Retour sur Beslan

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  • dimanche mars 5, 2017
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Retour sur Beslan

Beslan : pourquoi tant de haine contre les victimes dans notre presse ? 

   Le massacre des enfants de Beslan du 1er au 3 septembre 2004 au cours d’une prise en otage de toute une école le jour de la rentrée des classes dans la République d’Ossétie, l’un des Sujets caucasien (sud) de la Fédération de Russie, avait en fait un enjeu international qui explique les polémiques et désinformations autour du déroulement de l’affaire elle-même.

  Beslan a marqué une nouvelle étape dans la pratique terroriste qui marque dès son début le XXIème siècle, commencé sous le signe de l’effondrement aérien des Twin towers de New York.

   Pourtant la portée et la monstruosité des actes perpétrés échappent parfois à la plupart des lecteurs et téléspectateurs ouest européens qui ont souvent eu de l’événement une description marquée au sceau de la guerre froide et d’objectifs géopolitiques, rarement avoués et il faut bien le dire peu avouables. Car le massacre de Beslan, c’est 335 morts, dont 186 enfants en bas âge, et des centaines d’invalides et traumatisés à vie, avant même d’avoir pu profiter d’une enfance insouciante. 

    L’hostilité des comptes-rendus est rendue évidente par l’usage de références différentes à celles qui auraient été appliquées pour un acte semblable chez nous et une complaisance parfois non dissimulée pour les preneurs d’otages. La réalité des faits a aussi souffert de dissimulations et maladresses des autorités russes locales et même fédérales. Elle n’a fait qu’alimenter une méfiance compréhensible des journalistes (russes et étrangers) et parfois des victimes survivantes.

    A l’occasion d’un voyage à Beslan en avril 2008 pour accompagner un responsable d’ONG ayant organisé peu après l’événement, des parrainages de solidarité entre des familles françaises et des familles de victimes de la prise d’otage de 2004, nous avons eu l’occasion de « revenir sur Beslan ». Nous avons interrogé presque quatre ans après, des jeunes victimes survivantes, des officiels à tous les niveaux et des témoins, dont des consoeurs et confrères journalistes locaux de la petite ville caucasienne de quelque 40.000 habitants.

   Nous avons aussi repris des documents de l’époque de toutes tendances, nous sommes replongé dans des témoignages recueillis peu après le drame, notamment auprès du docteur Leonid Rochal, « pédiatre sans frontière » russe qui avait été appelé sur place dès le premier jour. (cf interview ci-dessous)

    Le 1er septembre 2004 donc, les enfants endimanchés qui ont la chance d’être scolarisés à l’école N°1, la «meilleure» de Beslan, se rangent dans la cour avant de retrouver ou trouver leurs maîtres, et plus souvent maîtresses, respectifs pour la cérémonie de rentrée. Les reportages russes abondent sur l’adolescente qui a accepté ce jour là d’accompagner la petite voisine pour sa première rentrée pour dépanner des parents obligés d’être à leur travail. Ou la grande sœur qui a voulu « montrer » à son petit frère pour qu‘il ne pleure pas, ou encore sur l’instit qui a pris sa retraite à la fin de l’année scolaire précédente, mais a encore tenu à donner un coup de main à ses anciennes collègues pour faire face au «tourbillon de la rentrée». Tous ne sont jamais revenus et ont payé cher leur disponibilité.

   Les témoignages de parents effondrés, d’épouses ou d’époux éplorés sont poignants, lorsqu’on les confronte avec ce qui vous est dit sur place. Ce que chacun peut voir au mémorial de Beslan aux tombes en marbre rose, où les parents déposent encore les jouets pour Noël…

   On ne se remet jamais de la perte d’un enfant. Encore moins peut être d’un enfant assassiné de sang froid d’une balle dans le dos alors qu’il tentait de fuir vers un robinet d’eau courante après s’être désaltéré deux jours de sa propre urine recueillie sur son maillot de corps….

    Les «bandits», comme les appellent les enfants, barbus et armés jusqu’aux dents, ont tiré dès le début. Ils sont arrivés par l’autre coté de l’école, du coté de la voie ferrée. «Au début on a cru à une mascarade pour fêter la rentrée», raconte le petit Grégory, qui a eu un rein arraché dans l’aventure mais a eu plus de chance que sa sœur et sa maman. Leurs photos sont aujourd’hui sur les murs de l’école transformée en sanctuaire.

   «Mais très vite, on comprend». Les terroristes tirent d’abord en l’air puis tuent un père pour bien se faire comprendre. Ils font entrer tout le monde dans le gymnase. Plus d’un millier de personnes (1.128 exactement) tiennent là, assises serrées les unes contre les autres. «Si l’on se levait pour chercher des yeux les membres de notre famille perdus dans la bousculade, on risquait de ne pas pouvoir se rasseoir», raconte une grand-mère survivante.

    Un homme tente de calmer la foule : il parle d’abord en russe puis en ossète : « calmez-vous il ne nous arrivera rien ». Le calme se fait peu à peu. « Tu as fini ? » lui demande un des « bandit », celui qui commande et que les autres appellent « colonel », grand et costaud à la barbe noire foisonnante et au petit chapeau rond sur le crâne. Oui répond l’homme simplement. Avant de s’effondrer, tué à bout portant dans la tête par le « colonel ». Devant tout le monde. Comme ça. Devant des mômes de deux ou trois ans venus accompagner leurs grands frères ou sœurs de 6 ou 7 ans qui entraient en classe pour la première fois…

    A l’extérieur, la nouvelle fait le tour de la ville où presque tout le monde se connaît au moins de vue. « Venez vite «ils» ont attaqué l’école N°1, venez armés pour libérer vos enfants», crient les voisins les uns aux autres ou au téléphone, selon les récits d’enfants qui n’étaient pas dans l’école N°1. Ils y avaient des frères, des sœurs ou des copains. 

    On les a interrogés lors de ce voyage. « Je me suis mise à pleurer », raconte l’une, « après il y a eu un hélicoptère », dit un autre. Beslan est tout près de l’aéroport de Vladikavkaz et le survol d’un hélicoptère dès les premières heures n’a rien d’étonnant. Quelques articles occidentaux « s’étonnent » de la présence d’un hélicoptère au moment du dénouement tragique de l’affaire, y voyant une «preuve» de complot.

   Autour de l’école qui occupe un périmètre important et est par ailleurs intégrée dans le tissu urbain de deux cotés au moins, un cordon de police est mis en place tant bien que mal. Les autorités locales sont totalement dépassées, selon les journalistes locaux interrogés peu après. Des femmes policiers cherchent à établir qui manque, combien il y a d’otages. Des appels à venir signaler les manquants sont lancés. Des policiers visitent les familles recensées dans les listes de visite médicale, supposée obligatoire au moment de l’inscription. Les autres listes sont dans l’école. On essaie d’établir un contact avec les assaillants. Des coups de feu ont été entendus et on craint le pire.

    Cette question du nombre est un des éléments de la polémique, parfois indécente qui entoure le drame. Les autorités locales ont assez vite annoncé que le nombre de personnes retenues était de 354. Ce n’était pour le moins que le début du décompte mais les officiels se sont tenus à ce chiffre, sans vouloir le changer. Selon les journalistes locaux, il était évident au soir du premier jour que ce nombre était sous-estimé. Même un représentant du MVD, ministère de l’intérieur local, est arrivé à un chiffre de près de 900. Mais voilà, disent les mêmes journalistes, on ne savait pas ce qui valait mieux : dire un nombre effrayant, plus proche de la réalité et risquer ainsi d’encourager les terroristes ou accepter la minimisation officielle. Le même dilemme occupait les fonctionnaires locaux qui avaient en plus la crainte de provoquer la ire de Moscou.

    En fait, disent aujourd’hui journalistes et fonctionnaires locaux, c’était une erreur sur toute la ligne. Les terroristes, en entendant le nombre de 354, ont annoncé aux otages que puisque c’était comme ça, ils ne laisseraient sortir que 354 personnes et tueraient tous les autres. Ils en ont profité pour dire aux otages que « vous voyez que vos autorités se moquent de vous et de votre vie ». Syndrome de Stockholm et panique du moment aidant, des otages y ont cru. D’autant plus que la population de l’ex-URSS est volontiers méfiante à l’égard du pouvoir quel qu’il soit. On a retrouvé de tels témoignages dans la presse russe après le dénouement du drame.

    Autre querelle de chiffres : le nombre des preneurs d’otages. Officiellement, encore aujourd’hui il est de 32. Mais beaucoup d’Ossètes, y compris le président actuel de l’Ossétie, Taimuraz Mansourov, doutent de ce nombre. Les ex-otages interrogés qui disent avoir compté les «bandits» disent qu’il y en avait au moins 32. Mais qu’il était difficile de les compter car beaucoup étaient masqués et qu’ils se relayaient à leurs postes respectifs, y compris toutes les heures pour maintenir enfoncée une pédale reliée à un chatterton au bout du quel étaient suspendues des charges explosives en forme de ballon de rugby. «Une fille en revenant des toilettes lorsque c’était encore autorisé a heurté le chatterton avec sa tresse et tout s’est mis à balancer. Alors le bandit qui appuyait sur la pédale nous a lancé «si vous voulez vivre faites bien attention à ces fils » », raconte le petit Rouslan lui aussi rescapé.

    Parmi les preneurs d’otages, il y avait aussi deux femmes, dont on parle peu, selon tous les témoignages recueillis. Des documentaires de la télévision russe en ont fait état. Dans la presse occidentale, on en fait rarement état. Selon les témoignages recueillis auprès des rescapés, elles étaient habillées en noir à l’iranienne. Bardées de grenades et de fils reliés à des explosifs. On a dit aux otages que c’étaient des « chahidki » (de chahid = martyr). Elles ont disparu dès le premier soir. Explosées. Au sens propre du terme. Selon certains otages, elles se seraient opposées au « colonel » en disant qu’il n’était pas prévu de « torturer des enfants » et de les retenir aussi longtemps.

    Le colonel et certains de ses hommes les auraient alors entraîné dans une pièce vers l’aile perpendiculaire au gymnase. Peut-être avec le mari de l’une des « martyre », selon certains. Là ils ont actionné les détonateurs. Les restes des deux dames sont restés collés aux murs, selon les témoins. La salle en question est maintenant fermée à clef. Ces informations ne sont pas confirmées officiellement.

    Quoi qu’il en soit, l’explosion a été entendue par tout le monde. A l’extérieur, elle a semé la panique. Car dès la deuxième heure, les terroristes avaient transmis un petit mot écrit à la main dans lequel ils menaçaient de tuer des otages si l’un d’eux était blessé et à plus forte raison tué.

    Pour l’instant, aucune autre revendication, selon notamment le député Dimitri Rogozine qui s’est trouvé sur place et s’est rendu à Beslan dès qu’il a appris la prise d’otages. Le reste des contacts entre les autorités et les terroristes se sont faits par téléphone. Les terroristes ont du reste menacé de tuer des otages si leur téléphone venait à être coupé. Ils avaient par ailleurs installé une télévision et une radio dans un couloir au premier étage pour suivre les événements et ce qui était dit sur eux. Les journalistes locaux avouent avoir été paniqués par cette situation dès qu’elle leur a été connue, car ils n’avaient aucune idée de ce qu’on pouvait dire ou non pour ne pas faire le jeu des terroristes, tout en remplissant leur mission d’information, qu’ils tenaient sincèrement à remplir malgré des obstacles des autorités tout aussi perdues, au moins au début, selon leurs témoignages.

    L’exigence suivante des preneurs d’otages a été plus tragique : « retirez les francs-tireurs », a exigé le « colonel » en faisant monter à l’étage une vingtaine de pères pris en otages et en les plaçant devant les fenêtres en boucliers humains. Après une hésitation, qui a permis à certains des hommes d’échapper à la mort en étant autorisés à redescendre, les « bandits » assassinent plus d’une douzaine d’otages devant les fenêtres.

    Le lendemain, leurs cadavres seront jetés par les fenêtres au sol devant l’école. Et ils y resteront à la vue de tous en plein soleil. En tout 21 cadavres, dont un terroriste. Ce dernier soit tué au moment de l’assaut contre l’école, soit plus probablement le mari d’une des deux « chahidki ». A propos de tireurs d’élite, que certains journalistes occidentaux invoquent pour parler d’un ordre de tirer sur des terroristes (ces journalistes disent gentils rebelles), les témoignages de policiers recueillis sur place, expliquent qu’il était impossible d’atteindre les terroristes car il n’y avait pas de position avec un angle permettant le tir efficace.  

     En dehors de la monstruosité que représentent ces cadavres livrés à la décomposition et au regard du millier d’enfants otages dans le gymnase devant lequel ils ont été jetés, ces corps vont jouer un rôle important au moment du dénouement tragique. Ils feront l’objet d’âpres négociations entre le docteur Leonide Rochal, arrivé dès le premier soir et les preneurs d’otages. Rochal demandait l’autorisation de retirer les cadavres. Les terroristes ont fini par accepter. 4 hommes du ministère des situations d’urgence (MTchS) ont été envoyés pour le faire. L’un des corps, celui d’un terroriste, a été emmené à l’intérieur à la demande des occupants. Peu après, l’explosion fatale a résonné. Il était 13 heures.

    On ne sait toujours pas exactement comment elle a été provoquée. Les enfants interrogés disent que c’est l’une des bombes suspendue qui est tombée et explosé. D’autres habitants et journalistes émettent l’hypothèse d’un missile à forte détonation tiré par quelqu’un à l’extérieur. Peut-être un père d’élève armé, comme il y en avait beaucoup autour de l’école. Peut-être une autre initiative. En tout cas, il n’y a pas d’assaut programmé et organisé de type Entebbe ou même Doubrovka, à Moscou. Sinon, tout aurait été réglé bien plus vite. 

    Après l’explosion qui a fait exploser des fenêtres et un pan de mur, des enfants fuient du préau fatidique en direction d’un robinet d’eau. Il fait chaud et les terroristes les ont empêchés de boire depuis des heures. Des terroristes tirent dans le dos des enfants. Des policiers et des militaires accourus à cause de l’explosion se précipitent pour aider les enfants qui fuient. La plupart n’ont même pas de gilets pare-balles. Ce n’est pas un assaut, comme le prétendent les gazettes occidentales, en reprenant sans réfléchir ni vérifier les back-ground des années précédentes.

     Les combats n’ont eu lieu qu’après. Ce qui est bien la preuve qu’il ne s’agit pas d’un assaut organisé. Les échanges de tirs, y compris de véhicules blindés, n’ont eu lieu qu’après. Jusque tard dans l’après-midi. C’est en se référant à ces images de combat que la presse occidentale accuse les victimes, et bien sûr le président Vladimir Poutine, d’être responsables des morts de cet acte terroriste monstrueux qui a ouvert le siècle.

    Pourtant, l’Union européenne et les organisations internationales ignorent ces victimes, ne les commémorent pas et ne les incluent pas dans les budgets destinés à venir en aide aux victimes des autres actes terroristes des dernières décennies.

   Sans doute, parce que l’enjeu de Beslan était beaucoup plus important : il était prévu que les Ossètes allaient se précipiter pour se venger contre les Ingouches (majorité des terroristes preneurs d’otage à Beslan), comme ils l’avaient fait en 1991, compte tenu des contentieux et des rivalités entre les deux peuples. Le Caucase aurait été mis à feu et à sang autour du conflit tchétchène et l’intervention d’une force d’interposition internationale aurait été justifiée. Comme cela a été exigé quelques jours plus tard à Istanboul… Mais ça n’a pas marché, grâce à la sagesse des dirigeants ossètes qui ne sont pas tombés dans le piège, selon les explications recueillies à Beslan.  

3 sept 2014 Beslan

Intervention de Dimitri de Kochko, journaliste, pour le 10 ème anniversaire

Beslan : «Les bandits ont tiré dès le début ! »

 de Beslan

Des dizaines d’enfants n’auront pas eu 20 ans cette année ! 186 enfants n’auront jamais 20 ans.

On ne peut pas se remettre de la perte de ces enfants de l’autre bout de l’Europe.

Ces enfants ont parfois été tués à l’arme blanche. L’actualité 10 ans après nous rappelle tragiquement cette réalité !

D’autres, d’une balle dans le dos : ils tentaient de fuir vers un robinet d’eau courante, après avoir bu durant deux jours leur propre urine, recueillie sur un maillot de corps….

En arrivant à Beslan en avion, on s’arrête au mémorial. Aux tombes de marbre rose, où les parents déposent encore les jouets pour Noël… Où des enfants jouent avec les disparus et des mères pleurent encore aujourd’hui, inconsolables.

Les «bandits», comme les appellent les enfants, barbus et armés jusqu’aux dents, ont tiré dès le début. DES LE DEBUT. Ils sont arrivés par le coté de l’école qu’on n’a pas vu à la télévision, du coté de la voie ferrée.

«Au début on a cru à une mascarade pour fêter la rentrée», raconte le petit Rouslan. Il a pu fuir au moment de l’explosion finale pour s’évanouir dans les bras d’un «monsieur qui venait nous aider» et auquel il a eu le temps de demander «tu n’es pas un bandit ?». Il a eu plus de chance que sa sœur et sa maman. Leurs photos sont aujourd’hui sur les murs de l’école, transformée en sanctuaire.

«Mais très vite, on a compris», racontent les enfants. Les terroristes tirent d’abord en l’air, puis tuent un père, pour bien se faire comprendre. Ils font entrer tout le monde dans le gymnase. Plus d’un millier de personnes (1 128 exactement) tiennent là, assises serrées les unes contre les autres. «Si l’on se levait pour chercher des yeux les membres de notre famille, perdus dans la bousculade, on risquait de ne pas pouvoir se rasseoir», nous a raconté une grand-mère survivante.

Un homme tente de calmer la foule : il parle d’abord en russe puis en ossète : «calmez-vous, il ne nous arrivera rien». Le calme se fait peu à peu. «tu as fini ?», lui demande un des «bandits», celui qui commande et que les autres appellent «colonel», grand et costaud à la barbe noire foisonnante et au petit chapeau rond sur le crâne. «Oui», répond l’homme simplement. Avant de s’effondrer, tué à bout portant dans la tête par le «colonel». Devant tout le monde. Comme ça. Devant des mômes de deux ou trois ans, venus accompagner leurs grands frères ou sœurs de 6 ou 7 ans qui entraient en classe pour la première fois…

Des tués il y en a eu encore d’autres : 20 pères placés en boucliers humains et précipités, une fois assassinés par les preneurs d’otages du haut du premier étage devant les fenêtres du préau… Et puis le prof de maths, d’origine grecque qui s’est permis de protester parce que les enfants ne pouvaient pas boire… Et puis, ce qu’on sait moins, les deux femmes «chahiddin», toutes de tchador noir vêtues et bardées d’explosifs, que le colonel a fait exploser le premier soir. Peut-être car elles protestaient contre les tortures infligées aux enfants.

Beslan est sans doute l’acte terroriste le plus monstrueux qui a ouvert le XXIème siècle avec celui qui a visé les twin towers de New York.

Il est pourtant méconnu chez nous. Pire, il est parfois l’objet de polémiques et d’un terrible malentendu, au mieux indécent, au pire odieux !

On écrit encore aujourd’hui dans la presse française que,… je cite : «Beslan a fait 335 morts dont 186 enfants, à la suite de l’assaut des troupes russes». Passons sur le fait qu’on ne voit pas quelles autres troupes il pourrait y avoir, ce n’est pas l’essentiel.

L’essentiel c’est que les morts ne sont pas le fait d’un assaut supposé.

  • C’est le fait même de prendre plus d’un millier de personnes, dont une majorité d’enfants qui a provoqué un drame.

  • Les terroristes n’ont pas attendu le dénouement ou un éventuel assaut pour tuer des gens.

  • Selon les témoignages recueillis sur place, il n’y pas eu d’assaut organisé, comme ceux qui ont eu lieu à Entebbe, à Marseille ou à la Doubrovka à Moscou, par exemple. Il y a eu des affrontements, des tirs, puis des combats qui ont duré jusque tard dans la nuit (ce n’est jamais le cas quand il y a une intervention de troupes d’élite) et surtout un incroyable capharnaüm…

  • Il y a eu une explosion, puis deux autres. Puis des enfants qui ont tenté de fuir vers les robinets d’eau et des hommes en armes, civils et militaires qui se sont précipités pour les aider et affronter les terroristes qui tiraient sur les enfants.

Avec Falavigna, nous avons été à Beslan. On a interrogé les enfants, les parents, les voisins. J’ai moi-même demandé aux journalistes locaux qui ont couvert l’événement. Ils sont unanimes : les autorités locales ont été dépassées. Quand l’explosion s’est produite, l’état major a été surpris. Les hommes en armes qui se sont lancés vers l’école, l’ont fait sans même revêtir leur gilet pare-balles… Près d’une quinzaine sont morts. Aucun à la Doubrovka…

Alors pourquoi ce «background» répétitif et faux ? Le président ossète actuel Taimouraz Mansourov, qui a eu deux enfants blessés dans la prise d’otages, nous a dit qu’on «transforme ainsi les victimes en coupables».

Bien sûr que Beslan visait à aviver les rivalités et les haines ethniques et religieuses, existant dans le Caucase et à mettre la région à feu et à sang. C’est maintenant évité.

Mais doit-on continuer à jouer ici en France la rhétorique de la guerre froide ? En ces temps de guerre intense de l’information et de diabolisation de la Russie, n’est-on pas en train de se tromper d’ennemi? Le califat islamiste ne paraît être très reconnaissant pour ce traitement à géométrie variable.

Tout cela au lieu de répondre au désir d’Europe de nos concitoyens Alains-Ossètes et Russes en leur manifestant, par notre solidarité, un message de partage de nos valeurs communes de culture, de tolérance et de démocratie ?

Dimitri de Kochko – 3 sept 2014

Ecouter le témoignage du docteur Rochal 

Documentaire sur le voyage à Beslan en 2008 :  https://youtu.be/aVL3gIxfiUY

Association Solidarité-Enfants de Beslan

Les archives de Beslan, qui contient de très nombreux documents

Sur le Docteur Rochal : http://www.ambafrance-ru.org/Le-Professeur-Leonid-Rochal-a-ete

Sur l’implication de services étrangers dans l’affaire de Beslan : http://arretsurinfo.ch/et-si-poutine-dit-la-verite/