La Russie boycottée pour commémorer la victoire de 1945 : Lavrov réagit

  • stoprussophobie redaction
  • lundi juin 10, 2019
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La Russie boycottée pour commémorer la victoire de 1945 : Lavrov réagit

Sergueï Lavrov “Sur la Journée de la Victoire” pour la revue Mejdounarodnaïa Jizn

http://www.mid.ru/fr/foreign_policy/news/-/asset_publisher/cKNonkJE02Bw/content/id/3667595#sel=10:1:Oj2,10:41:umu;13:54:uvm,13:90:wmn 

Le mois de mai est derrière nous, les feux d’artifice se sont tus, le pays et le monde ont célébré la Journée de la Victoire. La fête des vétérans du front, des travailleurs de l’arrière, de tout notre peuple et des autres peuples-vainqueurs. Le grand défilé sur la place Rouge, le dépôt de fleurs sur la tombe du Soldat inconnu. De nouveau, pas seulement en Russie mais également dans bien d’autres pays: des marches du Régiment immortel, une initiative civile qui a atteint une ampleur mondiale. Des centaines de milliers de Russes, de compatriotes et des citoyens d’autres pays y ont participé – tous ceux qui chérissent la mémoire de la Victoire et la mémoire de ceux qui y ont contribué.
Une autre date reste à venir: le 22 juin, journée de la mémoire et du deuil des victimes de la Grande Guerre patriotique. Nous nous souviendrons de ceux qui sont tombés au combat, ont été torturés en prison et dans les camps de concentration, qui sont morts de faim et épuisés par ces temps de guerre. Commencent également les préparatifs de la célébration du 75e anniversaire de la Victoire, qui se déroulera l’an prochain à un niveau digne de l’ampleur de l’exploit et de la grandeur d’esprit de tous les héros de cette guerre. Et on se demande involontairement: que signifie la journée du 9 mai pour les peuples qui étaient au bord de l’extermination, et pourquoi, aujourd’hui, certains n’apprécient pas du tout cette fête?

Pour moi, en tant que membre de la première génération d’après-guerre, qui a grandi sur les récits des soldats du front, les histoires de famille sur la guerre, les réponses à ces questions sont évidentes. Les peuples de l’Union soviétique et d’autres pays ont été visés par l’idéologie nazie de haine, puis ont été victimes de l’agression de la machine de guerre la plus puissante, organisée et motivée de l’époque. Au prix de terribles sacrifices, l’URSS a apporté une contribution décisive à la défaite de l’Allemagne hitlérienne en libérant avec les alliés l’Europe de la peste fasciste. La victoire a posé les bases de l’ordre mondial d’après-guerre sur les fondements de la sécurité collective et de la coopération interétatique, a ouvert la voie vers la création de l’Onu. Tels sont les faits.

Cependant, malheureusement, la mémoire de la Victoire est loin d’être sacrée pour tout le monde. Il est regrettable que même en Russie, des individus ont relayé les mythes propagés par ceux qui souhaitent enterrer cette mémoire et qui pensent que l’heure est venue de renoncer à la célébration solennelle de la Journée de la Victoire. Plus le chiffre de la date anniversaire grandit, plus nous devons faire face à l’oubli historique.

Aussi amère que puisse être cette prise de conscience, nous constatons des tentatives de discréditer les héros, de faire naître artificiellement des doutes quant à la justesse du chemin parcouru par nos ancêtres. Aussi bien à l’étranger que chez nous, on peut entendre qu’en Russie est à l’œuvre une militarisation de la conscience publique, et que les défilés et les marches pendant la Journée de la Victoire ne sont rien d’autres que l’imposition de sentiments belliqueux et militaristes au niveau étatique. De cette manière, la Russie rejetterait l’humanisme et les valeurs du monde “civilisé”. Selon cette vision, par contre, l’Europe aurait prétendument oublié les “rancunes du passé”, se serait réconciliée et aurait construit “avec tolérance” des “relations orientées vers l’avenir”.

Nos détracteurs cherchent à amoindrir le rôle de l’Union soviétique dans la Seconde Guerre mondiale. L’URSS est présentée comme un agresseur, voire comme le principal coupable de la guerre au même titre que l’Allemagne fasciste. On diffuse des thèses sur une “responsabilité égale”. On place cyniquement sur le même plan l’occupation nazie, qui a emporté des dizaines de millions de vies, les crimes des collaborationnistes, et la mission de libération de l’Armée rouge. Des monuments sont érigés en hommages à ceux qui ont collaboré avec les fascistes. En parallèle, dans certains pays, les monuments en hommage aux guerriers-libérateurs et les tombes de nos combattants tombés sont profanés et détruits. Je voudrais rappeler que le procès de Nuremberg, dont les décisions font partie intégrante du droit international, a clairement défini qui était du côté du bien, et qui était du côté du mal. Le premier était représenté par l’URSS, qui a sacrifié sur l’autel de la Victoire des millions de vies de ses fils et filles, et d’autres États de la coalition antihitlérienne. Le second camp était constitué du régime du IIIe Reich, des pays de l’Axe et de leurs partisans, notamment sur les territoires occupés.

Cependant, de fausses interprétations de l’histoire sont introduites dans le système éducatif occidental. En recourant à des mystifications et à des théories pseudo-historiques visant à rabaisser l’exploit de nos ancêtres. On cherche à persuader la jeunesse que le mérite principal dans la victoire sur le fascisme et la libération de l’Europe ne revient pas aux forces soviétiques, mais à l’Occident grâce au débarquement en Normandie moins d’un an avant la défaite du fascisme.

Nous honorons la contribution de tous les alliés à la Victoire globale dans cette guerre, et nous trouvons honteuses les tentatives de semer la discorde entre nous. Mais quels que soient les efforts des falsificateurs de l’histoire, le feu de la vérité ne peut être éteint. Ce sont les peuples de l’Union soviétique qui ont brisé l’échine du IIIe Reich. C’est un fait.

Les attaques contre la Journée de la Victoire et contre la célébration du grand exploit de ceux qui ont vaincu dans cette terrible guerre sont répugnantes.

L’Europe, avec son fameux politiquement correct, cherche à arrondir les “angles historiques”, à substituer les honneurs militaires aux vainqueurs par des activités réconciliatrices “neutres”. C’est indéniable: il faut regarder en avant, mais il ne faut pas oublier les leçons de l’histoire.

Peu se préoccupaient de la situation en Ukraine, qui aspire aux “valeurs européennes”, où le régime sortant de Piotr Porochenko a proclamé en tant que fête nationale la date de la fondation de l’Armée insurrectionnelle ukrainienne – organisation criminelle responsable de la mort de dizaines de milliers de civils ukrainiens, biélorusses, russes, polonais et juifs (en Israël, dont le peuple a survécu à l’Holocauste, le 9 mai est une fête nationale, la Journée de la Victoire). Voici d’autres exemples scandaleux des pays voisins: des marches aux flambeaux, comme en Allemagne fasciste, de néo-banderiens dans les rues centrales de la ville-héros de Kiev; ou encore des marches de vétérans et d’adeptes de la Waffen-SS à Riga et à Tallinn. Je voudrais demander à ceux qui n’apprécient pas les larmes de nos vétérans pendant les défilés, qui critiquent les actions “militarisées” en hommage à la Victoire: que pensez-vous d’une telle “démilitarisation” de la conscience à l’européenne?

Bien sûr, personne ne l’admet, mais les faits sont là: les États-Unis, l’Otan et l’UE pardonnent beaucoup à leurs partenaires mineurs qui font carrière sur une russophobie démonstrative. Pour les utiliser afin de maintenir les alliances occidentales sur les positions antirusses et pour renoncer au dialogue pragmatique et équitable avec Moscou, tout est pardonné à ces gens-là, y compris la glorification des collaborateurs fascistes et le chauvinisme invétéré vis-à-vis des Russes et d’autres minorités nationales.

De plus, cela donne parfois l’impression que l’objectif d’une telle complaisance de l’Occident est d’exempter de leur responsabilité ceux qui, en complotant avec Hitler à Munich en 1938, ont tenté de rediriger l’agression fasciste vers l’Est. On pourrait probablement comprendre la volonté de nombreux Européens de réécrire cette page honteuse de l’histoire. Car les économies de plusieurs pays d’Europe continentale ont travaillé pour le IIIe Reich, alors que l’appareil d’État de certains d’entre eux a participé au génocide déclenché par les nazis contre les Russes, les Juifs et d’autres nations. Ce n’est pas par hasard que les membres de l’UE et de l’Otan refusent régulièrement de soutenir la résolution proposée par la Russie à l’Assemblée générale des Nations unies sur l’inadmissibilité de la glorification du nazisme. Et la “vision alternative” de la Seconde Guerre mondiale nourrie par les diplomates occidentaux n’est certainement pas due à une ignorance de l’histoire (même s’il existe également des problèmes avec cela). Il est utile de rappeler que même pendant la Guerre froide on n’assistait pas à une telle profanation, même si, à première vue, la rivalité idéologique y prédisposait. A l’époque, peu osaient contester le rôle déterminant de l’URSS dans notre Victoire commune et l’autorité de notre pays dans l’après-guerre. Cela était incontestablement reconnu par nos alliés occidentaux. Ce sont ces derniers qui ont initié, d’ailleurs, le partage de l’Europe en “zones de responsabilité”, en 1944 déjà, quand Winston Churchill a soulevé cette question avec Joseph Staline lors des négociations soviéto-britanniques.

En pervertissant le passé, les politiciens et les propagandistes veulent forcer le public à douter de la justesse de l’ordre mondial fixé dans la Charte de l’Onu à l’issue de la Seconde Guerre mondiale. Une ligne a été adoptée, visant à saper le système juridique international en place pour le remplacer par un certain “ordre basé sur des règles”, selon la “loi de la jungle”.

Cela concerne avant tout les États-Unis et les particularités américaines de la perception de l’histoire du XXe siècle. Encore aujourd’hui y reste répandue la notion des “deux bonnes guerres” qui ont permis à l’Amérique de s’assurer une domination militaire en Europe occidentale et dans d’autres régions de la planète, ont renforcé la conviction de ses propres forces, et lui a permis de connaître un boom économique l’ayant conduit à la position de leader mondial.

Avec le même enthousiasme que les Européens, les Américains créent l’image d’une “Russie militariste”. Cependant, la majeure partie de leur propre histoire est l’exemple même d’interminables guerres de conquête. En 243 ans d'”exclusivité américaine”, l’interventionnisme est devenu partie intégrante de la politique étrangère de Washington. De plus, l’élite politique américaine considère l’usage de la force comme un élément naturel de “diplomatie coercitive”, visant à régler un large éventail de questions, y compris en politique nationale.

Aucune campagne électorale américaine ne se déroule sans que les candidats ne s’essaient au rôle de chef des armées en action. La disposition à recourir à la force en toute circonstance est considérée comme une preuve de vaillance pour un politicien américain. Il existe de nombreux exemples d’application de tels stéréotypes sous différents prétextes “bienveillants”: à la Grenade en 1983, au Panama en 1989, en Yougoslavie en 1999 ou en Irak en 2003. Sachant que l’Amérique glorifie ses soldats tombés indépendamment de la cause pour laquelle ils ont combattu. En mai, ils célèbrent le Memorial Day et personne ne parle de “militarisme” quand, dans différentes villes américaines, sont organisés des défilés navals et des spectacles aériens avec du matériel militaire.

Mais on nous accuse de rendre hommage à nos anciens qui ont donné leur vie dans la guerre libératrice sacrée, de leur réserver les honneurs militaires, de célébrer largement et fièrement la Journée de la Victoire. Est-ce la Russie ou l’URSS qui a déclenché les deux guerres mondiales? Est-ce nous qui disposons aujourd’hui d’un réseau ramifié de bases militaires créées pour contrôler le monde entier?

Pour les diplomates et les politiciens, le 9 mai est également une occasion de rappeler que les pays de la Coalition antihitlérienne ont constitué en 1945 les Nations unies. Pendant la guerre ils se tenaient épaule contre épaule. Ils organisaient des Convois arctiques, fraternisaient sur l’Elbe. Les pilotes français du régiment aérien Normandie-Niemen frappaient l’ennemi sur le front soviéto-germanique. La conscience d’une menace commune incarnée par l’idéologie nationale-socialiste haineuse a aidé les États ayant des modèles politiques et socioéconomiques différents à oublier les différends. Ils ont été unis par la foi que la défaite de l’Allemagne hitlérienne devait symboliser le triomphe de la justice et la victoire de la lumière sur les ténèbres.

Après la guerre, les alliés ont bâti une nouvelle architecture de relations internationales autour de l’idéal de la coopération équitable entre les États souverains. La création de l’Onu devait devenir une garantie contre la répétition du triste sort de sa prédécesseure – la Société des Nations. Les pères-fondateurs ont bien appris les leçons de l’histoire: le monde ne peut être stable sans le “concert des grandes puissances” – l’entente unanime des plus grands pays de la planète qui ont pris place au Conseil de sécurité. Et aujourd’hui nous devons suivre leur précepte.

Cette année, en participant aux activités solennelles à l’occasion de la Journée de la Victoire, nous avons dit une nouvelle fois à ceux qui voulaient l’entendre: “Oui, nous sommes prêts aussi résolument que nos ancêtres à combattre n’importe quel agresseur. Mais les Russes ne veulent pas la guerre, ils ne veulent pas que les horreurs et les souffrances se reproduisent.” La vocation historique de notre peuple est de veiller sur la paix. La paix que nous nous efforçons de maintenir. C’est pourquoi nous tendons la main à tous ceux qui veulent être de bons partenaires. Les collègues occidentaux sont depuis longtemps au courant de nos propositions qui ouvrent des voies réalistes pour surmonter la confrontation et ériger une barrière solide contre ceux qui admettent la possibilité d’une guerre nucléaire. Elles ont été appuyées par l’appel adressé en mai dernier par les États membres de l’Organisation du Traité de sécurité collective à l’Otan à entamer un dialogue professionnel dépolitisé sur les problèmes de stabilité stratégique.

Je suis convaincu que c’est avec des pensées pour la paix que les citoyens de la Russie et d’autres pays assisteront, le 9 mai 2020, au défilé à l’occasion du 75e anniversaire de la Grande Victoire et défileront dans les rues des villes au sein du Régiment immortel avec des rubans de Saint-Georges sur la poitrine. La mémoire de ceux qui sont tombés au combat contre les ennemis de la Patrie, les ennemis de la civilisation humaine, vivra tant que nous avons la Grande fête des peuples-vainqueurs, la fête du salut, la fête de la libération. Et il ne faut pas rougir de l’ampleur de cette célébration.