du libre-échange) que la Chine peut entrer dans la liste des ennemis. En plus des pays frontaliers à la Russie, la mer de Chine fait donc à présent aussi partie des priorités américaines [9]. (C’est à croire qu’elle fait partie des eaux territoriales américaines…) Et si l’UE est plus timorée que les USA dans la campagne « la Chine nous menace », elle reste néanmoins assez impliquée dans le scénario « la Russie nous menace », jusqu’à preuve claire du contraire.

Quand l’adversaire ne souhaite que se battre, une seule méthode

En effet, si la Russie est bien habituée à une situation d’adversité permanente avec les Etats-Unis et l’envisage pratiquement comme quelque chose de normal, le comportement de l’UE et de ses membres les plus influents (Allemagne et France) n’a pas encore été digéré. Après plusieurs années de patience, de tentatives de discussions, d’objections à la propagande occidentale autiste résidant à censurer ce qu’on peut estimer à 70 % de l’information sur les conflits ukrainien et syrien, après tant d’endurance aux crachats permanents sur la Russie et son gouvernement, celle-ci finit par se résigner : Lorsque l’adversaire ne veut que le conflit et rien d’autre, que ce dernier adopte une forme larvée ou militaire, trois moyens existent : Le subir, le combattre, ou lui faire peur. Il est facile de conclure que les deux premières méthodes sont folles et suicidaires et que donc seule la troisième reste réaliste. Car, conformément aux analyses faciles de nos militants-journalistes du « monde libre », on peut en effet interpréter le discours de Vladimir Poutine comme un avertissement sans ambiguïtés. Autrement dit, dans le langage de celui qui se positionnera en adversaire, une menace : Celui qui comptera nous détruire ne s’en sortira pas indemne. Quoi de plus normal, et d’ailleurs même les participants à la campagne anti-russe le reconnaissent à leur façon. Ce qui est plus surprenant est que bon nombre d’entre eux semblent se réjouir de la situation, un peu comme si l’Europe avait enfin réussi à concrétiser leurs prophéties autoréalisatrices. Ils vont enfin pouvoir dire qu’ils ont raison : La Russie tient enfin (à son tour et finalement) un discours agressif, même si le niveau d’agressivité reste tout à fait modeste (et justifié) en comparaison de ce qui a été proféré à son encontre ces dernières années. On peut penser que c’est en connaissance de cause que Poutine a musclé son discours [10], voyant que la fuite perpétuelle n’apporterait rien de mieux lorsque le langage des poings reste de fait le seul moyen de communication. Pour se mettre au goût du jour, il fallait donc consacrer une grande partie du discours aux nouvelles armes.

Des allusions et de l’humour dignes d’échanges sur un forum internet

Il est normal que sur un fil de discussion libre les participants en désaccord se raillent, exagèrent délibérément et pratiquent une ironie massive pas forcément élaborée. Cela relève pratiquement de la communication instantanée. En revanche, il est plus surprenant d’observer un tel style dans des journaux se présentant avec condescendance comme des professionnels fournissant de l’information et de l’analyse clés en main prêtes à consommer.

 Comme souvent, c’est dans Libération [11] que les talents en la matière s’exercent le plus. Si on se doute bien que le discours de Poutine peut avoir un rapport avec sa campagne électorale comme ce serait le cas dans tout autre pays, bon nombre de commentaires superflus ne sont là que pour amuser la galerie. Le classique « maître du Kremlin » ne fait pas défaut. On lit aussi qu’il «  promet aux Russes des changements qui vont les rendre encore plus heureux », laissant sous-entendre qu’il se serait exprimé vaguement en ces termes ridicules. C’est à croire que les promesses électorales irréalistes, en France, ça n’existerait pas… Le scrutin à venir en Russie est bien entendu une « pure formalité » probablement parce que le fringant et soi disant si populaire « opposant » Navalny [12] est inéligible.

 L’Obs n’est bien sûr pas en reste [13] et dans le même créneau pour oser même publier cette phrase : « ses propos donnent une tonalité militariste au climat de guerre froide qui ne cesse de s’aggraver entre Moscou et Washington malgré les promesses de réconciliation de Donald Trump ». On ne sait s’il s’agit d’une pensée mal exprimée (les promesses déjà lointaines de Trump) ou si c’est volontairement ambigu. Ce qu’on ne sait non plus, c’est ce qui aurait pu se passer si l’UE et les Etats-Unis n’avaient pas pris quelques distances l’un envers l’autre suite à l’élection de Trump. Car rien n’aurait changé sur le fond aux USA, seules les tournures de phrases auraient changé, mais le microcosme politico-médiatique franco-allemand serait déjà prêt pour nous préparer à une bonne guerre mondiale, se prosternant devant la « femme la plus puissante du monde » qui nous y enjoindrait.

 En ce sens, il y a au moins un avantage à la victoire de Trump, le rustre et mal aimé. Il aura probablement moins d’influence sur l’Europe. C’est au moins une piètre consolation, alors que l’Europe et ses médias ne raisonnent plus avec leur tête mais purement à l’émotion, comme les immatures devant leurs stars préférées.

Des vrais armes ou du bluff ?

Il est facile de voir que parmi les cinq projets présentés [14], deux sont trop futuristes et couteux pour avoir dépassé le stade du concept. Tout le monde l’a remarqué assez rapidement, et ce fut d’ailleurs l’occasion pour quelques railleries supplémentaires. Les autres types d’armes sont plus conventionnels et ne relèvent pas du secret. Les missiles hypersoniques ne sont d’ailleurs plus de la science fiction depuis longtemps, même s’ils sont réputés comme difficiles à intercepter. C’est là le point fort du message. On peut remarquer que les pourfendeurs de la Russie ne savent finalement plus s’il faut se moquer de ces armes supposées désuètes ou non opérationnelles, ou s’il faut au contraire les évaluer comme menaces sérieuses. Entre condescendance et paranoïa, c’est parfois difficile de choisir !

[1] http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2017/09/11/97001-20170911FILWWW00316-ukraine-debut-des-manoeuvres-militaires.php

(On remarquera au passage qu’une manœuvre russe à l’Ouest du pays est en revanche qualifiée de manœuvre « aux frontières de l’Union Européenne »).

[2] https://www.reuters.com/article/us-usa-budget-defense/trump-proposes-bigger-budget-for-pentagon-nuclear-arsenal-idUSKBN1FW1YL

[3] http://www.dailymail.co.uk/news/article-5446589/Hillary-claims-Russians-coming.html

[4] http://www.nytimes.com/2018/03/05/us/politics/trump-nuclear-russia-containment.html?hp&action=click&pgtype=Homepage&clickSource=story-heading&module=first-column-region&region=top-news&WT.nav=top-news

[5] https://www.thetimes.co.uk/article/russia-is-a-bigger-threat-to-our-security-than-terrorists-5mjrmr58n

[6] Vaste sujet qui ne peut se résumer en un seul article. Les plus patients et curieux peuvent se référer à ces playlists de vidéos :

https://www.youtube.com/playlist?list=PL1fQfU9jb9Uz66X5ThA5upF_FJxoEmqYP

https://www.youtube.com/channel/UCV7ERqInGC_t8ndBe5qozqA/videos

[7] https://edition.cnn.com/2017/08/24/politics/ukraine-us-mattis/index.html

et plus récemment : https://www.reuters.com/article/us-usa-defense-ukraine/u-s-approves-possible-sale-of-anti-tank-missiles-to-ukraine-idUSKCN1GD6DK

https://www.unian.info/politics/2394782-us-to-allocate-200-mln-for-ukraines-defense-in-2019.html

(« Unian » est l’un des médias de propagande de Kiev)

[8] A titre d’exemple (non exhaustif), la situation actuelle à la Ghouta clarifiée par un reporter audacieux, mettant les pieds dans le plat sur France 24 :

https://www.youtube.com/watch?v=xpa6TjeY3_U

[9] https://www.thesun.co.uk/news/5750380/chinas-futuristic-military-is-an-even-bigger-threat-than-previously-thought-top-pentagon-official-admits/

[10] https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/discours-de-poutine-01-03-2018-202174

[11] http://www.liberation.fr/planete/2018/03/01/armee-russe-poutine-roule-des-mecaniques_1633137

[12] http://stoprussophobie.info/index.php/medias-et-russophobie-menu/item/163-encore-navalny

[13] https://www.nouvelobs.com/monde/20180301.OBS2947/poutine-celebre-les-nouvelles-armes-invincibles-de-la-russie.html

[14] https://www.youtube.com/watch?v=TMC2rkVxVxU

 


 

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