L’opération Navalny patient berlinois

  • stoprussophobie redaction
  • vendredi février 12, 2021
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L’opération Navalny patient berlinois

Psyfactor.org

Navalny : Une opération d’immixtion à grande échelle

Les exploits du blogueur opposant russe Alexis Navalny sont au centre des campagnes médiatiques et politiques occidentales contre la Russie en la période charnière 2020-2021. C’est pourquoi, stoprussophobie.info se doit d’y consacrer des articles. Nous ne prenons pas position sur des questions de politique intérieure russe puisque notre vocation est de combattre la désinformation qui contribue à créer de mauvaises relations entre la France, l’Europe et la Russie. Le plus souvent pour des intérêts qui ne sont pas les nôtres.

Malheureusement, la vaste opération Navalny, commencée au mois d’août dernier, relève de cela. Ne serait-ce que par les campagnes médiatiques et la désinformation intensive et à grande échelle qui prend cette affaire pour prétexte.

Des campagnes qui risquent de nous revenir cher malgré leur incohérence et les contradictions qui émaillent le dossier : en plus des objectifs de pure propagande anti-russe destinée peut-être à d’autres projets, l’opération doit servir à empêcher de finir la construction du gazoduc dit “Northstream2” qui amènerait du gaz naturel directement de Russie en Allemagne par les fonds marins.

Celà couterait moins cher pour nous clients, puisqu’il n’y a plus de royalties à payer aux pays de transit. C’est moins polluant, puisqu’il n’y a pas d’énergie à dépenser pour le transport. Au lieu de cela, nos atlantistes patentés, y compris malheureusement le ministre des affaires étrangères Le Drian, souhaitent nous faire acheter le gaz de schiste américain liquéfié et importé par tankers ! Le gaz est plus cher pour nous, nous devons payer des installations portuaires de dé-liquéfaction, nous cautionnons le gaz de schiste ultra-polluant et interdit chez nous et nous payons le transport par les bateaux les plus polluants pour l’air !

Il est vrai qu’en ce domaine aussi, on n’en est plus à une contradiction près.

De plus, cette alimentation gazière assurée et moins coûteuse répond à une autre contradiction : l’Allemagne a fait le choix d’abandonner ses centrales nucléaires et est passée au charbon, moins polluant comme chacun sait !! et à une énergie renouvelable qui ne se renouvelle que lorsque la nature le veut bien. Malheureusement, nous aussi risquons de tomber là-dedans. A l’heure des automobiles électriques, il va bien falloir produire de l’électricité et le gaz est pour cela la meilleure solution faute de nucléaire et en attendant mieux. D’où la réticence de l’Allemagne à acquiescer aux ordres de Washington.

Les gouvernants français sont totalement irresponsables en se prononçant pour un abandon du projet malgré les investissements consentis par Engie notamment. Heureusement, l’avis français pèse peu pour l’Allemagne.

Quant à l’argument hypocrite selon lequel la Russie pourrait faire pression sur l’Europe occidentale grâce au gaz, il est totalement ridicule : la Russie a besoin de vendre son gaz et les autres sources d’approvisionnement ne manquent pas, y compris le gaz polluant et cher des USA si besoin, après celui du Qatar ou d’Algérie.

Passons aux faits : tout a commencé par un malaise sérieux du blogueur dans un avion en Sibérie entre les villes de Tomsk et Omsk. Stoprussophobie a déjà consacré un article et des tweets au peu de vraisemblance de cette affaire, qu’on a qualifiée d’empoisonnement.
Sur le moment, les médecins d’Omsk, où l’avion a effectué un atterrissage d’urgence, et qui ont sauvé de fait Navalny, quelque soit le mal dont il a souffert, n’ont pas trouvé de traces de poison. L’hôpital de la Charité en Allemagne où l’opposant a été autorisé à être emmené malgré une interdiction de sortie du territoire pour des poursuites judiciaires de droit commun, n’a rien trouvé non plus.

C’est un laboratoire de la Bundeswehr qui a pronostiqué un empoisonnement au neurotoxique dit Novitchok, déjà popularisé par l’affaire Skripal en Grande-Bretagne. Puis ce laboratoire de l’armée allemande (donc OTAN), pour faire bonne mesure a fait “confirmer” son diagnostic par des laboratoires français et suédois partenaires et très liés à lui. L’ennui, c’est qu’ils n’ont pas voulu communiquer leurs résultats aux Russes. De ce fait, ces derniers n’ont pas pu ou voulu ouvrir une enquête judiciaire, puisqu’il n’y avait pas de délit établi… Une partie (et seulement une partie) des analyses a été transmise à l’OIAC. Voici ce qu’en dit Jacques Baud, dont vous pouvez lire l’interview ci-dessous :

” Le rapport conclut que Navalny « a été exposé à un produit chimique toxique agissant comme un inhibiteur de la cholinestérase ». Le biomarqueur est nommé dans la version classifiée du rapport, mais pas l’inhibiteur de la cholinestérase, qui ne figure pas sur la liste des produits considérés comme arme chimique. Ainsi, le 28 janvier, dans l’émission « C dans l’air », Galia Ackerman ne dit pas la vérité en affirmant que la présence de Novichok a été confirmée par l’OIAC.
En octobre 2020, les Suédois communiquent le résultat de leurs analyses, et constatent « la présence de [masqué] dans le sang du patient »… ! Donc on n’en sait rien : les résultats sont couverts par le SECRET militaire, mais on peut imaginer que s’il s’agissait de Novichok (ce à quoi s’attendaient les pays occidentaux), on n’aurait pas de raison de le cacher. Le 14 janvier 2021, le gouvernement suédois refuse de déclassifier ce résultat afin de ne « pas porter préjudice aux relations entre la Suède et une puissance étrangère ». On ne sait pas si cette puissance étrangère est l’Allemagne ou les États-Unis. En clair, ils n’ont rien découvert du tout, et se cachent derrière les affirmations des militaires allemands. En effet, dans le rapport du 22 décembre 2020, publié dans la revue médicale The Lancet, les médecins allemands indiquent clairement qu’ils n’ont pas été en mesure d’identifier la présence de « Novitchok », mais seulement d'”inhibiteurs de la cholinestérase ». Ils précisent clairement, que c’est l’Institut für Pharmakologie und Toxikologie der Bundeswehr (IPTB), qui mentionne le Novichok dix jours plus tard. Ainsi, lorsque le 23 décembre, Le Temps affirme que l’article du Lancet « retrace pour la première fois les symptômes déclenchés par l’agent neurotoxique du groupe Novitchok mis au point par l’URSS dans les années 1980 », c’est tout simplement faux.

L’hypothèse émise aujourd’hui sur le malaise de Navalny est qu’il a pu souffrir de pancréatite qui donne des symptômes proches de ce qu’il a eu. On n’en saura vraisemblablement rien avant des années. La différence pour nous est que si c’est une pancréatite ou une autre maladie naturelle, celà signifie que les services occidentaux qui se sont précipités sur l’occasion ont exploité l’affaire. Si en revanche, comme l’hypothèse en a été émise par des sources russes, il y a réellement eu un empoisonnement, évidemment pas au novitchok qui aurait liquidé l’ensemble des passagers, on peut se demander par qui. Comme la probabilité d’un empoisonnement par l’état russe, contrairement à ce qui est véhiculé par les amis de Navalny et nos médias, est très basse, il reste la possible culpabilité de “victimes” de dénonciations de Navalny ou d’un coup monté dès le début par des services occidentaux. La présence d’une jeune femme venue de Grande Bretagne est considérée comme suspecte de ce point de vue.

Apporter une “preuve” de “l’empoisonnement” a été une des tâches de Navalny et de son équipe car les éléments réels étaient maigres. Ça n’empêche évidemment pas les médias occidentaux de parler d’empoisonnement, comme si c’était un fait acquis. Vieux procédé de la propagande médiatique. On a donc assisté à une succession d’histoires parfois assez rocambolesques : d’abord des jeunes femmes qui accompagnaient Navalny ont prétendu qu’elles avaient été chercher des bouteilles d’eau dans la chambre d’hôtel qu’avait quittée l’opposant quelques heures plus tôt et que sur les bouchons il y avait des traces de Novitchok. Les hôtels font en général le ménage assez rapidement après le départ des clients pour libérer la chambre et la relouer. De plus, les bouteilles auraient été emportées en Allemagne par avion où elles auraient été analysées. Mais à supposer qu’un poison soit resté sur des bouchons aussi longtemps et que le transport n’ait pas été préjudiciable, il faudrait encore qu’il y ait des traces de ce passage, or il n’y en a pas.

Et pour bien faire, il faudrait communiquer les analyses aux Russes pour qu’ils ouvrent une enquête. Les bouteilles ont succédé à une histoire de thé ou de théière. Puis ont été suivies d’une histoire de poison dans les coutures du slip de Navalny… Comment le poison serait-il passé du slip aux bouteilles ? On ne sait pas. Pour faire bonne mesure, Navalny a mis en scène avec l’aide d’une organisation montée en 2014 selon toute vraisemblance par les services britanniques, Bellingcat, un coup de téléphone à “l’agent du FSB” qui aurait déposé puis “nettoyé” son slip ! Plus ça allait, plus c’était ridicule. Ca ne pouvait servir qu’à stimuler des convaincus. Certainement pas des diplomates et des politiques sérieux. Pourtant c’est repris…

Navalny est resté un bon moment en Allemagne. On a appris ensuite que c’était pour monter un film contre Poutine dans des studios “black forest” loués et payés et où ont travaillé près de vingt personnes avec un savoir-faire venu de Los Angeles… On ne connait pas les sources de financement. Des sources d’opposition citent des oligarques russes pour certaines dépenses, notamment d’hébergement… Mais pour le reste ?

Pendant ce temps, Navalny, qui était sous contrôle judiciaire, suite à des procès pour des affaires de droit commun et a été autorisé à sortir de Russie à titre exceptionnel pour être soigné, ne s’est pas présenté aux contrôles judiciaires obligatoires qui avaient été suspendus le temps de l’hospitalisation mais pas après. C’est ce qui motivera son arrestation à son retour en Russie. Ce n’était une surprise pour personne.
Sur les motifs des affaires pour lesquelles Navalny est poursuivi, cf la fiche ci-dessous de Spoutnik.

Précisons, puisque nos médias ne le font pas, que la question à se poser n’est pas tant de savoir à quel point ces affaires sont réelles mais pourquoi Navalny n’a été condamné qu’à des peines avec sursis, alors que ses compagnons d’infortune, dont son frère, ont écopé de peines fermes. Après son retour, le tribunal lui a retiré le bénéfice du sursis. Là aussi, s’il faut s’intéresser à la lourdeur des peines qui ont sans doute des conséquences sur le climat des affaires en Russie. Mais ça concerne tous les entrepreneurs en Russie et pas seulement Navalny.

Ce dernier en a ajouté toutefois en étant jugé sur l’affaire de l’ancien combattant qu’il a insulté (cf l’article de Jean-Robert Raviot) en continuant à l’injurier. Ce qui passe mal auprès de l’opinion en Russie, tout de même encore traumatisée par les conséquences de la guerre. D’autant que les gouvernements se chargent d’en rappeler le souvenir dans les familles.

Cette erreur par rapport à l’opinion, suivait le pschitt de la grosse opération que Navalny, et plus encore ses protecteurs semble-t-il, avaient préparé en Allemagne et ont fait exploser au retour du blogueur et après son arrestation.
L’opération “château de Poutine”. Elle a eu beaucoup de spectateurs, a sans doute accru la notoriété du “patient berlinois”, surtout parmi les jeunes et très jeunes adeptes de tik tok dans les grandes villes. Mais elle n’a pas vraiment retourné l’opinion, comme il était souhaité et ce malgré des millions de “vu” sur youtube, dont le décompte n’est que relativement fiable dans de telles circonstances. Certaines sources indiquent qu’au début, il y a eu plus de like que de vues…

L’accroissement de notoriété, qui était somme toute limitée auparavant, était sans doute l’un des buts de l’opération en vue des élections législatives prévues cette année. Et c’est un succès de l’opération auprès de la jeunesse aisée des grandes villes. En revanche, pour les autres, le film montrant un château attribué à Poutine (sans preuves notariée), en se basant sur des éléments datant de dix ans, en empruntant des images anciennes pour les placer dans le château (par exemple une baignade de Poutine en 2016 dans un fleuve sibérien l’Ienessiei placée dans une piscine 3D casée dans le château).

Et tout le reste aussi est en 3D… Superbement réalisé mais avec des erreurs grossières. Y compris dans la traduction du commentaire à partir de l’anglais et que Navalny est simplement prié de lire en russe… En plus d’un “hangar des boues” qui semble être une mauvaise traduction de l’anglais “mudroom”, on voit des machines à sous (sic) tout droit collées d’un site internet spécialisé, une salle de strip tease et une fumerie de narguilées (Poutine ne fume pas !) et cerise sur le gâteau, un aigle à deux têtes qui selon le film de Navalny et de ses associés serait à l’entrée du château mais qui n’existe qu’en 3D et qui s’avère être l’aigle monténégrain et non russe. L’écu représente un lion au Montenegro et Saint Georges en Russie. (voir photo ci-dessous).

Le trucage, a été admis ensuite par l’équipe de Navalny (cf publication “the bell” d’opposition). Pour se justifier, elle a prétendu que tout avait été fait selon “des plans” qu’elle aurait trouvés ou lui auraient été fournis par une personne poursuivies en Russie.

Le tout a été dévoilé par un reportage sur place, diffusé à la télévision de service public. On voit en fait un chantier et non des salons meublés en kitch de parvenus saoudiens. Le coté émotionnel du story telling est garanti. Toutefois ces “fakes” discréditent évidemment Navalny auprès d’une partie de l’opinion. L’appel de Navalny aux gouvernements étrangers pour appliquer de nouvelles sanctions contre la Russie en a rajouté auprès de ces couches de la population sensible à l’idée nationale. Mais à priori pas auprès de la jeunesse qu’il vise et qui n’est que sur les réseaux sociaux, en direction desquels d’énormes efforts sont consentis par les financeurs occidentaux.

Les manifestations qui ont suivi l’arrestation de Navalny n’ont pas connu le succès escompté mais ne sont pas un échec. Toute une jeunesse de classes moyennes et aisées s’est mobilisée avec parfois des sensibilités plus sociales en province. Sans vraiment avoir une idée de programme politique, qui ne semble pas exister, mais par révolte informe de génération et compte tenu de mécontentements réels sur une baisse de niveau de vie de certaines couches sociales accentuée par le Covid. A noter que des villes de province ont été touchées, parfois pour la première fois.

De plus, des tactiques de jeunes gens entraînés sont apparues. Pour le moment essentiellement pour garantir de bonnes images de repression (assez modérée du reste par rapport à ce qu’ont connus les Gilets jaunes chez nous) en plan serré des télés occidentales. Mais sur le modèle de ce qu’on a vu en Ukraine et en Biélorussie. Les médias pro-gouvernementaux parlent aussi de stockage de lance-pierres et de billes d’acier et des préparations de cocktails molotovs au phosphore… On peut prévoir donc des manifestations violentes au lendemain des élections législatives qui ne manqueront pas d’être contestées avec campagnes de presse ad hoc.

Reste à savoir quel rôle pourra jouer un Navalny spécialisé dans la dénonciation de corruptions réelles ou supposées mais n’a pas de programme. qui a pu bénéficier à certains moments de protections politiques ou que les autorités ont décidé de garder en vue, considérant qu’il était connu comme dépendant des services secrets britanniques. Ces derniers chercheraient quelqu’un d’autre si Navalny leur est enlevé, ce qui ajouterait au travail du contre-espionnage russe. Il n’a pas été condamné à des peines fermes, contrairement à ses co-accusés. Ses dénonciations, même si elles ne sont pas toujours fondées doivent servir à régler des comptes entre agents économiques et/ou politiques.

Il en a un peu trop fait cette fois-ci. Sans doute pour cause de politique volontariste de ses promoteurs occidentaux ou peut-être en raison d’erreurs d’analyse, notamment à cause des récits faits par une partie de l’opposition extra-système ou en raison d’une offensive généralisée contre la Russie après l’arrivée de Baiden. Navalny en est l’aile intérieure, le Donbass, le Karabakh, la Biélorussie, la Transdniéstrie et le Kirghizstan les “pivots” extérieurs.

Voici plusieurs articles qui complèteront le tableau :

1) Les procèdures judiciaires engagées contre Navalny :

L’opposant russe comparaît ce 2 février pour des violations présumées de ses contrôles judiciaires dans une affaire remontant à 2014, une audience qui pourrait le conduire derrière les barreaux pour plusieurs années. Sputnik dresse la liste des procédures judiciaires intentées contre lui.

Détournement de fonds, escroquerie, blanchiment et diffamation… L’opposant de 44 ans est cité dans de multiples procédures judiciaires. Certaines lui ont déjà coûté des amendes, mais d’autres risquent de l’envoyer en prison.

 

Affaire Yves Rocher

En décembre 2014, Alexeï et son frère Oleg Navalny ont été reconnus coupables d’escroquerie aux dépens de la société française de cosmétiques Yves Rocher. Alexeï a été condamné à trois ans et demi de prison avec sursis, Oleg à trois ans et demi de prison ferme.

En 2012, Yves Rocher avait déposé une plainte contre le bloggeur pour abus de confiance. En cause, le contrat liant la marque à la société de transport des frères Navalny, Glavpodpiska, soupçonnée de surfacturation.

Alexeï Navalny

Alexeï Navalny
© SPUTNIK . MAKSIM BLINOV

Affaire Navalny et menaces de sanctions: «on est dans un jeu de rôle théâtral», selon Mariani
Selon l’enquête, de 2008 à 2012 la compagnie des frères Navalny a fourni des services logistiques à la société Yves Rocher à un prix gonflé. Le parquet a insisté sur le fait qu’au total, pour ces services, Alexeï Navalny avait reçu 55 millions de roubles (600.000 euros), alors que le coût réel des services était de 31 millions de roubles (340.000 euros).
En novembre 2014 l’entreprise avait pourtant reconnu n’avoir subi «aucun dommage».

Dans le cadre de sa peine avec sursis, Alexeï Navalny devait pointer régulièrement, et ce jusqu’au 30 décembre 2020, à l’administration pénitentiaire. Сelle-ci lui reproche d’avoir manqué ces rendez-vous. À son retour en Russie mi-janvier, M. Navalny a été placé en détention pour avoir violé ces contrôles. Il est détenu à la prison de Matrosskaya Tishina à Moscou, après qu’un juge a ordonné sa détention jusqu’au 15 février.

C’est cette violation présumée de son contrôle judiciaire qui est jugé ce 2 février à Moscou. Contrairement à ce qui peut être dit dans la presse occidentale, aucune violation concernant son hospitalisation en Allemagne n’a fait l’objet de plaintes. Les plaintes couvrent une période allant de mars 2017 au 17 août 2020.

 

Diffamation d’un ancien combattant

Vendredi 5 février, Alexeï Navalny doit aussi comparaître pour «diffamation» envers un ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale. Il avait critiqué une campagne de publicité dans laquelle ce dernier soutenait les amendements à la Constitution russe en 2020.

Il risque des sanctions allant d’une amende d’environ 5.800 euros à des TIG (Travaux d’intérêt général). L’article ne prévoit pas d’emprisonnement. Cependant, les accusations de «diffamation» peuvent être considérées comme des circonstances aggravantes dans d’autres affaires le visant.

 

Enquête pour escroquerie

Alexeï Navalny est aussi mis en cause dans une enquête pour escroquerie, intentée en décembre 2020. Le bloggeur risque dix ans de détention pour avoir, selon les autorités, détourné des dons adressés à son organisation, le Fonds de lutte contre la corruption (FBK).

Selon l’enquête, sur les 588 millions de roubles collectés (environ 6.443.000 euros), plus de la moitié auraient été dépensés à des fins personnelles.

 

Procès «Kirovles»

Alexeï Navalny, archives

Alexeï Navalny, archives

© SPUTNIK . VALERY MELNIKOV

Alexeï Navalny, un populiste «qui demande à ce qu’on le croie sur parole»
Autre affaire, le procès «Kirovles», où l’opposant a été condamné pour avoir détourné les profits d’une entreprise forestière.
Selon l’enquête, en 2009, Alexeï Navalny, travaillant sur la base du volontariat en tant que conseiller du gouverneur de la région de Kirov, Nikita Belykh, a organisé le détournement des profits de l’entreprise. Ayant conclu un accord avec Piotr Ofitserov, le directeur de la LLC Vyatskaya Lesnaya Kompaniya, et Vyatcheslav Opalev, le directeur général de Kirovles, il a organisé la vente de plus de 10.000 mètres cubes de produits forestiers à prix réduit. L’évaluation des dommages a dépassé les 16 millions de roubles (environ 175.000 euros).

Dans ce cadre le parquet a demandé six ans de prison pour Alexeï Navalny et, en juillet 2013, le tribunal l’a condamné à cinq ans d’emprisonnement en colonie. Le lendemain, cependant, le tribunal régional de Kirov l’a libéré sur engagement de ne pas quitter le territoire et de pointer auprès des autorités, et en octobre, a remplacé ses cinq ans fermes par du sursis.

 

2) L’aigle à deux têtes du film en 3D de Navalny : Monténégro (le lion) et non Russie (St Georges)

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3) Interview édifiante et passionante de VOIX de M. Jacques Baud, ancien des services suisse

AFFAIRE NAVALNY, RÉALITÉ DES FAITS ET ÉTHIQUE JOURNALISTIQUE. NOUVEL ENTRETIEN AVEC JACQUES BAUD

-Comme annoncé dans deux précédents sujets de ce blog, nous revenons avec Jacques BAUD sur l’affaire qui mobilise tant de milieux médiatico-politiques occidentaux. Je veux parler, ici, de ce qui concerne Alexeï Navalny et tout ce qui est énoncé de lui mais surtout, pas énoncé. Ainsi, par exemple, pour ce qui concerne le soi-disant empoisonnement du blogueur russe au Novitchok. Qu’en est-il en réalité et selon vous, Jacques BAUD?

Jacques BAUD:

-Le 28 janvier 2021, sur France 5, l’émission « C dans l’air » modérée par Caroline Roux, traite le cas Navalny : une émission où la malhonnêteté jouxte l’ignorance, et défie l’éthique journalistique ; où les intervenants n’ont qu’une connaissance limitée du dossier ou sont des adversaires déclarés du pouvoir russe, et s’expriment en fonction de leurs préjugés. Il est ici intéressant de revenir sur cette affaire avec des éléments qu’aucun des intervenants n’a évoqués.

L’institut Montaigne publie une interview de l’économiste Sergei Guriev, outre ses très nombreuses erreurs factuelles, ce professeur d’économie affirme : « Tout laisse penser qu’il y a eu une erreur de calcul de la part de Moscou : on peut faire l’hypothèse que le plan était de supprimer Navalny et de l’enterrer ensuite à Moscou, puis de refuser le transfert des tests biologiques à l’étranger tout en niant l’empoisonnement. » Evidemment, ces affirmations sont totalement gratuites : aucune source fiable n’est mentionnée et rigoureusement aucun élément ne permet de les confirmer. On est très clairement dans une situation de complotisme, où l’on crée de toute pièce une machination. Mais ce n’est pas fini. Il ajoute : « On peut penser que les autorités ont attendu que le poison ait cessé de laisser des traces dans le corps de Navalny avant de le laisser partir. Ils ont dû estimer que deux jours suffiraient à en effacer toute trace. » Le même argument est évoqué sur France 5 et par Libération.

En fait, comme nous l’avons vu, les inhibiteurs de la cholinestérase se fixent sur la cholinestérase et restent ainsi dans le corps plus de trois à quatre semaines. En admettant que les services secrets russes aient la virtuosité dans l’emploi de poisons qu’on leur attribue, ils l’auraient certainement su. D’ailleurs, ajoutant la sottise à l’ignorance, Guriev n’explique évidemment pas pourquoi les experts français et suédois (mandatés par le gouvernement allemand), ainsi que ceux de l’OIAC, n’ont effectué leurs prélèvements qu’entre le 2 et le 6 septembre. Les Français, les Suédois et l’OIAC étaient donc « de mèche » avec les « tueurs du FSB », et ont attendu que les traces du « Novichok » disparaissent ? Guriev est un affabulateur.

Le 6 octobre, l’OIAC publie son rapport et observe :

Les biomarqueurs de l’inhibiteur de la cholinestérase trouvés dans les échantillons de sang et d’urine de M. Navalny ont des caractéristiques structurelles similaires à celles des produits chimiques toxiques appartenant aux tableaux 1.A.14 et 1.A.15, qui ont été ajoutés à l’annexe sur les produits chimiques de la Convention à la Vingt-quatrième session de la Conférence des États parties en novembre 2019. Cet inhibiteur de la cholinestérase ne figure pas dans l’annexe sur les produits chimiques de la Convention.

Le rapport conclut que Navalny « a été exposé à un produit chimique toxique agissant comme un inhibiteur de la cholinestérase ». Le biomarqueur est nommé dans la version classifiée du rapport, mais pas l’inhibiteur de la cholinestérase, qui ne figure pas sur la liste des produits considérés comme arme chimique. Ainsi, le 28 janvier, dans l’émission « C dans l’air », Galia Ackerman ne dit pas la vérité en affirmant que la présence de Novichok a été confirmée par l’OIAC.

En octobre 2020, les Suédois communiquent le résultat de leurs analyses, et constatent « la présence de [masqué] dans le sang du patient »… ! Donc on n’en sait rien : les résultats sont couverts par le SECRET militaire, mais on peut imaginer que s’il s’agissait de Novichok (ce à quoi s’attendaient les pays occidentaux), on n’aurait pas de raison de le cacher. Le 14 janvier 2021, le gouvernement suédois refuse de déclassifier ce résultat afin de ne « pas porter préjudice aux relations entre la Suède et une puissance étrangère ». On ne sait pas si cette puissance étrangère est l’Allemagne ou les États-Unis. En clair, ils n’ont rien découvert du tout, et se cachent derrière les affirmations des militaires allemands.

En effet, dans le rapport du 22 décembre 2020, publié dans la revue médicale The Lancet, les médecins allemands indiquent clairement qu’ils n’ont pas été en mesure d’identifier la présence de « Novitchok », mais seulement d’ « inhibiteurs de la cholinestérase ». Ils précisent clairement, que c’est l’Institut für Pharmakologie und Toxikologie der Bundeswehr (IPTB), qui mentionne le Novichok dix jours plus tard. Ainsi, lorsque le 23 décembre, Le Temps affirme que l’article du Lancet « retrace pour la première fois les symptômes déclenchés par l’agent neurotoxique du groupe Novitchok mis au point par l’URSS dans les années 1980 », c’est tout simplement faux.

Les analyses effectuées sur Navalny à son arrivée à l’hôpital de la Charité font l’objet d’une annexe de l’article du Lancet, qui peut être téléchargée ici. Je laisse le soin à nos lecteurs spécialistes d’analyser les valeurs relevées par les médecins allemands et d’en tirer les conclusions eux-mêmes. Mes maigres connaissances médicales et mes recherches sur ces différents résultats me suggèrent – sous toute réserve – quelques remarques :

  • La valeur de l’albumine suggère un problème lié au foie.
  • La valeur élevée de lactate déshydrogénase (LDH) suggère des troubles métaboliques souvent observés avec les tumeurs cancéreuses.
  • Les valeurs de l’amylase et de la lipase suggèrent une pancréatite, que l’on avait déjà évoquée à propos de Navalny dans le passé.
  • Les valeurs pour la protéine C-réactive, les leucocytes, les neutrophiles et les érythrocytes suggèrent une infection bactérienne.
  • L’amantadine est un médicament souvent utilisé dans le traitement de la maladie de Parkinson;
  • Le lithium est utilisé en psychiatrie pour le traitement des troubles bipolaires et de la dépression.
  • La faible valeur de butyryl-cholinestérase (BChE) – 0,42 à l’arrivée à Berlin et 0,41 au jour 3 – suggère l’exposition à un inhibiteur de cholinestérase, et pourrait être expliquée par le lithium.
  • On trouve des anxiolytiques avec des effets anticonvulsivants, comme le Diazépam et le Nordazepam, ainsi que de l’Oxazepam, utilisé pour traiter les troubles du comportement et l’anxiété. Les effets de l’Oxazepam, notamment lorsqu’il est pris en forte dose et après de l’alcool peut occasionner des crampes abdominales et musculaires, convulsions, dépression. Tiens, Tiens ! Ces médicaments sont généralement pris par voie orale. Or, si Navalny était dans le coma à son arrivée à l’hôpital d’Omsk, puis à la Charité, on peut supposer qu’il a pris ces médicaments lui-même à Tomsk. D’ailleurs, l’hôpital d’Omsk a indiqué que Navalny avait pris des « antidépresseurs tricycliques » avant son admission.

La présence d’inhibiteurs de la cholinestérase semble donc s’expliquer par les médicaments ingurgités par Navalny lui-même, selon toute vraisemblance après avoir absorbé de l’alcool. Cela explique que ses symptômes soient totalement différents que ceux de Sergueï et Yulya Skripal en 2018, même si l’on ne connait toujours pas avec précision la nature du poison qui les a touchés. Voilà qui remet en perspective les affirmations catégoriques de Pascal Boniface et Conspiracy Watch.

En fait, en effectuant leurs prélèvements 15 jours après l’arrivée de Navalny en Allemagne, les Français et les Suédois n’ont pu détecter que les « inhibiteurs de cholinestérase », mais pas les substances qui auraient favorisé leur apparition, comme le lithium ou les médicaments. En gardant leurs résultats secrets, ils n’avaient sans doute pas prévu que les médecins allemands publieraient le résultat de leurs analyses. Il ne serait d’ailleurs pas surprenant que cette publication (qui a une importance politique) soit une manœuvre délibérée de la part du gouvernement allemand. Ce dernier a été d’une certaine manière « pris en otage » dans cette affaire, et il pourrait avoir profité du changement de président aux États-Unis pour se dégager d’une situation qu’il n’a pas cherchée.

Ainsi, l’hypothèse que Navalny ait été victime d’une combinaison malheureuse de médicaments, apparait plus vraisemblable qu’un empoisonnement délibéré, grâce aux médecins allemands. C’est probablement pour disqualifier leurs conclusions, que, le 21 décembre, Navalny a organisé sa conversation avec un « agent du FSB » ; assez peu convaincante, comme nous l’avons vu dans un entretien précédent. Mais comme pour la crise de la CoViD, ni les faits, ni la science déterminent les opinions : les faits continuent à être contestés par partisans de la théorie d’un complot ourdi par Poutine contre Navalny.

Merci de ces précisions relatives aux analyses effectuées suite à ce qui a d’emblée été présenté comme, au mieux « tentative d’empoisonnement » d’Alexeï Navalny, sinon d’empoisonnement au Novitchok. Ce que vous nous apprenez en dit long sur l’intrusion de la politique et de l’information rendue par tant de nos médias qui s’en réfèrent à l’avis de leurs expert(e)s privilégié(e)s.

Qu’en est-il maintenant de l’arrestation de Navalny à son retour d’Allemagne, selon vous?

Jacques BAUD:

-On évoque l’arrestation de Navalny à son retour en Russie, en omettant délibérément et systématiquement d’en expliquer les raisons, laissant penser qu’il a été arrêté pour ses opinions. C’est d’ailleurs pourquoi l’Union Européenne exige sa libération immédiate. La vidéo de Pascal Boniface est illustrative de cette manière fallacieuse de présenter les choses. Il affirme même : « Quand on voit le luxe de précautions qu’ils prennent pour l’empêcher de parler, eh bien on voit qu’il n’est pas dénué d’influence ». C’est évidemment faux. D’ailleurs, lorsqu’il est interpellé à son arrivée en Russie, en fait de « luxe de précautions », on lui laisse son téléphone portable, avec lequel il se filme dans le commissariat. En fait, comme souvent, notre expert parle de sujets qu’il ne connait pas : l’arrestation de Navalny et sa détention pour 1 mois n’a rien à voir avec ses opinions politiques.

En fait, inculpé de blanchiment d’argent et d’enrichissement frauduleux dans le cadre d’un litige avec la firme française « Yves Rocher », Navalny a été placé sous contrôle judiciaire, aux termes duquel, il a l’obligation de s’annoncer deux fois par mois à l’autorité pénitentiaire russe. France 24 déclare que Navalny a été arrêté parce qu’il n’a pas rempli cette obligation durant son hospitalisation. C’est un mensonge. En effet, cette obligation a été suspendue par les autorités russes pour la durée de son hospitalisation à la Charité, à Berlin. Par ailleurs, on évite soigneusement de mentionner que Navalny avait déjà enfreint 6 fois cette règle en 2020 (deux fois en janvier, une fois en février, mars, juillet et août). C’est pourquoi, les autorités pénitentiaires russes ne pouvaient guère ignorer cette nouvelle infraction entre sa sortie de l’hôpital (23 septembre 2020) et son arrivée en Russie (15 janvier 2021) : c’est la raison de son arrestation à son arrivée en Russie. Mais cela a servi la propagande qui l’explique comme une tentative de museler le « principal opposant de Poutine ».

-Donc Navalny, tout le temps qu’a duré son hospitalisation en Allemagne, a été exempté de ce contrôle judiciaire obligatoire dans le cadre de l’affaire avec Yves Rocher pour laquelle il a été mis en accusation. Et plutôt que de rentrer immédiatement en Russie une fois sorti de l’hôpital de la Charité à Berlin, il a décidé de jouer les prolongations, enfreignant ainsi la loi russe dont vous nous rappelez qu’il n’en est pas à son premier coup d’essai puisqu’à 6 reprises déjà, il ne l’a pas respectée. Autant de précisions que nos médias se gardent bien de donner, préférant faire passer ce « principal opposant » selon la rhétorique en place comme victime…

Jacques BAUD:

-En fait, la raison pour laquelle Navalny n’est pas rentré tout de suite en Russie était son séjour à Kirchzarten, aux Studios Black Forest, avec une équipe venue de Los Angeles pour réaliser un film de propagande : « Le Palais de Poutine ». Rappelons ici que c’est la Cinema for Peace Foundation (CFP) qui a financé le transport de Navalny en Allemagne ; une ONG qui promeut la paix et la démocratie (c’est très bien), mais ni en Palestine, ni en Arabie Saoudite, ni au Yémen…

Le 19 janvier 2021, le film en question est diffusé par l’ensemble des médias occidentaux et vu plusieurs dizaines de millions de fois. Il porte sur un somptueux palais situé à Gelendzhik, qu’une rumeur entretenue par ses adversaires, attribue à Vladimir Poutine. En fait, cette accusation est purement spéculative et rigoureusement aucun élément ne la confirme. Les éléments que l’on connait du projet montrent un complexe hôtelier avec une structure de financement impliquant plusieurs investisseurs. Cette construction monumentale aurait appartenu au milliardaire russe Alexander Ponomarenko, et l’actuel serait Arkady Rotenberg. Le coût total du projet serait de 100 milliards de roubles (soit 1,17 milliards CHF, mais que notre RTS, un peu marseillaise, convertit en 1,5 milliards CHF !), soit moins que l’hôtel Bellagio de Las Vegas et bien d’autres.

-Que penser de ce film, dans ce cas?

Jacques BAUD:

-En fait, ce film n’est qu’un outil de de désinformation : les images du « palais » en question sont des images de synthèse, car en réalité, le bâtiment est encore en construction, comme le montre le « débunkage » d’un internaute russe qui a pu se rendre sur le chantier ! Cerise sur le gâteau : l’aigle que l’on voit sur le portail du « palais de Poutine », n’est pas l’aigle russe, mais l’aigle du Monténégro ! Par ailleurs, une oreille attentive constatera que Navalny n’emploie pas la langue parlée habituellement en Russie : elle est émaillée d’anglicismes, de tournures de phrases et d’expressions qui ont clairement une origine anglophone. Il est donc très vraisemblable que Navalny n’ait eu qu’à lire un script qui lui a été écrit par l’équipe venue de Los Angeles…

-Et bien sûr, pas un mot de tout cela sur nos grandes chaînes d’information, publiques ou privées sinon de très libres interprétations …

Jacques BAUD:

-Sur France 5, Benoît Vitkine, correspondant du Monde à Moscou, voit la zone d’exclusion aérienne « juste au-dessus de la propriété » comme une preuve que ce palais appartient bien à Vladimir Poutine. C’est là aussi de la désinformation. En fait, Gelendzhik se situe au bord de la Mer Noire, à une quarantaine de kilomètres de la base navale de Novorossiysk et à mi-chemin de la frontière russo-géorgienne. Or, non seulement cette base abrite une partie de la Flotte de la Mer Noire, les principaux éléments de la 7 division aéroportée et un régiment de défense aérienne, mais c’est aussi la principale base logistique pour le contingent russe déployé en Syrie. C’est pourquoi, l’OTAN mène une intense activité de renseignement électronique spécialement dans cette zone. Par ailleurs, dans cette partie de la Mer Noire contiguë à l’OTAN, la tension s’est accrue depuis 2008 et 2014. Ainsi, les restrictions de l’espace aérien ne sont donc pas limitées au « palais de Poutine », mais concerne toute cette région frontalière couverte de stations d’écoute électronique, de défense aérienne et d’alerte lointaine pour la défense du flanc sud de la Russie. Mais évidemment, aucun « expert » de « C dans l’air » n’évoque ce contexte !…

L’affirmation de Galia Ackerman selon laquelle la propriété est gardée par le FSB est tout aussi fallacieuse. En fait, en 2011, un groupe d’écologistes a été interpellé dans cette zone par une patrouille de garde-frontières. Or, comme Mme Ackerman ne l’ignore pas, les garde-frontières constituent une administration distincte du FSB, qui n’a rien à voir avec les services de sécurité : leur mission est de surveiller la zone côtière, pour éviter la contrebande d’armes et de drogue en provenance de Turquie et de Géorgie.

Par ailleurs, Mme Ackerman explique que l’affaire de ce « palais » était déjà connue depuis qu’un certain Sergueï Kolesnikov l’a « dénoncée » dans une lettre au président Medvedev en 2010. Ce qui est vrai, mais elle ajoute qu’« ensuite, il est parti à l’étranger, bien entendu », laissant ainsi entendre qu’il était pourchassé comme « lanceur d’alerte ». En réalité, c’est l’inverse qui s’est passé : après qu’une procédure judiciaire a été ouverte contre lui pour malversation et escroquerie, Kolesnikov, a quitté furtivement la Russie en septembre 2010, pour s’établir aux États-Unis. C’est alors qu’il écrit une lettre au président Medvedev, en décembre 2010, où il accuse Vladimir Poutine (alors 1er ministre) de s’être fait construire le palais avec l’argent de la corruption… sans apporter de preuve de ses allégations, comme le constate le Financial Times.

Dans cette affaire, le film de Navalny et les pseudo-experts démontrent clairement un manque d’intégrité : ils relient des faits de manière à leur donner une cohérence (factice), qui soutient leurs préjugés et alimente un discours de type propagandiste. C’est exactement le même mécanisme que celui utilisé pour « expliquer » l’incident de Roswell en 1949, ou la présence d’extra-terrestres dans la « Zone 51 », dans le Nevada. En clair, techniquement, il s’agit de complotisme.

-Venons-en maintenant aux manifestations qui ont suivi ces événements, quelle lecture en donnez-vous?

Jacques BAUD:

-La diffusion du film est suivie, le 23 janvier 2021, de manifestations menées par les partisans de Navalny dans les grandes villes de Russie. Elles ont tourné en boucle sur les médias occidentaux, qui y voient un succès pour Navalny. C’est certainement un « coup médiatique », mais y voir un succès est probablement aller un peu vite en besogne. Tout d’abord, comme nous l’avons vu dans un entretien précédent, l’opposition associée à Navalny est loin d’être démocratique et unifiée, mais regroupe des factions disparates de l’opposition non-parlementaire allant de l’extrême-droite à l’ancien parti communiste stalinien. Par sa diversité elle s’apparente aux « gilets jaunes » en France, sans en avoir la popularité ; et par sa représentativité, elle tient plus des émeutiers du Capitole, le 6 janvier.

Le même jour, le 19:30 de la RTS présente ces manifestations. On laisse entendre qu’il a été emprisonné pour avoir diffusé « des révélations sur une résidence secrète de Vladimir Poutine (…) estimé[s] à un milliard et demie de francs », même si le correspondant de la RTS à Moscou avoue que l’opposant « n’a jamais été condamné à une peine de prison ferme, contrairement à de nombreux autres opposants ». Ce qui semble assez paradoxal…

Pascal Boniface y a vu des manifestations « brutalement réprimées », « matraques contre boules de neige ». Le lecteur jugera par lui-même. Ce qui est certain est que personne n’a été abattu dans le dos, que l’on n’a pas vu de tirs de LBD au visage, ni de mains arrachées par des grenades de désencerclement, ni les éborgnements que l’on constate régulièrement en France, et qui lui valent d’être épinglée par la Haute-Commissaire des Nations Unies pour les Droits Humains, pour un « usage violent et excessif de la force » avec le Soudan, le Zimbabwe et Haïti (et non simplement « comme pays prospère », ainsi que le prétend Libération !) C’est d’ailleurs pour cette raison que les manifestations contre la « Sécurité Globale » ne sont pas montrées aux actualités des médias publics et que la diffusion d’images de brutalités policières est réprimée…

Quant aux chiffres de la participation à ces manifestations, les médias occidentaux s’en sont donné à cœur joie : souvent invérifiables ce genre de chiffres fait l’objet de manipulations les plus diverses, y compris dans nos pays. Selon l’organisation de Navalny, il aurait eu 250’000 manifestants dans toute la Russie. Mais le média russe indépendant ZNAK donne des estimations probablement plus réalistes, totalisant environ 50’000 participants.

 

A cette occasion, ce que les médias francophones appellent « interpellations » en France, devient « arrestations » en Russie. Clairement, les médias occidentaux apparaissent plus comme des organes d’influence que des organes d’information…

Au final, cependant, le problème n’est pas tellement de savoir qui a raison ou si le système politique russe est démocratique ou non, et chacun peut avoir son opinion sur la question. La question intéressante est la manière dont nous traitons ces questions. Car sous prétexte de combattre l’autoritarisme, nous nions nos propres valeurs. En admettant que l’on accepte le fait d’intervenir dans les affaires intérieures d’un Etat – ce qui est contraire à la Charte des Nations Unies (Art.2, al.7) – le fait d’utiliser Alexeï Navalny à cette fin pose question. Militant d’extrême-droite, nationaliste (il avait approuvé l’annexion de la Crimée), ayant cherché à s’enrichir par des malversations et le blanchiment d’argent, il ne représente aucune des valeurs que l’Occident prétend défendre.

Sur France 5, Benoît Vitkine, correspondant du Monde à Moscou, affirme qu’il s’agit « du premier Navalny », suggérant qu’il est différent aujourd’hui. C’est faux, puisqu’en octobre 2020, alors que le Spiegel lui demande : « Un parti vous avait expulsé en raison de votre participation à une marche nationaliste russe à Moscou. Vos opinions ont-t-elles changé? », Navalny répond: « J’ai les mêmes opinions que lorsque je suis entré en politique.

Quant à la question de savoir si Navalny est un « agent de l’étranger », Mme Ackerman, sur France 5, répond catégoriquement non. C’est faux. Soyons clair: Navalny n’est certainement pas un « agent de la CIA ». En revanche, la présence (selon le New York Times) d’agents de la CIA et du MI6 à son arrivée à Berlin, le financement de son séjour en Allemagne et du film, ainsi que le financement de son mouvement par la National Edowment for Democracy (NED) (créée pour reprendre une partie des tâches de la CIA) permettent clairement d’affirmer qu’il correspond à la définition d’agent de l’étranger, selon la loi russe, ou à celle de « Foreign Agent » aux États-Unis. Car il faut se souvenir que la NED n’entretient pas moins de 93 programmes d’influence en Russie pour un montant total de 7,3 millions de dollars (chiffres de 2019) ! Notons qu’il n’y en pas de programmes équivalents en Arabie Saoudite, par exemple : la question des droits de l’Homme et autres justifications ne sont donc qu’un prétexte pour une démarche politique. En fait, le seul mérite de Navalny est d’avoir été « choisi » par les États-Unis (qui lui ont financé sa formation dans le cadre du World Fellows Program de l’université de Yale).

-Jacques Baud, que vous inspire, en définitive, toute cette affaire telle qu’elle est présentée en Occident et telle qu’elle apparaît en Russie?

Jacques BAUD:

-Je ne suis pas sûr que nous accepterions une telle ingérence dans nos pays… D’ailleurs, l’opinion publique russe ne s’y trompe pas et cela tend à se retourner contre Navalny lui-même. Après le « débunkage » de son film, manifestement réalisé avec une aide financière extérieure substantielle ; l’aide un peu trop visible de pays comme les États-Unis et la Grande-Bretagne et le jeu de leurs services secrets, révélé par le New York Times, incite la population russe à s’interroger sur le fait qu’il n’a jamais été condamné à une peine de prison ferme.

En fait, le « succès » de Navalny est également la raison pour laquelle il ne jouit pas d’une vraie crédibilité en Russie : pour beaucoup de Russes, il est une marionnette de l’Occident. Le soutien qu’il reçoit de l’Occident tend à le discréditer aux yeux d’une majeure partie de la population russe.

Le problème n’est pas de savoir si le gouvernement russe a raison ou non, mais de savoir si les dysfonctionnements de certains pays nous autorisent à désinformer, subvertir, mentir, tuer, torturer ou corrompre… au nom de la démocratie !

 

4) Quelques commentaires sur un article suite à la visite à Moscou de Jossep Borrel, haut commissaire européen. Il a dit une chose à Moscou et d’autres chose à Bruxelles…

 

B.F. on February 08, 2021 · at 12:53 pm EST/EDT
amarynth

Things are not going as the banker controlled US and EU covertly wanted. In 2014 they instigate that coup d’etat against Yanukovich in Ukraine, the aim being of bringing Ukraine into the EU and NATO, after which NATO troops and missile systems would be placed along the Russian border. Russia then would have been destabilized, after which NATO troops would have poured into the country, breaking it in the name of “democracy”. It did not work out that way. Crimea was reunited with Russia and the Donbass republics created.

The US introduces sanctions. The EU followed. Not wise. By the second half of 2016 the EU lost 100 billion euros in trade, while Russia beefed up it’s industry and agriculture, to the surprise of the West.

Color revolutions in Russia ? The West tried them ever since Putin came to power, if not earlier. They failed every time. The latest attempt was with blogger Navalny, when a false flag was instigated. Western intelligence services came to the “bright” idea of having demonstrations from Belarus spill over in to Russia. They never did. They try again. Navalny spent some months in Germany, during which that laughable video about Putins “palace” was made and shown immediately upon Navalny’s return to Russia. “Analysts” in Western intelligence agencies were hoping that the video would act as a catalyst, inciting mass demonstrations. The video was debunked after a few days and shown for the fraud it was. “Demonstrations” did ensue, led by kids and teenagers, the last ones a pathetic failure. Western diplomats gave a helping hand, and three got expelled, and rightly so.

Borrelli got the message. Russia is no banana republic. It will not be insulted, subverted, broken up and plundered, nor will a little Guaido puppet be placed at it’s head.

Finally, a few words about the Sputnik-V vaccine. The West rushed with it’s vaccines, which are of suspicious quality and reliability. Articles are appearing on the Internet stating that negative side effects from the vaccines are being concealed. People are dying from them, as well as getting paralyzed. This is not the case of the Russian vaccine, whose popularity is on the rise. It’s only a matter of time before it becomes the prime vaccine, and this explains the interest of EU countries for it. The point is that the EU cannot bypass Russia, which is reality. And Borrelli knows it. The problem are private bankers and corporations, who still dream of breaking up and plundering Russia. Both the US and EU will continue with their aggressive policies, although I think the EU will in due course back down, succumbing to reality.

Reply

Anonymous on February 08, 2021 · at 9:27 pm EST/EDT
It is not so much the bankers and corporations who dream of breaking up Russia, but a bunch of crazy ideologues (the same in US and EU) who can’t believe that their ‘permanent revolution’ is dead.

 

5) Navalny piégé en insultant un ancien combattant

 

NAVALNY : LE SYNDROME DE LA « SCHIZOPHRÉNIE DÉMOCRATIQUE » ?

Crée : février 06, 2021 Dans : Actu et brèves (blog) Par Jean-Robert Raviot Aucun commentaire

http://jeanrobertraviot.com/navalny-le-syndrome-de-la-schizophrenie-democratique/?fbclid=IwAR10vumdHb_Ws46JDP43NEtP9k54YcjmJ7TU79eTKU4PSYngCs0Q-g84DlQ 

 

Alexeï Navalny comparaissait le 5 février 2021, dans un procès pour diffamation à l’encontre d’un ancien combattant de la Grande guerre patriotique âgé de 94 ans. L’audience, houleuse, a été interrompue. Elle devait reprendre le 12 février. Comme le résume dans son compte-rendu la journaliste du média d’opposition Meduza, « ce procès est vraiment très bizarre, même pour la Russie ».

Le procès d’un tweet

Bref rappel des faits. A l’occasion de la campagne électorale de juin-juillet 2020 [vote sur les amendements constitutionnels en forme de référendum], la chaîne publique RT avait tourné plusieurs clips pour appeler la population à voter « oui ». Le pouvoir craignait à la fois une forte abstention et un « oui » faible, et les ressources médiatiques de l’Etat étaient alors mobilisées à plein régime. Dans un de ces clips, un ancien combattant, Ignat Sergueïevitch Artiomenko, un homme qui s’était illustré pour de hauts faits pendant la Grande Guerre patriotique, apparaissait en grand uniforme, arborant ses nombreuses médailles. Navalny réagissait ainsi, dans le tweet que je reproduis ici :

 

Traduction : « Les voilà les petits pigeons ! Il faut reconnaître que l’équipe de lèche-bottes vendus [au pouvoir] a encore l’air un peu faiblarde. Regardez-les : c’est la honte du pays. Des gens sans conscience. Des traîtres ».

 

Mais qui Alexeï Navalny qualifie-t-il ici de « petits pigeons », de « lèche-bottes », de « vendus », de « faiblards », de « honte du pays » et de « traîtres » ? De qui est constituée « l’équipe » ?… Il vise sans aucun doute la chaîne RT et les réalisateurs du clip. Mais le tweet est largement diffusé avec une capture d’écran saisissant Artiomenko. Navalny considère-t-il ce dernier comme un « lèche-bottes », un « vendu », un « traître » ?… Toutes les apparences sont contre lui. Un tweet est un tweet : on ne comprend que ce que l’on voit.

« On » montre le tweet à Artiomenko qui, n’étant pas précisément un geek, n’est pas allé consulter Twitter de son propre chef. Mais qui ça, « on » ? Lors de l’audience, Navalny a pointé la patronne de RT, Margarita Simonian en personne. Il semble évident que ce n’est pas Artiomenko qui a pris l’initiative d’assigner Navalny en justice pour diffamation. « On » l’a poussé, pour en faire une affaire spectaculaire tendant à prouver que « Navalny est une ordure qui insulte un ancien combattant ! » (c’est moi qui parle), pour jeter un peu plus le discrédit sur l’opposant, dans la glorieuse tradition des procès politiques soviétiques et post-soviétiques… Lors de l’audience d’hier, Navalny a souligné que les plaintes en diffamation (dont celle d’Artiomenko lui-même) n’avaient même pas été versées comme pièces au procès, accusant non sans ironie le procureur de « ne pas être même seulement capable de fabriquer correctement un procès ».

A l’audience, Navalny accuse Artiomenko d’être une marionnette : « Quelle honte d’instrumentaliser un vieillard de cette façon pour défendre Poutine et ses amis voleurs ! Faites-le allonger et ôtez-lui son masque ! » [affaibli, Artiomenko intervenait depuis son domicile en visio]. « Vous brûlerez en enfer pour avoir organisé cette mascarade! Il ne comprend même pas ce qu’il dit! ». Navalny n’a pas tort de souligner que la ficelle est grosse et que ce procès salit l’image, sacrée en Russie, d’un ancien combattant de la Grande guerre patriotique. C’est entendu, la méthode est ignoble. Mais seulement voilà : même faible et en visio, Artiomenko est un être de chair et de sang. Et il est là, présent à l’audience, avec toutes ses facultés mentales. Il est bien décidé à s’exprimer, même s’il lit un papier. Et il accuse : « Je suis un ancien combattant de la Guerre, blessé sur le front biélorusse, où j’étais en qualité de partisan. En juin, j’étais à la datcha et j’ai eu connaissance de ce que Navalny m’accusait d’être un traître à la Patrie, et cela m’a blessé. Je veux que Navalny s’excuse publiquement et devant moi » […] « Je ne suis pas un lèche-bottes vendu, je suis quelqu’un de bien. Je ne suis pas un traître et je n’ai pas trahi de toute ma vie. Navalny m’a insulté. Je demande à ce que la justice me défende ».

Artiomenko obtiendra-t-il des excuses de Navalny ? Que nenni ! A aucun moment de l’audience, Navalny ne prononce la moindre excuse. Il s’enfonce, botte en touche, généralise, politise : on volerait l’argent destiné aux anciens combattants pour se construire des palais (qui ? comment ?), les anciens combattants russes perçoivent des pensions douze fois inférieures à celles de leurs homologues allemands, « Dites-moi oui ou non si les anciens combattants et les retraités vivent bien en Russie ? ». Le procureur intervient : « C’est un procès, pas un meeting ! ». Et puis Navalny s’en prend au petit-fils d’Artiomenko, un certain Kolesnikov, appelé à la barre. Navalny l’accuse d’être « un prostitué en train de vendre son grand-père ». Kolesnikov s’étouffe de colère. Il rétorque : « Mais de quel argent parlez-vous ? Quelles sont les preuves de ce que vous avancez ? ». Décidément, l’argent, toujours l’argent, tout revient toujours à l’argent dans la bouche de Navalny… Serait-ce pour lui la valeur de toute chose ? Kolesnikov l’apostrophe, le prie de bien vouloir s’excuser auprès de son grand-père : « Alexeï, ayez le courage de vous excuser. Ne pouvez-vous pas être simplement humain ?!». Réponse de Navalny: « Vous n’êtes qu’un moins-que-rien [ничтожество] ».

Toujours pas d’excuses. Il n’y en aura pas. On s’emporte. Navalny se met à crier. Navalny a perdu. Pas seulement judiciairement, mais aussi, et surtout, politiquement. Et moralement. Echec politique, car il n’a pas su déjouer le piège grossier qui lui était tendu. Et comment aurait-il pu déjouer ce piège et s’en sortir la tête haute ? Tout simplement en adoptant un comportement moral, conforme à l’éthique la plus élémentaire: en s’excusant. Que lui coûtait-il donc de s’excuser auprès du vénérable vieil homme, de l’assurer de ce que son tweet ne le visait pas lui, mais ceux qui avaient usé et abusé de son image ? Naufrage éthique : Navalny est apparu comme un être fanatique, insensible, hystérique. Comportement absolument inexcusable, dont on imagine aisément de quelle manière ses adversaires vont pouvoir tirer, et sans délai, le meilleur profit !…

La « schizophrénie démocratique »

En russe demchiza. Attention : ce terme ne renvoie pas à l’usage de la psychiatrie à des fins politiques dans l’URSS tardive, où l’expression d’une opposition politique (ou même d’un simple désaccord avec le régime) pouvait vous valoir d’être diagnostiqué comme « schizophrène » et vous faire bénéficier des avancées de la psychiatrie judiciaire soviétique, de sinistre mémoire. La demchiza est un terme post-soviétique, apparu dans les années 1990 dans le milieu dissident et post-dissident. Selon Viatcheslav Igrounov, fin connaisseur des milieux dissidents et proches de la dissidence dans l’URSS des années 1980, le terme a été « mis en circulation » par Sergueï Kovaliov pour désigner un certain radicalisme fanatique apparu à la fin des années 1980 et au début des années 1990 dans les rangs des « démocrates russes ». Un radicalisme fanatique, remarquablement disséqué par Alexandre Loukine, en vertu duquel certains en viennent à vilipender, voire à insulter ce peuple au nom duquel on mène pourtant le combat démocratique pour ses droits et libertés, l’accusant brutalement de soumission passive à l’ordre établi – un peuple d’esclaves, de zombies, de lemmings, etc. – une vision sans nuance qui ne tient pas compte de la complexité des ressorts de ce que j’ai appelé dans mes travaux l’allégeance au pouvoir dans la fabrication du contrat social en Russie. Pour Lev Rubinstein, la « schizophrénie démocratique » est « la marque d’un excès, d’un terrible mauvais goût », d’une évolution qui consiste à ne voir « la marque du démocratisme que dans la protestation et le meeting », une « dérive populiste du démocratisme russe qui a largement contribué à sa marginalisation politique ». La demchiza, poursuit Rubinstein, « c’est le syndrome du « A bas ! », appliqué à tout et à tous ».

La demchiza a ses « stars », au premier rang desquels figure l’impayable Valeria Novodvorskaïa (1950-2014), une ancienne dissidente, victime des pires méthodes de la répression politique par la psychiatrie dans les années 1970-1980, que j’ai assez bien connue dans les folles années 1990, et dont le sens de l’humour – et de la provocation – étaient sans limites. Florilège : « Si les Etats-Unis envahissaient la Russie, ce serait tout bénéfice pour nous. La Russie serait mieux en state. Malheureusement, je pense que les Américains n’ont pas besoin de nous ». Ou encore : « Les désagréments de Hiroshima et Nagasaki ne me font pas peur. Regardez le Japon aujourd’hui, une petite merveille ! Le G7 se réunit à Tokyo, ils ont un Parlement libéral. Le jeu en valait la chandelle », ou encore « L’âme russe est une psychose maniaco-dépressive. Classique du genre : la Grande Guerre patriotique, où on voit notre soi-disant « héroïsme de masse ». Notre pays, incapable de trancher la gorge de son propre tyran, Staline, s’en prend à Hitler et ses monstres, et nos grands héros finiront au Goulag en remerciement de leurs bons et loyaux services… Et vous voulez que je croie que ces gens-là [les Soviétiques] sont des gens normaux ? »…

La Grande guerre patriotique, encore elle: décidément, certains démocrates russes ont vraiment du mal à accepter que le peuple soit héroïsé. « C’est de la bêtise et du délire! », déclarait Navalny, il y a quelques années, à propos des festivités de la Victoire [s’exprimant suite à une affaire où certains de ses partisans avaient hacké le site de l’association patriotique « Le Régiment des Immortels » pour y insérer des photos d’officiers nazis]. N’aurait-il, ce pauvre peuple russe – dépeint sous des traits généralement doloristes – que vocation à ployer sous le joug de ses tyrans, implorant que ses libérateurs viennent le délivrer de leurs chaînes? Le peuple ne serait-il là, finalement, que pour mettre en scène l’héroïsme, face à la répression du pouvoir, de ceux qui prétendent parler en son nom? La demchiza se caractérise aussi par une conception très « bolchevik » de la démocratie… En tous les cas pas, une vision de la démocratie assez en porte-à-faux avec le principe majoritaire: « Nous ne sommes peut-être que 2%, mais nous sommes l’élite, la conscience du peuple », proclamait avant-hier ce tweet publié par un fervent partisan de Navalny.

Navalny a-t-il été frappé, hier, d’une crise de « schizophrénie démocratique » aigüe ? Ce faux pas majeur pourrait bien le faire retourner, et pour longtemps, dans la marginalité politique. En attendant, si je puis me permettre, les chancelleries occidentales seraient bien avisées de miser sur un autre opposant.

6)Vidéo de Xavier Moreau

https://www.youtube.com/watch?v=PxeAVLSzoaA&feature=emb_logo 

 

Voici des précisions de la télé russe (sous-titrée en français) avec des sources de la justice suisse et du procureur général de Russie sollicité par la justice suisse, sur l’un des “témoins” cité dans le film en 3D dont le commentaire en russe a été lu par M. Navalny sur le “palais de Poutine”.

 Pour démêler le vrai du faux dans l’affaire Navalny, voilà comme un grand média de la TV russe a présenté le faux dans son magazine hebdomadaire :

Le film scandaleux sur le ‘palais de Poutine’ : qui est Kolesnikov ?

https://www.dailymotion.com/video/x7z9edh 

Stoprussophobie.info

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