La guerre mondiale II pour les Russes : les morts et les “leçons”

  • stoprussophobie redaction
  • vendredi mai 12, 2017
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La guerre mondiale II pour les Russes : les morts et les “leçons”

Seconde Guerre mondiale : amertume et incompréhension
La russophobie ne respecte rien par définition. En ce mois de commémoration des morts de la seconde guerre mondiale, au cours de laquelle les Russes et autres soviétiques ont perdu 26 millions (MILLIONS) de gens en chair et en os, il se trouve des esprits chagrins et autres donneurs de leçon de chez nous pour commenter avec condescendance, voire mépris ce sacrifice qui a permis d’écraser le nazisme et ses pratiques de discriminations raciales. Certes, le stalinisme a sans doute alourdit le bilan sensiblement mais aujourd’hui tous les morts sont pleurés et commémorés de la même façon. Chaque famille russe a quelqu’un à commémorer. Et défiler avec la photo de l’ancêtre tué ou ancien combattant a autrement plus de sens que d’écouter un concert de musique douteuse sur les cadavres des morts de Verdun, comme on a voulu le faire chez nous… Si quelqu’un a des leçons à prendre en la matière ce ne sont pas les Russes. 
 
Dans cet article du Courrier de Russie, on sent Inna Doulkina excédée par certains donneurs de leçons qui malheureusement sont de ceux qui prétendent nous informer à partir de Moscou… On la comprend.   
 

INNA DOULKINA Les Français, dans leur grande patrie, pensent être des champions en matière de droits de l’homme, convaincus de comprendre mieux que quiconque ce qu’est un être humain et en quoi consiste le respect de sa dignité. Ils sont persuadés de représenter le camp du Bien, aux côtés de leurs voisins européens et anglo-saxons, et regardent avec une profonde méfiance tout ce qui vient de l’autre côté de la barrière – et particulièrement de Russie.

 
 Un certain nombre de Russes – il faut l’avouer – sont d’ailleurs du même avis. Ils sont un paquet à croire que la lumière est à l’Ouest quand leur pauvre pays patauge dans les ténèbres. Ils sont la plupart du temps prêts à reconnaître la suprématie morale des Occidentaux et, quand ces derniers leur donnent des leçons sur… à peu près tout, les Russes se contentent de hocher la tête, l’air contrit et résigné. Habitués à être considérés comme les « derniers de la classe » par ceux qu’ils placent eux-mêmes au rang de meilleurs élèves à l’école des civilisations, les Russes admettent sans sourciller leur « retard » en politique, en économie et dans la vie sociale.
 
 À ce jour, il ne reste probablement qu’un sujet sur lequel les Russes n’ont pas la moindre intention de se justifier. Il ne reste qu’une leçon qui refuse de passer. Quelques minutes plus tôt encore, ils vous écoutaient, ébahis… mais voilà que vous l’avez prononcée, cette phrase malheureuse sur le « mythe russe » sur la Seconde Guerre mondiale. Et là, les Russes, stupéfaits, se demandent si ces gens qui se prennent pour les maîtres de l’Univers ont réellement le droit de leur apprendre la vie.
 
 Car il est difficile de manifester plus clairement son ignorance crasse, son irrespect et son insensibilité qu’en expliquant à un Russe que sa Grande Guerre patriotique est un « mythe de propagande », et, qu’en défilant le 9 mai en brandissant le portrait de son aïeul, il « fait le jeu de Poutine ». Un choix différent Les Russes doutent facilement, et sur de nombreux points ; mais s’il y a une chose sur laquelle ils n’hésitent pas, c’est bien le sacrifice offert par leurs ancêtres sur l’autel de la guerre contre le nazisme – la bagatelle de 26 millions de morts. Et la mémoire de ce sacrifice, ils la portent dans leur chair. Les Russes se souviennent avec autant de précision des souffrances que leurs proches ont endurées pendant cette guerre que du courage exemplaire dont ils ont fait preuve. 
 
Et avant de venir les titiller avec vos discussions stériles sur le pacifisme, demandez-vous ce que vous savez précisément sur le blocus de Léningrad, par exemple – 872 jours et 632 000 morts, dont 97 % de faim. Renseignez-vous sur les conditions de vie atroces des habitants de la ville martyre, mais surtout sur leur audace et leur foi. Intéressez-vous au sort des biologistes de l’Institut Vavilov, qui ont conservé intactes leurs semences rares alors qu’ils avaient, pour toute ration journalière, 125 grammes de pain noir. Ces semences mêmes qui ont aidé à relancer l’agriculture en URSS à la fin de la guerre. Lisez tout ce que vous pourrez sur les Léningradois qui, transis de froid, continuaient d’aller tous les jours au travail, mais aussi au théâtre et à la Philharmonie, où ils écoutaient, le ventre désespérément vide, de la musique classique. Parce qu’ils étaient persuadés qu’il fallait bien continuer de vivre, que la vie finirait par triompher de la mort. Et ils ont eu raison.
 
 Rappelez-vous enfin qu’au même moment, en France, de nombreux Parisiens passaient leurs soirées en terrasse. C’était leur choix, et personne n’est en droit de les en blâmer. Ayez simplement la dignité, au moins, de respecter ceux qui ont fait un choix différent. Faire ou subir. Intéressez-vous un minimum à la littérature et au cinéma soviétiques, qui racontent la guerre non dans les yeux d’Hollywood, mais de l’autre côté. Car vous ne savez rien de cet angle de vue. Lisez Le Destin d’un homme, du prix Nobel de littérature Mikhaïl Cholokhov, regardez Quand passent les cigognes de Mikhaïl Kalatozov, Palme d’or 1958 à Cannes, ou encore La Ballade du soldat, de Grigori Tchoukhraï. Avouez qu’il existe toute une couche d’œuvres littéraires et cinématographiques de très grande qualité dont vous ne soupçonnez même pas l’existence. 
 
Et, qu’avant de discuter de la guerre avec les Russes, ce ne serait pas si mal de la revivre rien qu’un peu dans leur peau. Car dites-vous bien qu’à côté de ceux qui ont subi la guerre, il y a aussi ceux qui l’ont faite et gagnée – et, ne vous en déplaise, ce sont les Soviétiques. Certes, en chassant Hitler, ils ne se sont pas arrêtés gentiment à leurs frontières. Ils n’ont pas laissé l’ennemi reprendre ses forces pour les envahir de nouveau – ils ont continué et ont marché sur Berlin, dressant leur drapeau rouge au sommet du Palais du Reichstag. Ils ont libéré du régime nazi puis pris sous leur contrôle les pays baltes et les États d’Europe de l’Est. Mais les Soviétiques, en ce funeste printemps de 1945, sont aussi morts par millions. Et ce sont bien eux qui ont ouvert les portes d’Auschwitz, ce sont eux que ses prisonniers attendaient avec impatience. « Les Russes arrivent », se répétaient-ils, pleins d’espoir. Et ils ont été exaucés. 
 
On reproche aux Russes d’avoir été moins bien élevés que les Allemands – si, si, on vous l’expliquera aujourd’hui à Riga, Tallin ou Vilnius. Et oui : les Soviétiques étaient des ploucs, et le régime qu’ils ont instauré en Europe de l’Est était probablement moins sympathique que le « capitalisme à visage humain » établi à la même époque en France ou en Grande-Bretagne. Mais comparer le communisme des pays de l’Est avec le régime nazi ? C’est de la mauvaise foi à l’état pur ! L’honneur de combattre l’ennemi Et je vous en prie, ne venez surtout pas « ouvrir les yeux » des Russes avec vos « vérités » sur cette guerre – nous ne les connaissons que trop bien. Gardez pour vous vos affirmations sur la proximité des régimes nazi et communiste, vous qui n’avez jamais subi ni l’un ni l’autre.
 
 Certes, Staline était un monstre sanguinaire, un bourreau qui a ôté la vie de millions d’innocents, mais la vie n’est jamais binaire, et il arrive que celui qui incarne le Mal devienne l’instrument des forces du Bien. Car si certains semblent avoir un mal fou à se faire à cette idée, c’est bien l’URSS totalitaire et antidémocratique qui a vaincu le nazisme, quand de nombreux pays démocratiques, charmants et épris des droits de l’homme s’étaient couchés devant Hitler. C’est dans l’Armée rouge que les Juifs – soldats soviétiques comme les autres – ont eu l’honneur suprême de combattre un ennemi qui prônait leur extermination finale, quand des armées d’autres couleurs avaient baissé les armes et que des gouvernements éminemment plus respectables que celui de Staline chargeaient les porteurs de l’étoile maudite dans des wagons à bestiaux et leur offraient un aller simple pour le four crématoire. 
 
Le fait que Staline ait été un dirigeant cruel n’enlève strictement rien à l’héroïsme sans faille des millions de soldats soviétiques qui se sont battus sans larmoyer, qui ont défendu au prix de leurs vies leur pays et leurs familles. Comment oublier les millions de jeunes volontaires, d’adolescents qui camoufl aient leurs pièces d’identité afin de passer pour majeurs – et rejoindre le front ?! Ces milliers de jeunes femmes qui, ayant appris la mort de leurs maris, confiaient leurs enfants aux bons soins de leurs mères pour partir elles aussi au combat, alors qu’elles auraient pu rester au chaud, à s’occuper de leur marmaille ? 
 

Propagande, osez-vous dire ? Pas de chance. Ce sont simplement des histoires de famille que, chez nous, on se transmet de génération en génération – comme d’autres se transmettent des bijoux ou de la pierre. Parce que pour les Russes, il n’y a rien de plus précieux.