Macron-Poutine : Une relance diplomatique altérée par la russophobie

  • stoprussophobie redaction
  • jeudi juin 1, 2017
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Macron-Poutine : Une relance diplomatique altérée par la russophobie

Macron-Poutine : La russophobie altère une diplomatie positive et menace la liberté de la presse chez nous 

Il y a pourtant eu des choses positives dans cette rencontre des deux présidents : d’abord que le blocage hollandien vis-àvis de la Russie ait semblé pouvoir être dépassé. Ensuite, parce que des phrases laissant penser à des progrès possibles ont été prononcées, malgré la condescendance “naturelle” du président français, croyant pouvoir donner des leçons aux Russes, qu’une bonne partie de la presse française n’a pas hésité à traiter en sauvage “qu’on va impressionner avec des dorures et Versailles”. 

Préjugés, suffisance et surtout énorme ignorance qui fondent en grande partie la russophobie, permettent d’omettre totalement que le président Poutine est originaire de Saint-Pétersbourg, où les palais sur le modèle de Versailles sont nombreux. Alors pour l’impressionner … Il a été poli, il s’est quand même déclaré “impressionné” par Versailles, puisque ça faisait plaisir aux hôtes français. Quant aux “leçons” de conduite ou de valeurs “des lumières”, que le président Macron a développé, c’est oublier un peu vite que Poutine a plus de 17 ans d’expérience au pouvoir d’un état véritablement souverain, à la différence de nous autres. 

Le positif s’est retrouvé dans quelques petites phrases, que nos médias affectionnent d’habitude mais qui cette fois n’ont que peu été relevées. La première est que Macron a fait allusion à une action commune contre le terrorisme, dans les semaines qui viennent. Ensuite, qu’il a reconnule “danger des états faillis”au Moyen-Orient. Enfin, qu’en parlantdes armes chimiques avec les rotomontades habituelles, il a cette fois précisé :  utilisées “par qui que ce soit”. C’est nouveau par rapport aux pseudos-preuves de Jean Marc Ayrault contre les troupes de Damas, seules accusées, sans preuve ni volonté de véritable enquête (cf nos articles). Sur l’Ukraine, la relance des négociations de Minsk, sans doute accordée par Angela Merkel,sans accuser pour une fois la Russiede “les violer” alors que ce qui n’est pas appliqué ne dépend en rien de la Russie. Et puis, pour faire du concret moins difficile, au moins au niveau de l’effet d’annonce, il y a eu l’idée d’unforum de la société civile et d’une coopération franco-russesur le modèle allemand, ce qui pourrait impliquer un office de la jeunesse…. 

Bref,le pragmatisme et l’ambition du jeune président français inclinent à l’optimisme. Au-delà de l’opération de communication, avant les élections législatives, dans la continuité du marketing réussi d’avant élections présidentielles, on pouvait espèrer un désir du président Macron de se référer à une tradition de souveraineté française gaullienne et mitterrandienne. Cette dernière déjà beaucoup moins réelle car entachée par l’agression contre la Yougoslavie. 

 Malheureusement,on imagine mal un général de Gaulle perdre la sérenité et le ton diplomatique du reste de la conférence de presse,pour se lancer dans une attaque tout à fait disproportionnée contre deux organes de presse de Russie employant des journalistes de tous pays, comme tant d’autres médias internationaux : RT et Sputnik. 

 RT et Sputnik sont des canaux de communication d’Etat à vocation internationale. Exactement comme d’autres médias américains, français, anglais, allemands qui diffusent à l’international et sont “des organes d’influence” comme tout organe de presse. Il suffit de connaître la source pour faire la part des choses. Réduire uniquement ces organes de presse russes à des canaux de propagande n’est pas bon signe. D’autant que si on lit la presse occidentale internationale et notamment la presse française, il y a énormément de grands journaux, de grands magazines, de télévision et de radios, y compris de “service public” (payés par nos impôts et la redevance)qui parlent de la Russie avec une partialité et avec un manque d’objectivité importants et assez systèmatiques.Onne peut pas reprocher aux médias russes d’être partiaux, alors que sa propre presse fait exactement la même chose en sens inverse.

Cette indignation estun peu inquiétante de la part d’un homme élu à la fonction présidentielle. Elle était particulièrement déplacée et hypocrite,au moment où Emmanuel Macron recevaitVladimir Poutine, qui depuis des années est la cible d’une campagne de dénigrement, de calomnies, de diabolisation et de mensonges éhontés de la part des médias occidentaux.Par comparaison, les reportages de RT les moins favorables concernant Macron passeraient pour des louanges. Certains de ces médias qui passent leur temps à diffamer Poutine sont comme on l’a dit la propriété de la République française, qu’on pourrait appeler propagande «de l’Elysée», tout autant que RT et Sputnik seraient “agents d’influence du Kremlin”. Les médias «privés» appartiennent à quelques grandes fortunes de France, qui pourtant ont souvent fait d’excellentes affaires en Russie, mais qui n’en sont pas moins biaisés et souvent russophobes.

Ilaurait été plus juste et plus diplomatique de dire qu’il souhaitait que la guerre de l’information soit moins virulente, sans forcément attaquer nommément les canaux de diffusion sans citer un seul exemple de “fausse information” qu’ils auraient diffusée. En plus, on ne peut ignorer que RT et Sputnik existent légitimement comme expression d’un grand pays, au même tirer que beaucoup d’autres pays du monde, et en plus, compte tenu du paysage médiatique mondial, en réplique au soft power étranger.

En fait, compte tenu de l’unanimité de la presse française pour soutenir la candidature Macron et l’absence de toute enquête et “d’affaire” à son propos ou à propos de ses partisans (on en voit aujourd’hui), contrairement à ce qui est arrivé à ses principaux concurrents, le fait que les deux médias d’origine russe aient dit des choses que les autres ne disaient pas a pu déplaire.Au point qu’ils ont été interdits de couverture de la campagne En marche ! 

Cela montre d’une part qu’Emmanuel Macron est tributaire d’une espèce dedoxa euro-atlantiste menant à une vision de guerre froide.Cela révèle aussi que lelobby russophobe est très puissant dans son entourageet parmi ses soutiens et qu’il doit leur donner des gages. La mention répétée comme une litanie des homosexuels de Tchétchénie, là aussi d’ailleurs en ne se fondant que sur une seule source, largement utilisée pour lancer une campagne sur le sujet, et cette attaque contre la presse font sans doute partie de ces gages. 

Les Russes semblent s’être montré compréhensifs sur le sujet et les contraintes du nouveau président, même si Poutine a de son coté évoqué des sujets économiques, autrement importants pour nos relations bilatérales. Mais continuer ce genre d’opérations médiatiques, peut finir par nuire aux tentatives de recoudre un peu les choses. 

Mais plus grave pour nous : cette attaque contre la presse russe en s’arrogeant le droit de juger ce qui est journalistique et ce qui ne l’est pas, après avoir interdit à des journalistes de faire leur travail de couverture, sous prétexte qu’ils seraient hostiles estlourde de menace pour notre liberté de la presse et de parole.Si les politiques et les autres se mettent à interdire les journalistes qui ne leur plaisent pas, on tombe dans ce qui est reproché à Marine Le Pen. Mais pas à Macron dans la presse mainstream. Et dans le prolongement de ces attaques contre la presse de RT et Sputnik, on voit le tri de journalistes pour le voyage présidentiel au Mali et les projets plus ou moins démentis de tri des journalistes pouvant couvrir l’Elysée. Enfin, dans le cas des articles de presse enquêtant sur l’affaire Richard Ferrand et sa mutuelle, la présidence Macron n’hésite pas à déplorer quela presse devient juge”, selon les propos rapportés par le porte-parole du gouvernement, Christophe Castane.  Que ne disait-il pas la même chose lors de l’affaire Fillon ? Dans laquelle, M. Richard Ferrand a joué un rôle particulièrement marqué comme “chevalier blanc” moraliste et donneur de leçons. 

Nos consoeurs et confrères journalistes auraient tort de se contenter de leur russophobie latente ou contrainte pour ne pas faire attention à ses attaques contre des organes de presse, quoi qu’on pense de ces derniers. Car,ajoutés aux autres mesures et déclarations citées, la menace contre la liberté de parole est réelle,compte tenu du caractère autoritaire et intolérant du nouveau président qui s’est trop habitué aux louanges unanimes de nos organes de presse.

Pourtant, l’un des résulats, en plus des menaces contre la profession, estla méfiance du public envers les grands médias qui ne cesse de s’accroître.Celà pousse les gens vers les médias alternatifs, notamment RT, dont les reportages bien documentés sur des sujets négligés ailleurs attirent de plus en plus de public. Cette concurrence permet aux internautes et téléspectateurs de faire des comparaisons et de compléter leurs connaissances. La croissance de l’audience de ces médias alternatifs et complémentaires explique-t-elle l’action autoritaire de Macron ? Est-ce une tentative de lilmiter notre droit à l’information en interdisant des médias ? La vigilance s’impose !Là encore, la russophobie risque d’être un prétexte à la limitation de notre ciotoyenneté et de nos libertés. 

Un article de Guy Mettan, journaliste suisse et auteur d’un livre sur la russophobie (cf rubrique) 

https://francais.rt.com/opinions/39092-fustigeant-rt-sputnik-macron-donne-gages-russophobes