Homophobie ou russophobie ?

  • stoprussophobie redaction
  • vendredi mai 12, 2017
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Homophobie ou russophobie ?

Campagne russophobe orchestrée sur le thème de l’homophobie : un témoignage 

Une campagne officielle de persécution des homosexuels serait organisée et dirigée par l’état Russe. C’est du moins l’impression qui ressort aux yeux du public, suite à une propagande massive et insistante, pratiquée par certains médias français. Trouvons donc l’audace d’aborder ce sujet.

La télévision n’est certes pas en reste et les reportages se présentant comme représentatifs du phénomène «homophobe» en Russie sont très souvent basés sur des histoires marginales bien choisies, et souvent ridicules. A titre d’exemple, celui-ci est parmi les plus stupéfiants: http://www.bfmtv.com/international/eau-benite-et-hypnose-pour-soigner-les-homosexuels-en-russie-1156197.html . Je tiens ici à préciser que, ne faisant pas du tout partie des milieux dits «à sexualité non traditionnelle», dans ma précédente vie sociale et privée en Russie, je connaissais néanmoins beaucoup de personnes homosexuelles, dont plusieurs avec qui j’ai eu et je conserve des liens d’une profonde amitié. J’estime être donc parfaitement au courant de la situation d’un citoyen ordinaire homosexuel en Russie.

La réalité sur l’origine de la méfiance envers la promotion de l’homosexualité en Russie est très différente de l’image bâclée présentée par BFMTV. Cet article est un véritable méli-mélo sans aucune rigueur ! Cela ne mériterait même pas une contestation rigoureuse de chacune des accusations, mais quelques mots peuvent être utiles.

Pour commencer, rappelons que la poursuite pénale de l’homosexualité masculine ne se pratiquait déjà plus à l’époque de Gorbatchev. A titre de comparaison, jusqu’en 1981 elle était considérée comme une maladie mentale en France, comme en Russie. Ceci pouvait, dans des cas extrêmes, mener à un internement psychiatrique. Mais ce n’est pas la première fois que des pays montrant actuellement des excès de zèle dans la défense de droits prétendument bafoués – pour imposer des réformes sociétales à la mode – font preuve d’amnésie. Quant à l’homosexualité féminine en Russie, celle-ci n’avait jamais a été pénalisée, même en URSS. Mais tout comme pour la France d’il y a quelques décennies, à cette époque les gens ordinaires n’étaient très souvent même pas au courant de l’existence de personnes tentées par ce type de relations. La société était plutôt pudique.

Les années de «l’ouverture» totale de la fin des années 80 jusqu’au début des années 2000 ont laissé entrer en Russie, sans aucune restriction, tout et n’importe quoi, y compris la pornographie et les modes libertino-libertaires qui vont avec. A partir de 1993, entre autres, des gay-clubs s’installent à Moscou et à Saint-Pétersbourg. Ils deviennent de plus en plus nombreux et populaires, y compris parmi les milieux hétérosexuels du milieu artistique. Les jeunes et très jeunes garçons y viennent en cherchant une réussite professionnelle plus que des relations intimes. Mais souvent, sous certaines contraintes ou selon des conditions clairement déclarées, ils acceptent des relations sexuelles.

J’ai personnellement connu un jeune homme dans cette situation que tout le monde, y compris lui-même, considérait comme homosexuel. Jusqu’au jour où, «sans le faire exprès», après avoir un peu bu, il a eu une relation avec une femme pour finir marié avec une famille, des enfants et le bonheur pour sa mère qui a pu avoir des petit enfants. Il se maria à peine à l’âge de 19 ans. Pensez-vous qu’il était un vrai gay ? Pourtant il avait eu des relations intimes avec plusieurs hommes plus âgés et sans aucun scrupules. Ca semble difficile à croire mais c’est pourtant bien réel : En Russie, comme ailleurs, certains milieux artistiques et professionnels sont verrouillés au point qu’être hétéro-sexuel peut être un frein à une carrière !

Dans un contexte de croissance spectaculaire des cas de VIH-SIDA et d’hépatites B à la fin des années 90, la société civile commença à s’inquiéter alors qu’elle était auparavant indifférente aux sujets relatifs à la sexualité «moderne», dont l’homosexualité, supposant que cela ne la regardait pas. Il faut reconnaître que l’égoïsme de certaines personnes contaminées m’avait alors impressionnée. J’ai connu un malade souffrant de l’hépatite B. Il m’avait avoué ses soucis de santé mais n’avait pas du tout fait de même pour son «petit ami» du moment. Deux-trois ans plus tard j’avais appris que ce même «petit ami», déjà contaminé par le VIH à cause d’un autre copain, avait eu un «grand amour» avec encore un autre homme. Lui non plus n’avait pas avoué être infecté. J’avais protesté, il m’avait simplement répondu qu’il agissait comme d’autres l’avaient fait avec lui. Aujourd’hui, cet homme est en relativement bonne santé mais son «grand amour» est déjà décédé. Des personnes hétérosexuelles ont très sûrement le même comportement, c’est certain. Mais en se plaçant dans le contexte de la fréquentation homosexuelle précoce telle que relatée ci-avant, on peut comprendre l’extrême réticence affichée par la société face à toute action visant à faire la promotion de ce mode de vie envers les mineurs !

Ainsi, la loi interdisant la propagande de l’homosexualité auprès des mineurs fut une réponse à ces demandes. Ce n’est pas Poutine qui «chasse» des homosexuels par principe ou par une sorte de méchanceté. Au contraire, la société civile russe a exigé des mesures pour sa protection. Toute une série de mesures sociales prises pour la protection de la jeunesse ont été nécessaires après plus d’une décennie de dégâts, et l’interdiction de la propagande pour les relations sexuelles non traditionnelles en direction des mineurs en fait simplement partie, entre autres. J’ai entendu une fois que deux gardes de sécurité d’un gay-club exprimaient leur satisfaction de voir que selon cette loi des jeunes de moins de 18 ans n’avaient plus le droit d’entrer. Selon eux, le propriétaire de cet établissement avait fait encore mieux en interdisant l’entrée aux personnes de moins de 20 ans.

A ce titre, une observation mérite aussi d’être rapportée. L’un de mes amis d’enfance travaillait et travaille encore dans le show business. A cause de cela, j’ai eu l’occasion de visiter plusieurs de ces lieux. L’ambiance d’un gay club donne l’impression d’un milieux esthétique, fin, supérieur. Un gay club est dans le plupart des cas fréquenté par un milieu néo-artistique avec un certain charme de la fatalité, au point que cela peut présenter un attrait tout à fait trompeur pour les jeunes de tous les sexes et de toutes les préférences sexuelles car ce lieu est une sorte d’idole de l’amour à soi-même. On comprend donc tout à fait pourquoi il n’ait pas été considéré comme acceptable d’y autoriser l’accès à des personnes non parfaitement mâtures.

Selon un sondage de l’institut Vtsiom, – peut-on lire dans cet article de BFMTV – 88% des Russes approuvent que la «propagande pour les relations sexuelles non traditionnelles devant mineur» soit condamnée par une amende, voire une peine de prison. Il n’y a pas de lien, je n’ai pas vérifié, mais si c’est vrai je m’en réjouis! Le peuple approuve assez logiquement les mesures gouvernementales quand le gouvernement prend les mesures demandées par le peuple.

Lien: https://www.theguardian.com/cities/2015/jun/13/gay-putin-moscow-life-nightlife-clubbing-law-lgbt 13/06/2015

Si nous revenons enfin à l’article BFMTV, les églises chrétiennes jugent les actes homosexuels comme tout un tas d’autres choses permises par la loi mais que les fidèles considèrent comme un pêché, sans qu’on s’en étonne pour autant. Mais ce n’est pas l’église qui vient dans le gay-club pour attaquer «des malheureux homos». Certaines personnes peuvent volontairement se lancer dans une démarche parce-qu’ils refusent leur homosexualité, d’où l’exploitation du filon par certains psychothérapeutes ou gourous improvisés, qu’ils soient honnêtes ou pas.

De toute façon, si c’est bien le choix qui est fait, sans la volonté rien ne peut aider. Et comme dans un tas d’autres cas de problèmes familiaux – autres que la pression contre l’homosexualité, en Russie ou ailleurs – on pourra toujours trouver des cas marginaux où des jeunes se voient imposer des procédures de «guérison» par des proches sans discernement, et malheureusement souvent peu instruits dans l’orthodoxie.

L’Eglise ne prescrit ni boissons, ni coups de baguettes comme traitement contre l’homosexualité, jamais et nulle part! Chaque intéressé peut lire un document sorti au début d’année 2000 : «La conception sociale de l’église (orthodoxe)» où beaucoup de «pratiques modernes» sont mises en lumière pour empêcher des actes arbitraires sous l’effet de diverses influences, qu’elles soient protestantes ou même sectaires, issues de mouvement païens.

On remarquera l’histoire du psychothérapeute qui a assuré avoir «soigné 78 homosexuels et 8 transsexuels, à l’aide d’une méthode développée durant l’Union soviétique». Elle dépasse toutes les bornes par son absurdité. La BBC et BFMTV ne trouvent rien d’autre comme interlocuteur sérieux qu’un semi-marabout dont les consultations ne sont même pas remboursées en tant qu’actes médicaux ? L’analyse de l’interview n’est d’ailleurs pas claire : Entenderaient-ils finalement que l’homosexualité serait une maladie ?

Mais vient le plus terrible pour la fin: L’histoire de Kadyrov à la tête de la Tchétchénie, un «fidèle de Vladimir Poutine», et le rêve de la promotion de l‘homosexualité, légalisée dans une république musulmane. Connaissez-vous un cas dans le monde? Dans les années 90, les gentils «combattants pour la liberté», oeuvrant à l’époque pour l’instauration de l’Emirat du Caucase et ouvertement soutenus par l’Europe, ont-ils milité pour la cause LGBT alors qu’ils n’avaient pas encore été mis au pas par Kadyrov? Pas vraiment. En réalité, ils ont coupé des têtes sur des places centrales et surtout très volontairement des têtes d’homosexuels. Ces derniers ont du fuir ailleurs avec des Russes ou mourir.

Il ne faut pas croire qu’aujourd’hui Kadyrov doit composer avec des démocrates libertins, épris de «gay prides» pour garder la stabilité de la région. Il doit simplement composer avec tout l’héritage historique et social de la Tchétchénie. J’ai connu un gay de Grozny et un transexuel de Makhatchkala. Tous les deux vivaient très bien à Moscou sans être persécutés ni vivre dans la peur permanente. Mais il est clair qu’ils n’ont pas eu d’autre solution que de quitter leurs régions si ces régions étaient musulmanes. Voyez-vous une autre solution à ce problème? Encore une guerre à grande échelle pour éliminer les obscuratistes et assimilés mais sans trop le présenter comme ça ? Qu’on ne s’étonne donc pas si je considère les affirmations sur « une vaste opération de répression» par Novaya Gazeta et d’autre sources comme quelque chose de pas très sérieux désolé pour BFMTV ! Il faudrait aussi faire plus de “fact cheking” de la part des donneurs de leçons habituels et enquêter dans les milieux gays russes et moscovites sur la façon dont cette campagne a été lancée, au détriment d’un des organisateurs des gay pride (le plus souvent interdites par les autorités municipales) en Russie… 

Vincent Parlier