D’où vient et où va l’Ukraine ?

Comment sont envisageables des pourparlers d’armistice ou au moins de cessez-le-feu
pour le conflit qui se déroule en Ukraine ? Les hypothèses sont diversement évoqués avec
de plus en plus d’insistance. Une réunion étrange s’est tenue en Suisse au printemps 2024.
Depuis l’élection du président Trump, des négociations directes ont repris à Istanbul, après avoir été rejetées par l’intervention de l’ancien premier ministre britannique Boris Johnson qui a interdit aux Kiéviens de conclure un accord de paix dès mars 2022. En 2025, l’équipe de Zelenski ne souhaite pas vraiment la paix et les Russes ne peuvent accepter un simple cessez-le-feu qui aboutirait à un réarmement des armées kiévo-otaniennes et une nouvelle tromperie des occidentaux du type des accords de Minsk, destinés seulement à armer Kiev et à préparer une solution militaire contre le Donbass, comme l’ont reconnu Mme Merkel et M. Hollande.
Des négociations véritables surviendront forcément à un moment ou à un autre mais quand et comment, compte
tenu du poids du passé et des objectifs d’avenir des uns et des autres et surtout des
autres.
Un cessez-le feu arrêterait certes momentanément la boucherie. Mais les occidentaux
ne peuvent et ne veulent pas garantir combien de temps il durerait. Et les Russes ne
peuvent accepter une situation à la coréenne (braise guerrière couvant à l’infini) qui ne
ferait que prolonger l’état de tension avec l’occident, avant une reprise d’hostilités ouvertes
inévitable. Le but stratégique des Etats-unis est un démantèlement de la Russie (cf. projet
de la Rand corporation) et l’établissement d’un fossé entre l’Europe occidentale et sa
partie orientale : la Russie.
Sous réserve de ce qui se dit dans des négociations secrètes, nous n’en sommes qu’à
un prémisse sous forme de pantomime à l’ouverture de négociations sérieuses. Les Russes ont remis un mémorandum de leurs conditions, qui n’ont guère varié depuis décembre 2021 à l’exception de l’intégration de 4 oblasts libérées depuis. Mais les otano-kiéviens l’ont pour l’instant rejeté.
Il semblerait qu’un conflit d’une telle intensité entre États européens (la Russie est une
puissance européenne) ayant une diplomatie et une histoire commune, et pour certains
d’entre eux des intérêts économiques complémentaires évidents, aurait dû être depuis
longtemps réglé, voire encore plus vraisemblablement évité. Cela aurait dû être le cas
mais ça ne l’a pas été.
En voici certaines raisons qu’il vaut mieux connaître si l’on veut espérer comprendre ou
peut-être contribuer à l’obtention d’un règlement. Pour tout observateur censé et lucide, il
serait en fait à portée de main. Le problème est qu’un règlement durable est vital à terme
pour le monde russe et ukrainien mais pas forcément une bonne affaire pour certains
intérêts d’outre-atlantique. Ces derniers entraînent dans une conduite suicidaire leurs
obligés d’Europe occidentale qui auraient tout intérêt à calmer le jeu, ne serait ce que pour
des raisons économiques.
Seules des négociation russo-américaines ont des chances
Le président kiévien Volodymir Zelinski a proclamé une loi interdisant toute négociation !
Des responsables du régime de Kiev et des dirigeants de l’Union européenne ont même envisagé
des «négociations» sans les Russes ! Difficile de savoir s’il y a d’éventuelles discussions secrètes
avec les anglo-saxons, qui sont en fait les seuls décisionnaires du coté otano-ukrainien.
Seules des négociations américano-russes peuvent aboutir à quelque chose, tous
les autres n’étant pas décisionnaires et les «pays du sud», évoqués par contenance
pour Genève ne sont que des témoins. La Suisse elle-même s’est mise hors jeu en
rompant sa neutralité et en s’associant aux mesures économiques discriminatoires contre
la Russie. Difficile de parler de sanctions, la Russie ne lui ayant rien fait. Du reste tout
comme aux autres pays de l’Union européenne et même aux Etats-unis, qui ont
simplement été contrariés que d’autres se permettent ce qu’ils pratiquent en permanence, c’est à dire la défense de leurs intérêts. A ce détail près, qu’il s’agit pour eux d’intérêts
impériaux d’hégémonie monétaire, alors que pour les Russes ce sont des intérêts vitaux
pour l’existence d’un état russe.
Faute de succès sur le front, le recours par la partie otano-kievienne à des
bombardements de civils dans les régions frontalières russes et des actions terroristes
comme des assassinats de personnalités ou comme celle du Crocus Hall ou encore de ponts de chemins de fer, sans parler des
reprises de bombardements contre la grande centrale nucléaire de Zaporojié, au sud-est
de l’Ukraine, et des attaques au sud de la Russie d’Europe comme l’occupation meurtirère de la région de Koursk, sans parler des attaques de drônes contre des vecteurs ou des radars d’implication nucléaire. Tout celà semble montrer qu’il est
difficile de trouver un minimum d’accord pour déterminer de quoi parler.
Il s’ensuit une escalade de violence et de risques de recours nucléaire : d’abord par une
éventuelle explosion de la centrale grâce à un missile bien placé par les conseillers anglo-
saxons ou allemands. Ces derniers semblent réticents mais leurs missiles Taurus sont
susceptibles de pouvoir être utilisés. Bien sûr, les Russes seraient accusés par les médias
occidentaux contre toute vraisemblance mais ça ne sera pas la première fois. Reste que
l’opération serait bonne pour les otaniens car au-delà du nombre importants de victimes si
malgré les précautions des spécialistes russes le coup est savamment porté, il y aura eu
bombardement nucléaire «en dépit du plein gré» de tout le monde. Le nombre de victimes
Ukrainiennes, russes et même européennes inquiètent peu les gens d’outre-Atlantique et malheureusement des dirigeants bellicistes ouest-européens, qui
en revanche devraient s’inquiéter de la réponse russe. Mais ces derniers considéreront ils
l’attaque contre la centrale comme une attaque nucléaire contre la Russie ? Ils peuvent
légitimement le faire depuis que la région de Zaporojié a voté pour le rattachement à la
Russie mais d’ici à justifier l’envoi d’un missile nucléaire en réponse sur New York ou
Washington, voire Londres ou Berlin, il y a un pas difficile pour les Russes. C’est pourquoi,
le risque est réel, même si les sources russes tentent de rassurer sur les mesures de
sécurité prises dans la centrale.
Le même risque, qui n’est pas nucléaire mais en est l’équivalent par la puissance d’une
éventuelle explosion qui représenterait deux fois Hiroshima, selon plusieurs sources de
presse, est représenté par le dépôt de munitions géant qui se trouve en Transnistrie, à
l’est de la Moldavie.
Du coté américain, jusqu’à l’élection de Trump qui voudrait ne pas porter la responsabilité d’une défaite, envisager des négociations n’avait de sens que pour un cessez-le-feu
provisoire, dans la mesure où les choses ne se sont pas déroulées exactement comme
prévu sur le terrain et au niveau de la résilience économique et financière de la Russie,
moins isolée dans le monde que souhaité. Compte tenu du succès de la partie ouest européennes de leur opération ukrainienne qui a consisté à renforcer le pillage des pays alliés,
les États-Unis auraient intérêt à un gel du conflit en attendant des jours meilleurs et un
réarmement des Ukrainiens.
Comme ils sont parvenus à couper pour longtemps l’Europe occidentale de la Russie
(leur complémentarité politico-économique étant l’obsession des dynasties financières et
politiques ayant le pouvoir outre Atlantique) et à contraindre les pays de l’UE à acheter
leur gaz de schiste plus cher, tout en les contraignant à délocaliser leurs industries
restantes aux USA (ils avaient imprudemment un peu trop délocalisé), il ne reste que le
démantèlement de la Russie au programme, déjà ancien. Le projet chinois de BRI (belt
and road initiative-route de la soie) qui concrétiserait l’ensemble eurasiatique est aussi au
moins retardé, grâce aux sanctions imposées aux subordonnés européens. Contre leurs
intérêts mais avec une application zélées incompréhensibles des dirigeants mis en place par la finance globale.
Il est vrai que les Russes de leur coté n’ont pas intérêt, alors qu’ils ont plutôt l’avantage
sur le terrain, à accepter maintenant un arrangement dans un conflit dont ils ont peut-être
sous-estimé l’importance pour l’hégémonie mondiale des USA. Il ne peuvent accepter le
gel brûlant «à la coréenne», en attendant de reprendre les hostilités une fois que l’OTAN
se sera refait une santé.
Il n’y a plus aucune confiance coté russe après toutes les
menteries des occidentaux : l’extension de l’OTAN, malgré les promesses de James
Baker, secrétaire d’État en 1991, le rôle des agences américaines dans les guerres et
désordres du Caucase, maintenant reconnu par le président Poutine qui n’en faisait pas
état précédemment. Cerise sur le gâteau : la tromperie des accords de Minsk entre Kiev et
les révoltés du Donbass de 2014-15, reconnue par Mme Merkel, M. Hollande et bien sûr
l’ex-président Parachenko qui s’en fait une gloire.
On peut ajouter les provocations sous faux drapeau comme la destruction du vol
malaisien MH17 en 2014 ou le massacre de Boutcha en 2022 en Ukraine que les
politiques et médias occidentaux attribuent aux Russes. Tout porte à penser que des
forces kiéviennes sont en fait responsables, ne serait-ce qu’en raison de la faiblesse des
enquêtes sur ces sujets. Et maintenant s’ajoute l’attaque terroriste de Crocus, après les
assassinats de personnalités comme la philosophe Dacha Douguina, ou l’écrivain Tatarskij
ou l’attentat contre Zakhar Prilepine, l’un des meilleurs écrivains contemporain russe. Puis l’offensive contre Koursk et les attaques terroristes et militaires en territoire russe contre les vecteurs nucléaires.
Le seul moyen pour le coté russe d’obtenir un cessez-le-feu durable à défaut de paix,
serait de reprendre possession de toute la NovaRossia de Catherine II. Elle forme un
croissant entre Kharkov au nord et Odessa au sud, en passant par Lougansk, Donetsk,
Kherson, Nikolaevsk et aussi Dniepropetrovsk (Dniépro-Ekaterinoslav), qui pose d’autres problèmes.
Ces territoires ont été attribués à la nouvelle république d’Ukraine, formée par les
bolcheviks après la guerre civile, au début des années 1920. Et c’est l’une des causes
principales, au niveau local, de la guerre actuelle et ce qui lui donne aussi son caractère
de guerre civile.
La Russie contrôlerait ainsi l’accès à la mer Noire, referait la jonction avec la Transnistrie
(qui était en Ukraine avant 1939) et la Moldavie par la même occasion. Cela permettrait
aux populations russophones de ces régions de se déplacer facilement et librement entre
toutes ces régions. L’Ukraine serait réduite à la dimension plus historique des cosaques
zaporogues, purement agricole et plus pacifique par la force des choses. Si toutefois les
monopoles américains qui ont acquis les terres de tchernoziom (terres noires très fertiles) et des gisements de terres rares peu nombreux en fait et d’uranium,
la laissent se développer un peu, après le pillage de trente ans qu’elle a connu par les
lignées d’oligarques qui se sont emparés du pouvoir après 1990 et des bandits qui les ont
accompagnés.
Un arrangement qui ouvrirait la voie à un accord de sécurité
européenne
Tout arrangement ne pourrait se faire maintenant que au dépend d’une Ukraine post-
1991, fragile car artificielle et que ses dirigeants n’ont pas su faire vivre par avidité,
paresse et fanatisme idéologique. Il satisferait beaucoup de monde des deux camps et
ouvrirait même la voie à un nouvel accord de sécurité européenne qui pourrait garantir la
paix pendant un certain temps.
Une négociation globale de sécurité européenne renouvelée, garantissant à tous les
pays leur sécurité avait été proposée par la Russie dès novembre 2021. Elle avait été
rejetée avec mépris sur le thème «vous n’êtes qu’une pompe à essence» par les Etats-
unis et leurs obligés. Les Russes avaient fait cette proposition «de la dernière chance»
(que la propagande médiatique otanienne a parfois qualifié d’ultimatum) en sachant bien
qu’en fait les otaniens préparaient un règlement guerrier dans le Donbass. Cette attaque
serait un prétexte à déclencher une guerre contre la Russie puisqu’elle ne manquerait pas
d’intervenir contre un nettoyage ethnique qui promettait d’être sanguinaire, comme les
occidentaux savent le faire, cf. la Yougoslavie, l’Irak, la Libye ou Gaza…
La Russie est intervenue en effet mais un peu plus tôt que prévu. De telles
négociations étaient pourtant une clé pour éviter les trois années sanguinaires qu’ont
vécues la Russie et l’Ukraine, les tensions et la paupérisation en Europe. Ce sera de
toutes les façons la condition pour une paix durable sur le continent.
Pourquoi des négociations sur la sécurité européenne en 2021 n’ont pu
avoir lieu?
Ca n’a pas marché en janvier 2022 pour deux raisons qui évidemment sont mêlées :
l’une locale, l’autre mondiale. Ce qui est très caractéristique de tout ce conflit avec un
double dimension spatiale et temporelle.
– Les raisons locales étaient:
– Comme nous l’avons évoqué, l’imminence du lancement du plan de «résolution de la
question du Donbass à la Croate», selon les termes d’un responsable ukrainien. (cf.
encadré)
– la volonté des ultra nationalistes, originaires des parties occidentales de l’Ukraine, qui
avaient depuis leur prise du pouvoir à Kiev en 2014 procédé à un endoctrinement massif
de la population et surtout de la jeunesse. Ils voulaient en découdre avec les rebelles de
l’est et si possible de la Crimée, déjà retournée dans le giron russe. Car ces populations
russes, peu enclines au bilinguisme et encore moins au changement de langue,
empêchaient les idéologues de «l’ukrainisme» de construire une nation jacobine et aux
oligarques et mafieux qui pillaient le pays depuis 30 ans, de s’emparer plus complètement
des richesses minières et industrielles de l’est, où ils étaient en concurrence avec des
oligarques russes. Le tout était mêlé.
A noter que cette démarche nationaliste ultra et empreinte du nazisme pratiqué durant la
guerre et au-delà, est bien antérieur à 2014. L’idéologie est née en Autriche-Hongrie au
XIX ème siècle. Elle a connu des soubresauts en 1917-1921, puis un encouragement
indirect pensant la période soviétique et une floraison sous l’occupation allemande.
Renaissante sous Khrouchtchev, qui a libéré des collaborateurs pro-nazis emprisonnés après la guerre, elle a pu s’épanouir à nouveau avec l’implosion de
l’URSS et le recyclage express de la nomenklatura communiste en nationalistes, puis
ultra-nationalistes et parfois néo-nazis. L’affairisme, la criminalité et bien sûr les projets
géopolitiques anglo-saxons y ont trouvé pain béni. La «zombisation» massive des masses
ukrainiennes a commencé dès les années 90, sans convertir l’est du pays. Elle s’est
intensifiée après 2004 et la «révolution orange» et a pris des formes délirantes après le
coup d’état de 2014.
Le projet de solution «croate» des otano-kiéviens
Les Croates s’étaient débarrassés en 1995 de 250.000 Serbes qui vivaient depuis le XVII
ème siècle dans la région frontalière, dite de la Krajina. L’OTAN et Kiev préparaient depuis
plus de 5 ans la même chose pour le Donbass : un nettoyage ethnique violent pour se
débarrasser de 4 millions de Russes, devenus ukrainiens par la volonté des bolcheviks
dans les années 20. En 2014, après le coup d’état de février à Kiev, ces régions n’ont pas
admis le nouveau pouvoir qui voulait notamment leur interdire leur langue, le russe. Il faut
y ajouter la haine et le mépris cultivé à l’égard des quelque 40% de Russes ukrainiens par
les partis ayant pris le pouvoir avec l’appui des services anglo-saxons.
Des forces kiéviennes ont été envoyées pour bombarder les villes de Donetsk et
Lougansk. Elles ont voulu s’opposer au pouvoir de Kiev, issu du coup d’État de février
2014. Elles ont su se défendre et même gagner localement, ce qui a abouti aux accords
de Minsk. En février 2022, la guerre durait depuis plus de huit ans, ayant fait quelque
14.000 morts dans les deux camps. Ces accords de Minsk, obtenus après des victoires
des rebelles du Donbass dès 2014 et signés sous le parrainage de la France, l’Allemagne
et la Russie étaient destinés à ne pas être appliqués, comme l’ont reconnu Mme Merkel et
M. Hollande. L’objectif était de préparer une armée ukrainienne pour régler la question du
Donbass, voire de la Crimée, par la violence. Depuis 5 ans, 10.000 hommes par an étaient
formés dans les pays de l’OTAN, des fortifications étaient construites ou améliorées par
des spécialistes de l’OTAN, du matériel militaire était livré, des structures de réception des
satellites d’observation, des stations d’observation de la CIA établies, comme l’a dévoilé
récemment le New York Times. Des laboratoires de recherches de guerre bactériologique
installés dans toute l’Ukraine. En même temps, des mesures d’offensive économique et
financière, déjà lancées depuis l’affaire Magnitsky en 2009 mais accrues depuis la
réunification de la Crimée, ont été mises au point.
Juste avant le lancement de l’opération contre le Donbass, les services américains et les
médias aux ordres criaient à l’imminence d’un attaque russe de l’Ukraine. Ils l’attendaient
effectivement en réaction aux massacres prévus, venant de l’est pour protéger les
populations russes pourchassées.
Les Russes ont devancé l’appel de quelques jours en lançant leur «opérations militaire
spéciale» avec quelque 130,000 hommes, ce qui ne permet pas de parler d’une
«invasion» de l’Ukraine, plus grande que la France et alors que plus de 170,000 hommes
otano-kiéviens étaient massés le long de la ligne de démarcation et préparaient l’assaut.
Des bombardements, dont le début a été relevé par les observateurs de l’OSCE
présents sur place, dès le 13 février avec intensification le 17.
En passant à l’action le 22, les Russes qui ont pensé à tort que les opposants ukrainiens
pourraient passer de leur coté et estimé que le pouvoir de Kiev allait céder très
rapidement, ont sous-estimé la détermination de l’OTAN. Kiev a demandé des
négociations et ses représentants ont signé un accord d’armistice en mars à Istanbul. D’où
la venue du 1 er ministre britannique Boris Johnson à Kiev pour empêcher que le cessez-le-
feu acquis à la demande de Kiev, soit mis en application.
De son point de vue, tout avait été préparé pour casser les Russes, sa démarche était
donc cohérente, la vie de milliers d’Ukrainiens ne l’inquiétant pas outre-mesure. Ils
pensaient tous réellement que la Russie ne résisterait pas aux sanctions massives, d’où
les déclarations aujourd’hui souvent reprises du ministre français des finances Bruno
Lemaire sur la «ruine imminente» de la Russie, alors que c’est la nôtre qui se préparait.
FIN encadré.
Les raisons plus géopolitiques relèvent de l’histoire de la géographie et des conceptions
et appétits anglo-saxons. A noter : aucunement des nôtres, en tant que Français.
– La vision anglo-saxone de la place et de l’utilisation de l’Ukraine est brillamment exposée
dans le livre «le grand échiquier» de Zbigniew Brzezinski, conseiller de tous les présidents
américains depuis James Carter. Il s’agit d’empêcher le développement de la Russie,
quelque soit sa forme de gouvernement, tant qu’elle reste un grand pays. Du temps des
empires britannique et russe, c’était l’obsession de l’accès de la Russie aux mers
chaudes. Elle pourrait concurrencer la domination maritime de l’Angleterre depuis
l’élimination de la France avec la défaite de Napoléon. Pour les successeurs américains
de la perfide Albion, la région du «coeur des terres – heartland» comme définie par la
géopolitique anglo-saxone, reste aussi stratégique et importante pour empêcher le
développement d’un concurrent capable de remettre en cause l’hégémonie de l’empire
américain. Surtout s’il coopère avec le reste de l’Europe en formant ainsi un ensemble
eurasiatique continental, cohérent et riche, qui pourrait ne pas accepter la domination
américaine, établie depuis la fin de la seconde guerre mondiale et sans partage depuis
l’implosion de l’URSS en 1991.
Comme le fait remarquer en substance l’économiste universitaire américain Jeoffrey
Sachs, les Russes n’ont rien fait aux anglo-saxons pour justifier leur haine russophobe
depuis 1840, ils sont simplement un rival potentiel car ils sont trop grands. Et pour les
Américains aujourd’hui, il en est de même pour la Chine.
– L’outil fondamental de cette hégémonie, établi depuis la conférence de Bretton Woods en
1947, est le règne du dollar assuré par le paiement des matières premières et surtout du
pétrole en cette monnaie. Elle n’est garantie par rien aujourd’hui si ce n’est la puissance
militaire mondiale des Etats-unis.
Ces derniers ont fait payer très cher les velléités de Saddam Hussein, qui a voulu
vendre le pétrole irakien en euros, et à Mouamar Kadhafi qui a projeté d’établir un dinar
d’or pour vendre les matières premières africaines.
Voilà qu’à une autre échelle, sous-estimée par les Etats-uniens pour cause d’auto-
suffisance, le président russe se permet en 2007 de faire un discours à Munich pour
remettre en cause les politiques discriminatoires dont son pays est victime. Pays qui
pourtant était considéré comme vaincu, écrasé et abondamment pillé pendant toute la
décennie 90. C’était intolérable et inadmissible pour l’Hégemon. Depuis lors, les mesures
se sont succédées, ou pourrait-on dire intensifiées, car depuis 1991, les menées pour
affaiblir la Russie n’ont pas cessé :
– d’une manière guerrière dans le Caucase et en déchiquetant la Yougoslavie,
– de manière économique en lui imposant un pillage immodéré et une banque centrale
contrôlée par l’étranger. Plus anecdotique mais révélateur: aucune grâce, même pas du
lend lease contracté pendant la deuxième guerre mondiale pour l’aide militaire à l’URSS
que la Russie a remboursé jusqu’au dernier centime jusqu’en 2006.
– de manière « culturelle » en mettant la main sur tous les réseaux de distribution
cinématographique pour instaurer une omniprésence du cinéma américain. Au lendemain
de la guerre mondiale, dans le plan Marshall les Américains ont imposé un quota
obligatoire de films américains à diffuser en France ! Le soft power a été intense en
Russie et plus encore en Ukraine et ses conséquences sont là.
– Les révolutions de couleur dans les anciennes républiques de l’URSS, dont la plus
importante est organisée en Ukraine dès 2004. Celle de Géorgie a permis de lancer en
2008, après le discours «inadmissible» de 2007, une offensive sanguinaire contre une
république autonome déjà, celle de l’Ossétie, dont le nord est en Russie et le sud était en
Géorgie. Cette attaque géorgienne, au cours de laquelle les soldats de la paix casques bleus de l’ONU ont été tués, marque la première réaction armée de la Russie, si l’on ne
compte pas les combats en Tchétchénie.
– La secrétaire d’État américaine russophone, Condoleeza Reis a bien résumé l’objectif
réel de l’État profond américain quant à la Russie. Elle a expliqué en substance que le
pays occupe 15 % des terres immergées, ne compte que 2,5 % de la population mondiale
et dispose de 30 % des richesses mondiales en matières premières. Pour elle, cela
constituait un «problème». Sans doute pas pour les Russes.
A voir comment les colons européens se sont comportés avec les populations
autochtones en Amérique et par la suite dans le monde entier, comme par exemple
actuellement au Congo via le Rwanda ou en Syrie, où des compagnies américaines
pompent sans vergogne le pétrole syrien sous protection militaire et sans y être
autorisées. Pour mémoire, ils avaient aussi commencé à exploiter le pétrole au Sahara
algérien lors de la colonisation française sans rien demander aux Français (cf. Eric
Branca, l’ami américain).
En un mot, le projet est concrétisé par une carte faite par la Rand Corporation montrant
une Russie démembrée en 41 états. Un terrain de chasse tout préparé pour les grandes
compagnies d’investissement américaines, comme elles l’ont fait déjà en Ukraine où un
pillage mafieux et oligarchique avait largement préparé le terrain. Pour la Russie, des
«compradores» locaux sont prévus et des «opposants», organisés aujourd’hui par les
différentes agences occidentales, prétendent défendre ce démantèlement de la Russie !
Pour toutes ces raisons, avec quelques autres plus idéologiques de néo-conservateurs
mondialistes, voire des motivations familiales chez des gens comme Nuland ou Blinkine,
les USA ont privilégié la main-mise et l’utilisation de l’Ukraine pour mener leur proxy war
contre la Russie. Suivant en cela les recommandations de Brzezinski, fin connaisseur de
la région avec une motivation liée au nationalisme polonais : l’Ukraine est le ventre mou
de la Russie et sans l’Ukraine, la Russie n’est plus une puissance !
Ce territoire de l’Ukraine se prêtait à l’exécution du projet de pillage de la Russie, de
l’Ukraine et en même temps de l’Europe occidentale, mêlée à l’affaire. La volonté
hégémonique mais aussi la croissance exponentielle d’un déficit financier dû à un usage
inconsidéré de la planche à billets contraint à une fuite en avant permanente pour éviter
un crash en cas de recul de la place mondiale du dollar. Pour atteindre ces objectifs, le
savoir-faire traditionnel des anglo-saxons à diviser pour régner et l’art des provocations
sous faux drapeau est appliqué avec brio. Les historiens de l’avenir en feront peut-être
des références.
L’Ukraine est un territoire, pas une nation historiquement constituée. Il n’y a même plus
de volonté d’une majorité de la population de vivre ensemble. La levée d’autodéfense très
large, mais pas unanime, au début de l’opération militaire spéciale de 2022, d’ailleurs
sous-estimée par les Russes, ne contredit en rien cette constatation. Elle révèle en
revanche, le véritable gâchis commis par ceux qui ont pris les pouvoirs politiques et
économique en Ukraine en 1991. Pour construire un pays puzzle sans que les pièces se
séparent, la moindre des choses est de rechercher l’unité et un minimum de convivialité.
Surtout dans le contexte d’écroulement économique de l’URSS à la fin des années 80 et
du début des années 90.
C’est tout le contraire qui a été fait : les pires tendances corruptrices de la bureaucratie
soviétique qui consistait à «apporter» de haut en bas de la hiérarchie les revenus de la corruption, n’ont plus été bridés avec la disparition de l’État. L’absence de droit et de
pouvoir judiciaire a laissé le champ libre au développement des mafias pour régler les
litiges et intensifier le pillage. Pour préserver leurs places et leurs privilèges, jusque là
légitimés par une référence idéologique communiste, les nomenklaturistes se sont
précipités par incompétence, paresse et poussés par l’urgence vers une idéologie
nationaliste minoritaire mais active et historique. Cette dernière était issue de théories
créées au XIX ème siècle dans l’empire des Habsbourg auquel appartenait la Galicie, à
l’ouest de l’Ukraine actuelle. Pour des raisons de proximité des sources idéologiques dans
le monde germanophone, les tenants de ces idéologies, qui depuis 1918 s’étaient
retrouvés en Pologne jusqu’en 1939 puis 1945, ont été très à l’aise dans le nazisme. En
Ukraine, ce dernier n’est pas mort en 1945 et s’est trouvé ravivé après 1991 pour les
raisons évoquées. D’abord minoritaire mais influent, il a servi de soubassement à la
recherche d’une identité différente de la Russie.
Pour l’anecdote, interrogé après une conférence de presse pour présenter «son» livre :
«l’Ukraine n’est pas la Russie», l’ex-président ukrainien Leonide Koutchma au début des
années 90 a reconnu que tout le problème était qu’il n’y avait guère de différences. Dans
le souci de créer de telles différences, les hyper-nationalistes de l’ouest, utilisés par les
nouveaux bureaucrates et des clans mafieux, ont voulu artificiellement imposer à tout le
pays la langue de Galicie et répandu la haine raciste contre la partie russe de leur pays :
la nouvelle Russie et la Crimée. Ce culte de la haine allait et va toujours très loin puisque
des scénettes dans les écoles primaires mettent en scène des fillettes récitant des
poèmes mimés où l’on tranche la gorge de «Moscali», c’est à dire des Russes. Tout ça a
abouti aux attaques de «berkout» (CRS) rentrant de Kiev en Crimée après les émeutes et
le coup d’état de février 2014, au massacre d’Odessa en mai 2014, aux bombardements
du Donbass peu après. Peu de chances d’aboutir à la construction d’un pays !
Si on y ajoute le bon sens général qui dicte qu’il vaut mieux éviter d’avoir des mauvaises relations
avec ses voisins, l’agressivité à l’égard de la Russie, alimentée par les occidentaux ne
pouvait que mal finir, une fois que les différents trafics des groupes d’intérêt des deux
cotés ne pouvaient compenser les actes hostiles. L’ancien dirigeant polonais de l’époque
soviétique Gomulka aimait à dire que «la Pologne n’est pas en Australie». C’est une leçon
de géopolitique de base.
Que peut-on conclure et essayer de prévoir ?
La Russie n’a pas encore gagné malgré les apparences. Les Anglo-saxons ne se reconnaîtront jamais perdants et ont à leur
avantage la stratégie à long terme, grâce à la structure monarchique et de la City en
Grande-Bretagne et aux dynasties familiales financières aux Etats-unis. Une défaite ou un
«non-succès» n’est que provisoire. Souvenons nous d’Hannibal, le général carthaginois
aux éléphants dans les Alpes : il avait gagné militairement mais Rome a fini par l’emporter
politiquement. Alors que les états-uniens peuvent attendre longtemps des jours meilleurs
au-delà de l’océan, les Européens de l’ouest et tout particulièrement les Français, compte
tenu de la catastrophe economico-financière qu’ils subissent, ne devraient pas pouvoir se permettre un
état de guerre latente avec la Russie durant des années. Ils font tout pour malgré tout. Notamment sans doute avec des visions fédéralistes pour l’Union européenne en voulant créer un “patriotisme européen” par haine du russe. D’où ce déferlement de russophobie chez les politiques, dans les médias et maintenant les universités. Comme si un “patriotisme pouvait se construre sur la haine ! C’est ce qu’ont cru les nazis en jouant le racisme et l’antisémitisme.
C’est de fait, ce que visent actuellement les dirigeants de l’OTAN, notamment le
président Macron. En menaçant la ville portuaire d’Odessa, il exprime clairement la
volonté anglo-saxonne d’empêcher la Russie d’y arriver. Odessa est une ville
historiquement russo-juive et constitue aujourd’hui l’accès de l’Ukraine à la mer et
l’emplacement d’une future base américaine, après l’échec de leur projet de l’installer à
Sébastopol dès 2014. Le coté otanien est donc prêt à presque tout pour empêcher les Russes de remettre les pieds à Odessa. D’autant plus facilement s’ils peuvent utiliser des
proxy comme les Français, les Roumains et des Polonais !
L’escalade militaire et terroriste vise donc soit à faire peur à la Russie pour la dissuader,
ce qui est peu probable, soit de la contraindre à accepter des négociations en vue d’un
armistice à la coréenne qui permettrait de laisser couver le feu de la guerre pendant des
années, le temps de parvenir à déstabiliser la Russie et de réarmer des Ukrainiens et
d’autres mercenaires russophobes.
L’un des outils auquel recourent les otaniens en plus du terrorisme et des
bombardements des civils des villes russes, se situe en Moldavie.
Petit pays bien tranquille à première vue mais en raison de sérieux problèmes risque
d‘alimenter encore plus le conflit en cours sur le territoire ukrainien. Il est vrai que ces
tensions internes peuvent aussi fournir moult prétextes aux anglo-saxons et à leurs
obligés, dont malheureusement la France.
Cette dernière n’a aucun intérêt important en Moldavie. La propagande officielle a
ressorti soudain la francophonie qui semble pourtant bien moins importante dans l’esprit
des dirigeants français actuels au Rwanda ! C’est en tout cas un peu maigre pour risquer
et justifier un conflit qui fera des morts et risque de provoquer une explosion colossale
d’un très important dépôt de munition. En un mot un guêpier moldave risque de s’ajouter à
l’aventure guerrière qui semble souhaitée l’UE en Ukraine contre la Russie…
La Moldavie ne présente guère d’intérêt d’un point de vue de richesses ou de matières
premières mais elle occupe une place stratégique en raison de son voisinage avec
l’Ukraine et surtout de sa proximité d’Odessa. Cette dernière ville portuaire est l’enjeu des
opérations militaires et éventuellement de négociations des prochains mois. Pour les
Anglo-saxons, c’est la base en mer Noire qu’ils n’ont pas pu établir à Sébastopol. Pour les
Russes, c’est une région qu’il est souhaitable de récupérer (historiquement Odessa est
une ville russe et juive) pour espérer arriver à un cessez-le-feu à peu près pérenne sur le
territoire actuellement ukrainien et faire la jonction avec la bande de terre appelée
Transnistrie dans les gazettes occidentales.
L’existence d’une république autoproclamée en Transnistrie, à la suite d’un conflit
sanglant en 1992 à la suite d’une tentative de l’annexer à la Roumanie, et de la région de
Gagaouzie, opposée à la politique du gouvernement actuel de la présidente Maïa Sandu,
une ancienne de Harvard et de la Banque mondiale, élue grâce aux voix d’une diaspora
nombreuse dans les pays de l’UE et qui ne refuse rien à L’OTAN. L’opinion publique est de
plus en plus divisée et en automne 2023, le cours pro-otanien, sous couvert de pro-UE,
n’a pas trouvé de soutien lors des élections.
Le guêpier moldave
La bande de terre qui longe le fleuve Dniestr est aujourd’hui une sorte de Donbass à la
moldave. Peuplée de russophones russes, ukrainiens, juifs, allemands (de la Volga) et
moldaves, elle fut ukrainienne jusqu’en 1945, date à laquelle après guerre et occupation
roumaine assez douloureuse, elle fut rattachée à la nouvelle Moldavie par Staline. La
Moldavie elle-même est l’héritière de la Bessarabie, du temps des empires avant la
première guerre mondiale. En 1770, suite au pillage de la région par les Ottomans, les
seigneurs et monarques locaux orthodoxes ont fait appel à l’empire russe qui a envoyé le
fameux généralissime Souvorov régler le problème. La Bessarabie a été rattachée à l’empire russe par le traité de Berlin de 1878 par lequel la Roumanie a renoncé à ces
territoires en échange de terres anciennement bulgares… On est là dans les prémisses
des guerres balkaniques avec atmosphère «Tintin sceptre d’Ottokar». Après la guerre de
14-18, la Roumanie a néanmoins repris la Bessarabie mais pas la région actuelle de la
Transnistrie. L’URSS au nom de l’héritage de l’empire russe a repris la Bessarabie en
1944, sur la base du traité de Berlin.
Baptisée d’un ancien nom, la nouvelle Moldavie se voit ajouter la Transnistrie, qui venait
de subir une occupation roumaine très dure pendant la guerre puisqu’elle n’était pas
roumaine avant la guerre. La Roumanie était alliée à l’Allemagne nazie. Elle a retourné
son alliance deux jours avant l’arrivée des troupes soviétiques.
Au moment de l’effondrement de l’URSS et des indépendances des républiques
fédérées soviétiques, des nationalistes roumano-moldaves ont voulu interdire le russe et
rendre le roumain langue obligatoire. Transformés en bourgeois compradores, les anciens
apparatchiks ont commencé à préparer une absorption par la Roumanie. Deux régions
moldaves ont refusé : la Transnistrie (de l’autre coté du fleuve Dniestr) et la Gagaouzie,
dont on va parler plus loin.
Pour la Transdniestrie-Transnistrie, ça s’est mal passé. Le pouvoir nationaliste ayant
récupéré le pouvoir après la disparition de la justification communiste des privilèges de la
nomenklatura locale, a voulu, comme en Ukraine soumettre les populations non
roumanophones dont l’histoire était autre et la relation aux Roumains très différente de
celle des roumanophones. De plus, la partie «riche» de la Moldavie est en Transnistrie :
l’industrie, un barrage hydroélectrique, les relais du gaz russe… Le niveau de vie y était de
ce fait plus élevé qu’à l’ouest du pays, où les habitants en revanche frappés par la misère
après la chute de l’URSS, voyaient une perspective meilleure en Roumanie et son entrée
dans l’UE.
Le gouvernement de Kichinev-Chisinau, après des provocations armées par des
roumanophones en octobre 91, sont intervenus militairement et au printemps 1992, on
assiste à une guerre qui a fait beaucoup de victimes. Les Transnistriens se proclament
république du Dniestr. Une intervention russe parvient à arrêter les combats et se
transforme en «soldats de la paix» d’interposition à la «frontière» entre les deux entités.
L’unité russe est forte de 1.500 hommes et malgré des tensions selon les variations
politiques suivies par Chisinau, leur présence a permis d’éviter de nouvelles effusions de
sang.
Les soldats russes se trouvaient là notamment pour garder un énorme dépôt de
munitions situé au nord de la Transnistrie, près de la frontière ukrainienne et la ville de
Tchernovtsy. Ce dépôt datant de l’époque soviétique s’est vu enrichir en plus des
munitions évacuées d’Allemagne, lors du retrait des troupes soviétiques. Bien sûr, divers
trafics ont vidé quelques contenus de ce dépôt mais il est dans l’ensemble mieux gardé
que ceux d’Ukraine qui malgré le pillage des trente années depuis l’indépendance, ont
encore recelé des armes que les troupes kiéviennes ont utilisées. Ce dépôt fait saliver
Zelinski et sa compagnie et les occidentaux qui combattent la Russie jusqu’au dernier
Ukrainien. Les pressions et menaces se sont multipliées contre la Transnistrie et les unités
de l’armée russe pour qu’ils ne gardent plus le dépôt. Considérant que c’est trop
dangereux et ne voulant pas contribuer à l’armement des otano-kiéviens, les gardes
russes ont fait savoir qu’en cas d’attaque des dépôts, ils le feraient exploser ce qui, selon
des sources informées représenterait la puissance de deux bombes d’Hiroshima.
Les relations entre Tiraspol (capitale de la république du Dniestr) et Chisinau se sont
établies pleines de complexité et de non-dit des deux cotés pour survivre. Le grand stade sportif de Moldavie se trouve en Transnistrie qui fournissait aussi l’électricité et le gaz à la
Moldavie jusqu’à ce que Kiev coupe les gazoduc d’approvisionnement à partir de la Russie. En retour, les identifications moldaves permettent aux Transnistriens d’exporter
leur production. Souvent Moldaves et Transnistriens ont au moins trois nationalités :
moldave, roumaine, russe, transnistrienne et ukrainienne… L’envoi de troupes étrangères
risque fort de tourner à l’éléphant dans un magasin de porcelaine.
Un autre conflit «ethnique» qui était latent s’est rouvert ces derniers mois : celui des
Gagaouzes. C’est une population un peu mystérieuse, un peu comme les Basques par
exemple, dont la langue est turque mais qui sont en majorité chrétiens avec des restes de
paganisme, notamment dans une adoration du loup… Ces Gagaouzes répandus dans les
Balkans ont été accueillis en Bessarabie par la Russie. Ils sont environ 150.000 en
Moldavie aujourd’hui et ont obtenu une république autonome (capitale Komrat), à la faveur
des affrontements de Kichinev avec la Transnistrie. Eux aussi sont russophones en plus
de leur langue et ne veulent pas être intégrés à la Roumanie. Leur présidente actuelle
Eugénie Gutsul, bien élue, est au plus mal avec la présidente Sandu pro-
américaine. Elle s’est rendue en Russie à Sotchi, où elle a été reçue par le
président Poutine à qui elle semble avoir demandé de l’aide «au cas où». Au moment de
cette visite de l’élue gagaouze, Maïa Sandu, qui semble avoir une forte antipathie féminine
contre Mme Gutsul, qu’elle essaie même de faire arrêter, est venue rapidement en Gagaouzie. Dans son camp, on parle de
régler la question gagaouze «à la croate», comme ce qui était prévu pour le Donbass. Les
Gagaouzes n’ont pas d’armée mais on peut penser qu’ils ne se laisseront pas trop faire et
malgré leur christianisme, les relations avec la Turquie existent.
C’est dans ce contexte que de récentes démarches et déclarations du président Macron
ne laissent pas d’inquiéter. Des troupes françaises sont présentes en Roumanie. Le
président aurait dit lors d’un cocktail qu’il allait « envoyer des mecs » à Odessa. Un accord
a été signé avec Zelinski. Et un autre accord a été signé le 7 mars 2024 avec Mme Sandu.
A lire attentivement ce communiqué, et compte tenu du back ground exposé ici, on ne
peut qu’être inquiet et penser qu’une intervention française sur le terrain vers Odessa (à
quelque 200km de la Transnistrie) passerait par la Moldavie. Ca ressemble fort à
l’allumette jetée vers un baril de poudre. En voici des extraits qui ont été bien peu
médiatisés en France, en dehors des auto-satisfecits habituels.
«…. La France, co-fondatrice de la plateforme de soutien à la Moldavie, contribue au
renforcement de la résilience et des capacités de la République de Moldavie, et cela dans
tous les domaines. (NDLR c’est inquiétant) L’Etat moldave doit être en mesure de protéger
sa neutralité, (NDLR avec la présidente actuelle il n’est pas question de neutralité puisque
c’est un engagement avec l’OTAN, malgré une opposition de plus de la moitié de la
population) de défendre son territoire et sa population, et d’apporter une contribution à la
sécurité régionale et internationale, en coopération avec ses principaux partenaires dont la
France. (NDLR en termes diplomatiques, cela implique une possible intervention armée)
…
La France s’est par ailleurs attelée, à l’occasion de la conférence de soutien à l’Ukraine
qui s’est tenue à Paris le 26 février, à mobiliser les partenaires internationaux pour
soutenir la souveraineté, la résilience et la sécurité de la République de Moldavie. Les
efforts se poursuivront en ce domaine et la signature aujourd’hui d’un accord de
coopération de défense participe également de cet objectif….
La France réaffirme son soutien indéfectible à l’indépendance, à la souveraineté, et à
l’intégrité territoriale de la République de Moldavie dans ses frontières
internationalement reconnues (NDLR ce qui signifie sans la Transnistrie et d’avance
contre la Gagaouzie qui menace de faire sécession en cas d’unification avec la Roumanie) et salue les efforts déployés pour intégrer graduellement la région transnistrienne
dans un même espace juridique, économique, fiscal et douanier (NDLR cela signifie-t-il à
la manière «croate» ou comme Gaza?). La France confirme sa disponibilité à apporter
sa contribution, le moment venu, à un règlement durable et pacifique de ce conflit, y
compris au travers d’une assistance technique à la destruction des stocks de
munitions situés à Cobasna, (NDLR C’est le fameux stock d’armes équivalent à 2
Hiroshima) lesquels représentent un danger pour la population de l’ensemble de la région
(NDLR c’est peu dire!). La France et la République de Moldavie rappellent que la
Fédération de Russie doit respecter ses engagements internationaux pris notamment
dans le cadre de l’OSCE et retirer ses forces illégalement stationnées sur le territoire
moldave (NDLR Ces troupes ne sont pas illégalement stationnées. Elles gardent le dépôt
de munitions dont a hérité la Russie comme légataire de l’URSS et leur rôle d’interposition
a été reconnu internationalement. L’OSCE aurait pu reprendre ce rôle mais compte tenu
de la pauvreté de ses prestations dans le Donbass, où elle a quand même relevé le début
de l’offensive otanienne dès le 13 février 2022 en vue de l’épuration ethnique, il est peu
probable que les Russes et les Transnistriens lui confient la garde du dépôt de munitions)
Compte tenu de l’impossibilité d’établir une quelconque confiance avec la partie
otanienne, un retour à Odessa pour la Russie est en revanche le moyen minimum de
parvenir à une situation pouvant permettre un cessez-le-feu suffisamment durable. Une
entrée à Kiev serait une solution définitive mais coûteuse pour la Russie et risquée en
raison des actions terroristes prévisibles par des ultra-nationalistes. Un cessez-le-feu dans
la situation de ce début de printemps 2024 n’est qu’un état de guerre latente durant des
années. Un état de fait profitable aux USA pour empêcher toute réconciliation avec
l’Europe occidentale.
Une issue du conflit à Odessa, mais plus encore une capitulation à Kiev, risque fort
d’ouvrir la boîte de Pandore du morcellement du puzzle ukrainien : comme on l’a
mentionné, la Pologne qui déjà a signé des accords avec Zelinski sur le statut de la
Galicie et prépare actuellement des troupes en ayant abrogé les traités de limitation
d’armement, s’emparera vraisemblablement des provinces de l’ouest qu’elle avait avant
1939. On verra apparaître alors de vieilles rancunes des deux cotés avec des nationalistes
galiciens opposés aux Polonais et parmi ces derniers le souvenir des quelque 100,000
Polonais massacrés en Volynie en 1943 par des Ukrainiens nazis, dont se réclament une
partie active de ceux d’aujourd’hui. En outre, des habitants de Galicie et Volynie
s’inquiètent aujourd’hui des conséquences d’une occupation polonaise pour leurs
logements, souvent construits à l’époque austro-hongroise, que la loi polonaise prévoit
de « restituer » aux descendants des propriétaires d’alors.
Il y a fort à parier que la Hongrie et la Roumanie feront valoir leurs prétentions sur les
régions d’Ukraine trans-carpatiques, peuplées aussi de Russines ou Ruthènes qui ont
des cousins en Voïvodine serbe, en Ukraine et en Russie…. Il ne resterait de l’Ukraine
proprement dite que sa dimension historique d’avant unification avec la Russie en 1654 +
quelques provinces données par les Tsars. Peu de chances de rembourser l’argent
actuellement versé à flots par l’UE et la France au dépend de leurs populations
respectives. L’origine et l’issue prévisible de cette guerre génère une sensation de tristesse et de
dégoût devant le gâchis d’un pays magnifique et de tant de morts tragiques d’Européens
de la partie orientale du continent.
Dimitri de Kochko mars-avril 2024 révisé juin 2025