Macron-Russie : L’art de souffler le chaud et le froid

  • stoprussophobie redaction
  • mardi octobre 15, 2019
  • 80
Macron-Russie : L’art de souffler le chaud et le froid

Macron et la Russie : Retour à la raison mais tant d’ambiguïtés sous les lobbys atlantistes

 

Depuis août dernier et l’invitation du président Poutine à Brégançon, Le président Emmanuel Macron ne cesse d’étonner par ses propos raisonnables sur la tradition des relations franco-russes et la reconnaissance de l’apport russe à la culture et à la place de l’Europe dans le monde. Même les frontières gaulliennes de l’Europe de l’Atlantique à l’Oural ont été adaptées au monde moderne et étendues de Lisbonne à Vladivostok. Il y a peu on était traité “d’agent poutinien” pour moins que ça. Du reste, les lobbies atlantistes internes ou au sein du Parlement européen ont commencé des offensives, notamment médiatiques, contre le président. Est-ce pour cela que M. Macron se sent obligé de souffler le chaud et le froid ?Est-ce seulement une tactique politique et la dépendance vassale que nous subissons par rapport au deep state états-unien ? Ou est-ce dans sa nature politique d’être pour tout ce qui est contre et contre tout ce qui est pour ?

Ne boudons pas notre soulagement à voir un président français reprendre le fil d’une diplomatie française plus souveraine après les catastrophes sarkozystes et plus encore hollandiste. Les propos tenus à Brégançon, puis ceux prononcés à la conférence des ambassadeurs ainsi que la proposition d’un retour du G8 en Russie (où il devait se réunir avant d’être annulé sous pression des USA) et l’appui d’un retour de la Russie au Conseil de l’Europe (il est vrai essentiellement pour les cotisations russes utiles au bien-être des représentants à ce Conseil) ainsi que l’affirmation d’une demande de réunion du format Normandie sur le Donbass, sont des éléments positifs.

Malheureusement, il y a aussi le froid.Un bon échantillon en est le discours tenu à Strasbourg, devant le Parlement européen, le 1er octobre 2019. « Je soutiens pleinement, a-t-il notamment déclaré, le choix qui a été fait de maintenir la Russie dans le Conseil de l’Europe, parce que je crois que le peuple russe se reconnaît fondamentalement dans l’humanisme européen, parce qu’il a participé à sa construction, parce que la géographie, l’histoire et la culture et de la Russie sont fondamentalement européennes ».

Curieusement, ces propos, relativement chaleureux, auxquels nous n’étions plus habitués dans la bouche d’un président français, sont suivis d’une analyse qui tend à les refroidir. :

« Lorsque l’un de nos membres s’éloigne du socle de nos valeurs communes, la division, l’exclusion seraient un échec de plus qui, au fond, nous condamnerait à l’impuissance, qui ne serait que la victoire de ceux qui ne croient pas dans ce socle et nos valeurs. Les doutes et les critiques sont audibles, légitimes. Mais que se serait-il passé si nous n’avions rien fait ? N’oublions jamais tout ce que l’entrée de la Russie dans notre organisation a pu apporter de manière tangible, concrète à tous les citoyens russes : le moratoire sur la peine de mort, le recours individuel et la juridiction obligatoire, la possibilité pour les citoyens russes de défendre leurs droits devant la cour européenne contre leur gouvernement. Votre assemblée a fait le choix souverain de réaccueillir la délégation russe, sans quoi le risque était bien, tôt ou tard, de voir la Russie tout simplement quitter le Conseil de l’Europe. Alors les citoyens russes auraient été privés du droit de recours, de la possibilité même de faire respecter leurs droits. Cette décision, vous l’avez prise et je la soutiens sans naïveté aucune, conscient que le rôle du Conseil, du Comité des ministres, de cette assemblée n’est pas de se substituer aux gouvernements qui sont eux-mêmes responsables de faire aboutir les accords de Minsk, la procédure de Normandie, ou d’apporter d’autre débats légitimes, mais déjà de préserver les droits de tous les citoyens. Cette décision, je le crois très profondément, n’affaiblit en rien notre détermination commune et ne signifie en rien l’existence de plusieurs standards au sein du Conseil de l’Europe. Cette décision n’affaiblit en rien, tout au contraire, notre détermination à en finir avec les conflits gelés, qui sont les cicatrices encore si douloureuses des divisions de notre continent en Ukraine en Géorgie dans le Caucase, en Transnistrie. Ce n’est pas un geste de complaisance, c’est une décision d’exigence. D’exigence à l’égard de la Russie pour qu’elle respecte pleinement ses obligations et s’acquitte de ses devoirs à l’égard du Conseil de l’Europe. Exigence à l’égard de notre organisation, pour que nous soyons collectivement plus forts et plus efficaces face à ce type de situations*».
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* Reproduction fidèle – exception faite, pour des raisons évidentes, de la ponctuation – d’un extrait du discours du président Macron, enregistré en direct pendant son intervention.

Une façon de saluer le retour de l’enfant prodigue et bien sûr de sa cotisation importante, qu’il ne payait plus pour cause de privation de vote et on pourrait dire d’application de doubles standards systématiques contre la Russie. Mais on se croit en mesure de faire la morale : à cause de toi, notre vieille Europe souffre de maux que nous sommes impuissants à guérir.

A quoi servez-vous, Mesdames, Messieurs les représentants et parlementaires européens, si vous n’êtes pas capables de juger objectivement des causes des problèmes et de trouver des solutions autres que d’accuser systématiquement la Russie de tous les maux ? Parce qu’évidemment il n’y a pas d’autres problèmes en Europe que l’Ukraine, le Caucase, la Géorgie et la Transnistrie ? Et aussi parce qu’il y va du salut de l’humanité que les citoyens russes puissent déposer un recours devant la Cour européenne des droits de l’Homme ? Ils le peuvent, qui les en empêche ?

Vous lancez un appel à la Russie, Monsieur le Président, « pour qu’elle respecte pleinement ses obligations et s’acquitte de ses devoirs (ma cassette !) à l’égard du Conseil de l’Europe ». Et vous parlez d’exigence à l’égard de ce même Conseil « pour que nous soyons collectivement plus forts et plus efficaces face à ce type de situations ».

Collectivement avec ou contre la Russie ? La nuance est essentielle. En effet, la Russie ayant réintégré le Conseil de l’Europe, elle a de toute évidence le droit d’être entendue lorsqu’elle dénonce la passivité de cette même Europe face à l’agressivité de plus en plus prononcée de ce puissant allié de l’Europe que sont les USA, et dont notre continent sera la première victime en cas de guerre.

A ce sujet, on lira avec profit ce qu’en a dit, au cours d’un entretien, le 29 septembre 2019, avec Jonathan Power, chroniqueur de la revue américaine CounterPunch, Jack Matlock, ancien conseiller de la Maison Blanche pour l’Union Soviétique, puis ancien ambassadeur américain en URSS, après lecture d’un article publié plus tôt ce même mois dans le quotidien Newsday, évoquant la vive reaction de la Russie après l’affirmation du général Jeff Harrigan, commandant des forces aériennes américaines en Europe, selon qui les USA sont capables de détruire la défense aérienne de la région de Kaliningrad (une enclave russe internationalement reconnue, située entre la Pologne et la Lituanie).

«Si nous devons détruire le système de défense aérienne de la région de Kaliningrad, nous avons un plan à ce sujet, et que personne n’en doute. Nous avons à chaque fois une réflexion fondamentale sur ce genre de plans, et si jamais nous devons les mettre en œuvre, nous serons prêts à le faire.»

Apparemment, écrit CounterPunch, les bombardiers stratégiques B-52 ont procédé en mars à une simulation d’attaque de missiles sur la région de Kaliningrad. C’est un exemple de la façon dont on peut raisonner sur certaines choses sans réfléchir à l’impensable.: “Nous sommes revenus à une situation de guerre froide», dit concrètement ce haut responsable américain de l’US Air Force.

Qui lui a permis de tenir de tels propos? N’ayant pas été sanctionné en haut lieu pour cela, nous devons donc supposer que telle est la politique militaire des États-Unis”.

Cette déclaration du général Harrigan, souligne CounterPunch, a été faite en complément de la décision des États-Unis de se retirer du Traité sur la limitation des systèmes de défense antimissile et du Traité sur l’élimination des missiles à courte et moyenne portée.

“Pensez-vous, dit Jack Matlock, que les Russes n’ont aucune raison d’être indignés? Pour eux, cette attitude américaine rappelle en quelque sorte Napoléon et Hitler, qui ont fait mouvement eux aussi vers les frontières de la Russie et les ont franchies”.

Matlock, rappelle Jonathan Power, a assisté à des réunions importantes où le Secrétaire d’Etat James Baker a assuré le ministre soviétique des Affaires étrangères Edouard Chévardnadzé et le président Mikhaïl Gorbatchev que l’OTAN ne repousserait pas ses frontières vers l’Est :. “Pas d’un pouce” !

Selon Matlock, la réponse rationnelle devrait être: “Jouez à vos jeux si vous le souhaitez, mais vous perdez votre temps et vos ressources. Vous savez très bien qu’en franchissant le pas, vous mourrez de ses conséquences. L’augmentation de la puissance militaire et les rodomontades à ce sujet donnent simplement à la Russie une raison de faire monter les enchères”. Et Matlock d’ajouter, espérons que c’est vrai :

“L’OTAN n’a pas l’intention d’attaquer la Russie et la Russie n’a pas l’intention d’attaquer un pays de l’OTAN. Cependant, ce genre de jeu est dangereux, car peuvent se produire différents types d’incidents qui peuvent conduire à une périlleuse escalade. Entre autres choses, c’est un signe d’un retour à la guerre froide, et ce dans une situation où il n’y a aucune excuse et aucune raison de lutter contre le communisme athée, agressif et dictatorial. De plus, nous oublions le rôle de l’Union soviétique, laquelle, avec ses alliés occidentaux, a vaincu l’Allemagne nazie. C’est elle qui, alors, a supporté la majeure partie du fardeau de la guerre. Contre qui sommes-nous, en fait, en train de nous armer? Contre un pays qui, après la fin de la guerre froide, voulait devenir un ami de l’Occiden t?”

“Ceux qui croient, poursuit Matlock, que le président Donald Trump est sous l’influence du président Vladimir Poutine devraient repenser leur position. Donald Trump se comporte poliment et même amicalement lors des rencontres personnelles avec Poutine, mais ses actions antirusses divergent de ses paroles. Je ne me souviens d’aucun cas où les États-Unis auraient fait quelque chose pour soutenir la Russie. Cependant, la Russie permet aux États-Unis de transporter par chemin de fer des cargaisons militaires américaines vers l’Afghanistan. Elle vend des moteurs de fusée à Washington, sinon l’Amérique aurait de sérieux problèmes dans la mise en œuvre de son programme spatial. La Russie lance des fusées dans l’espace avec une charge utile américaine. Pourquoi devrions-nous revenir à la guerre froide, ainsi qu’aux attitudes et aux mesures douteuses qu’elle engendre? La Russie n’a rien fait de particulièrement mauvais — du moins par rapport à la décision américaine d’étendre les frontières de l’OTAN et de les rapprocher directement de la frontière russe.

Bref, les tentatives de reprise de la guerre froide, comme c’est le cas dans la région de Kaliningrad, sont historiquement injustifiées et contre-productives. La provocation excessive de l’ours n’est pas nécessairement le meilleur moyen de ramener la démocratie en Russie.
Une deuxième guerre froide n’est pas l’objectif auquel nous devons aspirer”.

Convenez, Monsieur le Président, qu’il ne saurait y avoir deux poids et deux mesures. Et, n’en déplaise à Jean de la Fontaine, la raison du plus fort ne saurait être la meilleure. Si tant est qu’à l’ère des armes nucléaires, il peut y avoir un plus fort.