La russophobie : instrument obsessionnel au sein du parti démocrate US

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  • lundi novembre 4, 2019
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La russophobie : instrument obsessionnel au sein du parti démocrate US

Agora Mag

 

La russophobie au débat du Parti Démocrate

Un article de la revue américaine CounterPunch du 18 octobre a de quoi surprendre.

En effet, l’auteur, Jeremy Kuzmarov, se montre extrêmement critique à l’égard du Parti Démocrate qui, lors d’un débat interne avec de futurs candidats à l’élection présidentielle de 2020, s’est adonné à une russophobie débridée.

 

Y aurait-il encore des voix raisonnables aux USA ?

 

Par souci d’objectivité, nous proposons la lecture de cet article en anglais et en français, dans une traduction que nous avons voulue au plus près du texte original.

 

18.10.2019

Jeremy Kuzmarov

La russosophobie s’est pleinement manifestée lors du débat entre les candidats du Parti Démocrate américain mardi soir (15.10.19), avec des perspectives de mauvaise augure pour la politique étrangère américaine.

Quand on a demandé à l’un des candidats, Beto O’Rourke, ce qu’il ferait pour tenir tête à Vladimir Poutine, il a déclaré ceci « Nous devons forcer la Russie à répondre de ce qu’elle a fait: une intrusion dans la plus grande démocratie du monde, et si elle a pu le faire, c’est grâce à Donald Trump, et avec une impunité totale jusqu’à présent, ce qui leur permet de continuer à s’immiscer dans notre démocratie même maintenant, alors que nous parlons avec vous.»

Ce thème de la trahison, chez ‘O’Rourke est emprunté au lexique de la droite américaine des années 1950. Et ses commentaires mettent l’histoire à l’envers.

La supposée plus grande démocratie du monde, les États-Unis, est celle qui avait, jadis, envahi la Russie en 1918. C’est l’administration Woodrow Wilson qui avait alors envoyé des troupes en Russie pour renverser la révolution bolchevique russe, et non pas l’inverse.

En juillet dernier, un juge nommé sous Clinton, a refuse d’engager une action en justice du Democratic National Committee (DNC) contre la campagne du président Trump et contre Julian Assange, faute de preuves suffisantes d’une ingérence dans les élections. Il a statué que les accusations du DNC étaient “en totale contradiction avec les faits cités dans la plainte du demandeur lui-même”.

Deux ans plus tôt, un groupe, le fond des “Anciens Professionnels du Renseignement pour le Bon-sens” (VIPS) en est venu à conclure, après analyse des vitesses de transmission, que le prétendu hacker russe ayant révélé le contenu des emails de Hillary Clinton n’était en réalité qu’une fuite organisée depuis la côte est des Etats-Unis.

Une prétendue campagne de désinformation via les médias sociaux, qui a aidé à déstabiliser les électeurs américains, a été déteminée comme conduite par une société privée de Saint-Pétersbourg, l’Agence de Recherche sur Internet (IRA), dont les liens avec le gouvernement russe n’ont jamais été prouvés.

La moitié des publications de l’IRA sur Facebook ont été postées après les élections de 2016, et beaucoup d’entre elles n’avaient rien de politique, tandis que d’autres, effectivement, soutenaient Trump.

D’une façon générale, il y a peu de preuves publiques valables sugérant qu’il y a eu ingérence du gouvernement russe dans les élections de 2016.

Cela n’a cependant pas empêché (la sénatrice) Amy Klobuchar de faire une déclaration insensée: “l’ingérence russe était beaucoup plus grave qu’une simple ingérence; c’était plutôt une invasion dans les elections américaines”.

Et Klobuchar d’ajouter que Poutine “est la personne qui a abattu des avions au-dessus de l’Ukraine, et a empoisonné ses opposants”.

Ces deux accusations, cependant, n’ont pas non plus été étayées par des faits.

Aucun lien n’a jamais été établi entre Poutine et les criminels qui ont abattu un avion de la Malaysia Airline en juillet 2014 et personne n’a été ni reconnu coupable, ni condamné par un tribunal.

A cette époque, l’administration Obama, a accusé les séparatistes soutenus par la Russie d’avoir bloqué l’enquête et d’avoir fait disparaître les preuves sur lieu du crash, ainsi que les corps. C’est pourtant le Département d’Etat qui a refusé de rendre publics les relevés des données radar, à propos desquelles le Secrétaire d’Etat John Kerry a avait dit qu’elles permettaient de déterminer avec précision le lieu du lancement du missile incriminé.

Et le New York Times a par la suite évoqué une offensive de l’armée ukrainienne juste dans la zone de la catastrophe. Cette offensive a provoqué un incendie ayant détruit des débris qui auraient pu aider à identifier les raisons de cette catastrophe, ainsi que les fragments du fuselage avec des impacts de balles qui, selon les enquêteurs, auraient pu être la preuve d’une possible attaque par des avions de chasse ukrainiens.

Et pour ce qui est des empoisonnements, cela fait référence à la mort d’un transfuge du KGB, Alexandre Litvinenko et à la tentative de meurtre de l’ancien espion russe Serguei Skripal.

S’il est possible que Poutine ait été impliqué, il y a d’autres versions selon lesquelles Poutine aurait fait l’objet d’une provocation.

 

Le livre sérieusement documenté de la journaliste Amy Knight “Orders to Kill: The Putin Regime and Political Murder (Thomas Dunne Books, 2017) ne parle que des circonstances et admet que la preuve de la culpabilité de Poutine n’a jamais été établie.

George Orwell aurait été fier de (la candidate à la présidentielle américaine) Cory Booker au cours de cette soirée-débat . Ressassant une vieille antienne russophobe selon laquelle “les Russes ne comprennent que la force”, Booker a fustigé le président Trump pour avoir “transformé le leadership moral de notre pays en quelque chose d’inimaginable”, en “entretenant plus de partenariat avec Poutine qu’avec Merkel (la leader allemande) ou Мacron (le président français)”.

Et Booker de poursuivre: «Nous ne pouvons pas laisser la Russie s’immiscer dans les démocraties d’Ukraine et de Lituanie, pas plus que dans la nôtre”.

Ces propos de Booker sont faux à plusieurs titres.

L’administration Trump n’a pas de partenariat avec la Russie, elle a adopté une politique dure contre elle. En février dernier, Trump est sorti du traité sur les missiles à moyenne portée (le Traité SNI) qui interdisait les missiles de croisière basés au sol, ainsi que les missiles de moyenne portée.

Trump a également prolongé les sanctions contre la Russie et a fourni des armes dites létales aux forces armées ukrainiennes menant l’offensive contre les forces séparatistes soutenues par la Russie dans l’est de l’Ukraine (Obama n’avait fourni qu’un soutien militaire non létal).

Cette déclaration de Booker sur la Russie s’immisçant dans la démocratie en Ukraine ne repose sur rien et déforme l’histoire récente.

En février 2014, ce sont les États-Unis et non pas la Russie, qui ont soutenu un coup d’état flagrant contre Viktor Ianoukovitch, le leader ukrainien pro-russe légitimement élu.

Le Département d’Etat américain avait auparavant transmis plus de 5 milliards de dollars à l’Ukraine pour qu’elle échappe à l’orbite russe.

 

Des politiciens américains connus ont distribué des biscuits sur la place du Maidan aux manifestants anti Ianoukovitch, qui n’avaient en fin de compte pas assez de signatures pour une destitution légale,

Ianoukovitch a été forcé de fuir pour sauver sa vie, et ce n’est qu’après cela que la Russie a commencé à soutenir les forces séparatistes à l’Est du pays, qui n’avaient pas confiance dans le gouvernement Petro Porochenko, formé après le coup d’Etat .

Porochenko a introduit dans ce gouvernement des membres du parti d’extrême droite “Svoboda” et fait adopter par la Rada une loi sur la langue restreignant l’usage du russe.

En Lettonie, pendant ce temps-là, un parti indépendant pro-russe a montré un fort soutien electoral. La Lituanie, quant à elle, est loin d’être la parfait démocratie décrite par Booker: de nombreux anciens communistes se sont retrouvés en prison, et une grande partie de la population a été forcée de quitter la Lituanie.
L’historien Suisse Guy Mettan écrit dans son livre (nous le citons en anglais) “Creating Russophobia: From The Great Religious Schism to Anti-Putin Hysteria » (Clarity Press, 2017) que la russophobie rappelle à la fois l’antisémitisme, et l’islamophobie par le fait que la russophobie “exists first in the head of the one who looks, not in the victims alleged behavior or characteristics. [It is] a way of turning specific pseudo-facts into essential one-dimensional values, barbarity, despotism and expansionism in the Russian case in order to justify stigmatization and ostracism.”
Le Parti Démocrate américain lui-même est divisé entre ses deux ailes progressiste et corporatiste.

La russophobie d’O’Rourke, Klobuchar et Booker reflète pour une part une tentative des corporatistes pour détourner la colère des gens loin de leurs propres ploutocrates domestiques, qui ont truqué le système politico-économique américain à leur avantage. Ils ont aussi canalisé cette colère sur un ennemi extérieur fantôme, dont l’existence sert à justifier des dépenses militaires élevées.

Malheureusement, ces actions rencontrent peu de résistance, même de la part des progressistes.

Elizabeth Warren, par exemple, a adopté une attitude dure envers la Russie, tout comme Bernie Sanders, qui a fait une routine de ses dénonciations de Vladimir Poutine, qualifié de “leader autoritaire antidémocratique” , engagé dans un “aventurisme militaire en Ukraine et en Crimée”, tout en soutenant des sanctions régressives.

Tulsi Gabbard est la seule vraie progressiste du Parti Démocrate à avoir exprimé sa volonté de résister à la russophobie dominante.

Lors du débat de mardi, elle a courageusement dénoncé CNN et le “New York Times”. Pour avoir fait la promotion de diffamations neo-maccartiste à son encontre, en insinuant qu’elle était un “atout russe” et même un “bot”. Gabbard a également condamné le soutien des Américains aux djihadistes en Syrie.

Mais Gabbard n’est qu’à environ deux pour cent dans les sondages, et a donc peu de chances d’être nominee pour obtenir la candidature démocrate.

L’électorat américain est très mal informé sur la Russie et sur les affaires internationales en général, et donc trop peu, malheureusement, apprécieront sa position visionnaire.

 

Russophobia at Democratic Party Debate
18.10.2019
Jeremy Kuzmarov
Russophobia was on full display during Tuesday night’s Democratic Party debate, with ominous repercussions for the future of American foreign policy.

 

When asked what he would do to stand up to Russian President Vladimir Putin, Beto O’Rourke stated that we “must hold Russia accountable for invading the world’s greatest democracy and being able to do it thanks to Donald Trump, functionally with impunity so far, so much so that they are invading this democracy right now as we speak.”

 

O’Rourke’s betrayal narrative comes out of the right-wing playbook of the 1950s. His comments also invert history.

 

The world’s supposedly greatest democracy, the United States, is the one who has invaded Russia before – in 1918 when the Woodrow Wilson administration sent troops in an attempt to overturn Russia’s Bolshevik revolution – and not vice versa.

This past July, a Clinton appointed Judge dismissed a lawsuit by the Democratic National Committee [DNC] against the Trump campaign and Julian Assange for lack of evidence of election meddling, stating that the DNC’s accusations were “totally divorced from the facts asserted in the organization’s own complaint.”

 

Two years earlier, the group Veteran Intelligence Professionals for Sanity [VIPS] found based on the speed of communication that a supposed Russian hack of Hillary Clinton’s emails was actually a leak carried out on the East Coast of the United States.

 

The supposed social media disinformation campaign that helped sway American voters was also determined to have been carried out by a private company based in St. Petersburg, Internet Research Agency (IRA), whose connection to the Russian government has never been established.

Half of the IRA ads on Facebook were enacted after the 2016 election, and many were non-political while others actually supported Trump.

 

There is generally little publicly available evidence which suggests that the Russian government interfered in the 2016 election.

 

This did not stop Amy Klobuchar from claiming nonsensically that “Russia’s interference was much more serious than meddling; it rather constituted an invasion of U.S. elections.”

 

Klobuchar went on to state that Putin was “someone who has shot down planes over Ukraine, who has poisoned opponents.”

These two charges, however, have also never been corroborated.

The criminals who shot down a Malaysian airliner in July 2015 have never been linked to Putin and no one has been indicted or convicted in any court of law.

 

The Obama administration at the time blamed Russian backed separatists for blocking the investigation and removing evidence from the crash site and dead bodies, though the State Department refused to make public radar information that Secretary of State John Kerry said pointed to the location of the offending missile.

 

The New York Times further reported on a Ukrainian military assault that touched off a fire near the crash site that consumed plane debris that could have helped identify the reasons for the disaster, and destroyed fuselage fragments with shrapnel holes cited by investigators as possible evidence of an attack by Ukrainian jetfighters.

 

As far as poisoning, this is a reference to the deaths of KGB defector Sasha Litvinenko and attempted killing of former Russian spy Sergey Skirpal.

 

While there is a possibility that Putin was involved, there are also alternative theories which point to Putin being set up in black flag operations.

Amy Knight’s seriously researched book Orders to Kill: The Putin Regime and Political Murder (Thomas Dunne Books, 2017) presents only circumstantial evidence and admits that proof of Putin’s culpability has not been established.

Cory Booker would have also made George Orwell proud on debate night. Repeating the old Russophobic trope that Russians “only understand force,” Booker chastised President Trump for “turning the moral leadership of this country into a dumpster fire” by “partnering more with Putin” than with “[Angela] Merkel [German leader] and [Emmanuel] Macron [French leader].”

 

Booker continued: “we cannot allow Russia to not only interfere in the democracies of Ukraine and Latvia and Lithuania, but [also] in this democracy.”

Booker’s remarks were wrong on so many levels.

Trump’s administration has not partnered with Russia, but adopted a hard-line policy against it.
This past February, Trump pulled out of the Intermediate Nuclear Range Forces Treaty (INF) banning ground-based cruise missiles and missile launchers of mid-range.

 

Trump has also extended Russia sanctions and provided lethal assistance to the Ukrainian military as it assaulted separatist forces backed by Russia in Eastern Ukraine (Obama had only provided non-lethal military aid).

 

Booker’s claim about Russia interfering in the democracy of Ukraine is completely off-base and distorts recent history.

In February 2014, the United States and not Russia supported a blatant coup against Ukraine’s elected pro-Russian leader Viktor Yanukovych.

The U.S. State Department had previously provided over $5 billion dollars to Ukraine in an attempt top pry the country away from the Russian orbit.

 

Prominent American politicians gave out cookies to Maidan square protestors opposing Yanukovych who didn’t ultimately have enough signatures to pass an impeachment measure.

 

After Yanukovych fled for his life, Russia began to support separatist factions in the East who did not trust the post-coup government of Petro Poroshenko.

 

The latter had appointed far-right wing members of the Svoboda Party to its Cabinet and passed a language law that restricted the use of the Russian language.

In Latvia, meanwhile, an independent pro-Russian party showed strong support in elections held last fall. Lithuania is far from the perfect democracy that Booker depicts and has jailed many former communist party supporters and forced a significant percentage of its population to flee.

Swiss historian Guy Mettan wrote in his book Creating Russophobia: From The Great Religious Schism to Anti-Putin Hysteria (Clarity Press, 2017) that Russophobia resembles both anti-Semitism and Islamophobia in that it “exists first in the head of the one who looks, not in the victims alleged behavior or characteristics. [It is] a way of turning specific pseudo-facts into essential one-dimensional values, barbarity, despotism and expansionism in the Russian case in order to justify stigmatization and ostracism.”

 

The Democratic Party is currently divided between its progressive and corporatist wing.

 

O’Rourke, Klobuchar and Booker’s Russia-baiting reflects in part an attempt by the corporatists to try and channel popular enmity away from the domestic plutocrats who have rigged the American political-economy in their favor, and onto a phantom foreign enemy whose existence can be used to justify large-scale military expenditures.

 

Unfortunately, they face little pushback even from the progressives.

 

Elizabeth Warren, for example, has adopted a hard-line stance against Russia, as has Bernie Sanders. He has routinely denounced Putin as an “anti-democratic authoritarian,” who engaged in “military adventurism in Ukraine and the Crimea,” and has supported regressive sanctions.

 

The one true progressive in the party willing to repudiate the dominant Russophobia, is Tulsi Gabbard.

During Tuesday’s debate, she boldly called out CNN and The New York Times for promoting neo-McCarthyite smears insinuating that she was some kind of “Russian asset” and “bot,” while also condemning U.S. support for jihadists in Syria.

 

Gabbard though is only polling at around two percent and stands little chance of winning the nomination.

 

The American electorate is very ill-informed about Russia and international affairs, and too few unfortunately will appreciate her visionary stance.
La russophobie au débat du Parti Démocrate