Russophobie à la polonaise (florilège) à nos frais

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  • jeudi septembre 26, 2019
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Russophobie à la polonaise (florilège) à nos frais

Photo RIA

Entretien commenté avec Romuald Szeremietiew, ancien ministre polonais de la Défense

 

Un entretien avec un ancien ministre de la Défense polonais, publié par l’hebdomadaire polonais « Tygodnik Solidarność » le 16 septembre 2019 constitue un bel exemple de russophobie, où se mêlent vieux démons et imagination débordante. Publié dans Tygodnik Solidarność (Pologne) c’est intitulé “Les alliés ont intérêt à defendre la Pologne”, ce qui ne manque pas de culot pour un pays qui reçoit sans cesse pour ses menées agressives anti-russe à coup d’achats de matériels américains (et non français ou européen) et se conduire en tête de pont des intérêts de l'”etat le plus profond” d’outre Atlantique au dépend des intérêts de l’Europe (cf. les achats d’avions et d’hélicoptères mais aussi les contrats gaziers et les sabotages tentés contre le gazoduc du nord). Nous commentons ce florilège de russophobie paragraphe par paragraphe;

Tygodnik 16.09.2019
(Paweł Pietkun)

Solidarność: L’échange récent de prisonniers entre l’Ukraine et la Russie semble indiquer que les relations entre les deux pays s’améliorent, même s’ils sont encore en guerre. Tout d’abord, cet événement oeuvre à améliorer l’image de Moscou. D’autre part, la Russie organise régulièrement des exercices militaires de grande envergure depuis plusieurs années. Les Russes se préparent – ils à une grande guerre?

Stop Russophobie :

La Russie et l’Ukraine ne sont pas “en guerre”, pour la bonne raison que ni l’un ni l’autre de ces deux Etats n’a déclaré la guerre à l’autre. Par ailleurs, qu’y a-t-il d’extraordinaire à ce qu’un Etat souverain, quel qu’il soit, décide d’organiser des manoeuvres militaires sur SON territoire? Et l’on peut parfaitement concevoir que la Russie s’inquiète, face à l’extension de l’OTAN en Europe orientale et aux propos de plus en plus agressifs des pays qui en sont membres et ont une frontière avec elle, comme la Pologne et les républiques baltes.

Romuald Szeremietiew: j’ai déjà dit plusieurs fois que la Russie était un agresseur patient. Elle a été l’agresseur, le reste et mènera une telle politique à l’avenir, son désir d’attaquer est un facteur constant. Le Kremlin espérait sûrement que les structures de l’Etat s’effondreraient en Ukraine, tout comme le pouvoir. Heureusement, les Ukrainiens ont montré qu’il n’en serait rien; que, malgré les difficultés, leur pays est capable de résister, de rester uni et assez fort pour que cela soit désavantageux pour les Russes. Il ne faut pas, cependant, oublier que la guerre qui couve en Ukraine peut à tout moment se transformer en un conflit ouvert, après quoi cet Etat cessera d’exister. En même temps, elle sait sans aucun doute être patiente et rester modérée dans tous les domaines qui comptent le plus pour elle. Je parle de l’action militaire, mais aussi du domaine politique et de la propagande. Les exercices intensifs des forces armées russes peuvent indiquer qu’elles se préparent à la guerre, mais la Russie n’a pas encore eu l’occasion de la déclencher. C’est pourquoi elle n’a pas envahi l’Ukraine. Du point de vue russe, il n’y a pas encore de conditions appropriées, avant tout politiques pour s’emparer de l’Etat ukrainien.

Stop Russophobie :

C’est très exactement le contraire: la doctrine militaire russe est strictement defensive. Ensuite, c’est un peu vite oublier que le 1er juillet 1991 – le mur de Berlin est tombé en 1989 – le Pacte de Varsovie a été dissous, que toutes troupes et tout le materiel militaire, y compris les missiles, ont été rapatriés en Russie. L’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, elle, perdure, et ses responsables, qui avaient juré-promis de ne pas étendre l’organisation à l’Est, se sont empressé de le faire. La Pologne, entre autres, y est admise en 1999. Qui est l’agresseur ? 

A propos de “patience, de moderation et de propagande” des Russes, tapis, prêts à bondir, semble laisser penser M. Szeremetiew, opposons ces mêmes “qualités” appliquées aux USA, lesquels, dans le cadre d’une propagande active, insistant sur les dangers que représentent certains pays pour la sécurité des USA et du monde, avaient fortement envisagé récemment une intervention au… Vénézuéla, qui n’a pourtant aucune frontière commune avec eux, et se montrent actuellement très agressifs contre l’Iran. Ils ont unilatéralement dénoncé les accords sur le nucléaire iranien, et résilié, tout aussi unilatéralement, le traité conclu avec la Russie sur les missiles à moyenne et courte portée en Europe. Quel beau respect des engagements internationaux ! De plus, tout comme avec la Russie, ces mesures anti-iraniennes en violation de l’accord conclu, porte atteint à nos intérêts français : Total et Peugeot se sont retirés…

Quant à l’Ukraine, rappelons qu’il n’y pas d’armée russe en Ukraine, comme l’ont précisé à plusieurs reprises les représentants de l’OSCE dans l’Est de ce pays. Il est fort curieux que les propos de M. Szeremetiew sur les “conditions appropriées, avant tout politiques” en Ukraine soient tenus précisément après l’élection du nouveau president ukrainien Zelenski, alors qu’il semble y avoir un changement de ton en faveur d’une solution de cette épineuse question. Notamment avec l’annonce d’un prochain sommet du quartet de Normandie. Peut-être qu’enfin la sagesse conduira à des “conditions appropriées” pour un règlement en Ukraine. Mais cela conviendra-t-il à Washington et à Varsovie?

M. Szeremetiew aurait-il oublié ce qu’ont fait les “garants” d’un processus démocratique en Ukraine en février 2014, à savoir la France, l’Allemagne et Ô, surprise ! la Pologne ? Ils ont, certes, négocié avec les protagonistes – le président Ianoukovitch et l’opposition ukrainienne – mais une fois Ianoukovitch renversé, ils ont gardé un silence assourdissant. Les « conditions appropriées, avant tout politiques » n’étaient sans doute pas réunies, selon Romuald Szeremietiew, pour éviter le bain de sang qui a suivi et qui perdure depuis cinq ans ?


De plus, accuser ou soupçonner la Russie de “s’emparer de l’Etat ukrainien”, c’est pour le moins méconnaître l’histoire et une toute simple réalité économique : la Russie ne souhaite sans doute pas et n’a pas forcèment les moyens de remettre en marche un grand pays pillé et ruiné.

 

T.S. La Russie mène sa politique historique, cherchant à changer l’image du début de la Seconde Guerre mondiale, à effacer de la mémoire l’attaque soviétique contre les pays baltes et la Pologne. Ces mesures de propagande semblent tout à fait couronnées de succès.

R.S. : Elle essaie vraiment de mener une telle politique, mais elle n’y parviendra pas, car la vérité est évidente. Le mensonge doit inclure au moins quelques éléments de vérité, et ce que dit la Russie n’a tout simplement rien à voir avec la réalité. Au maximum, ce qu’elle aurait pu faire, c’est passer sous silence le sujet du début de la guerre. Peut-être que les Russes auraient eu davantage de succès, n’était la Pologne, gardienne de la vérité, menant sa politique historique, et en même temps ne dépendant pas de Moscou, comme avant, quand nous faisions partie du bloc de l’Est. Déformer l’histoire, cacher les faits est impossible; dans ce domaine, les Russes n’ont aucune chance.

Stop Russophobie :

Nous laisserons aux historiens le soin de nous éclairer sur ce qui s’est passé en septembre 1939, après l’invasion de la Pologne par Hitler. Pour l’heure, soulignons cette assertion: la Pologne est “gardienne de la vérité”. Raison pour laquelle, sans doute, elle n’a pas, le 1er septembre dernier, invité la Russie, qui l’a libérée, aux commémorations du début de la Seconde Guerre mondiale. Par souci d’indépendance? Voire! Quand on est membre de l’OTAN, c’est bien difficile à croire. Comme d’habitude, la confusion “soviétique” et Russe est exploitée avec toute la mauvaise foi purement russophobe coutumière.

T.S.: Quand nous faisions partie du bloc de l’Est, nous ne pouvions pas mener notre politique, et maintenant il est clairement évident que la Russie voudrait faire revivre l’Empire de l’époque de l’Union soviétique dans les limites du milieu du XXe siècle. Est-elle capable de le faire?

Stop Russophobie :

Admirons la finesse sémantique, véritable bijou de propagande anti-russe: faire revivre l’Empire soviétique dans ses limites du milieu du XXème siècle. Autrement dit, faire très exactement le contraire de ce qu’a fait Gorbatchev en laissant, à commencer par la chute du mur de Berlin et la réunification de l’Allemagne, le libre choix de leur politique intérieure et internationale aux anciens pays socialistes d’Europe centrale et orientale. Point n’est besoin de souligner tout le ridicule qu’il y aurait à imaginer une “reconstitution” de “l’Empire soviétique”, avec réintégration de toutes les ex-républiques soviétiques, y compris l’Ukraine, les pays baltes, la Géorgie, etc., résurgence du COMECON et du Pacte de Varsovie. Et pourquoi pas imaginer une reconstitution des empires coloniaux français et britannique ? Intéressant comme jeu de l’esprit.

R.S.: Bien sûr, elle l’aurait vraiment aimé, alors elle invente différents projets géopolitiques et promeut des idées sur la création d’une communauté eurasiatique unique, de Vladivostok à Lisbonne. Dans cette communauté, elle veut jouer un rôle dominant, avec le soutien de l’Allemagne et, dans une moindre mesure, de la France. Le Kremlin continue de chercher des alliés pour ce projet, et la situation aurait été beaucoup plus sérieuse, si ce n’étaient la Pologne, ainsi que les pays d’Europe orientale et centrale, qui s’opposent à cette perspective et empêchent Moscou de réaliser son rêve

Stop Russophobie :

L’idée d’une “communauté” de Lisbonne à Vladivostok n’appartient pas à la Russie. C’est une surenchère – intéressante, certes – après la fameuse phrase sur l’Europe “de l’Atlantique à l’Oural” lancée par le général De Gaulle, qui avait une vision très pragmatique de l’Europe, dans le dessein non pas de continuer à isoler, mais au contraire, de donner sa place à la Russie dans le concert européen. Il est plutôt sage que le président français E.Macron soutienne cette idée, tout comme celle d’une réintegration de la Russie au club des grandes nations, pour refaire un G8, voire plus. Voilà qui serait certainement une garantie solide, pour la Pologne, qu’il n’y aura pas de retour à “l’Empire soviétique”.

Par contre, l’ostracisme dont, en Europe occidentale et outre-atlantique, on continue de frapper la Russie, pousse évidemment cette dernière à rechercher des alliances dans différents domaines. D’où le BRICS, l’Union économique eurasiatique, l’Organisation de coopération de Shangaï, ou encore l’Organisation du Traité de Sécurité collective, une alliance réunissant six pays de l’ancienne URSS et dont l’objet est la garantie, s’il le faut par des moyens militaires, de la sécurité des pays membres contre tout agresseur potentiel, notamment le terrorisme international. A défaut de coopération avec l’Europe occidentale, la Russie entre dans des alliances économiques avec d’autres pays puissants, notamment en Asie comme la Chine et l’Inde. Que l’Europe, et notamment la Pologne, rempart (sourires !), avec d’autres pays d’Europe centrale et orientale contre une reconstitution de l’Empire soviétique, y soit perdante ne semble pas beaucoup préoccuper Romuald Szeremietiew, qui persiste et signe.

Si l’armée américaine, dit-il, quitte l’Europe, la Pologne et les pays baltes se retrouveront dans une situation très difficile: nous serons entre deux alliés, dont l’un planifie une expansion à laquelle nous sommes une entrave.

Stop Russophobie :

Qu’un ex-ministre, de la Défense par surcroît, tienne de tels propos dépasse l’entendement. Une “entrave” à quelle “expansion”? Encore une fois, c’est bien l’OTAN qui poursuit son expansion vers l’Est, allant même – du moins est-ce ce que souhaite cette organisation, belliqueuse s’il en est – vouloir s’étendre jusqu’à la Géorgie. Nous ne citons plus l’Ukraine, qui rêve d’en être membre. Jusqu’où les généraux américains et leurs affidés vont-ils aller?

T.S.: La Pologne et les pays baltes sont-ils prêts à une éventuelle guerre avec la Russie? Pouvons-nous compter sur l’aide des alliés?

R.S.: Nous ne sommes pas prêts pour la guerre, mais, heureusement, les circonstances ne sont pas en faveur du fait que la Russie se décide à la déclencher. Il faut cependant dire clairement que l’avantage des forces militaires n’est pas de notre côté, nous devons donc compter sur des alliances. A quel point sont-elles fiables? Comme nous l’avons vu plus d’une fois dans le passé, on ne peut le savoir que dans des situations de crise. Nous sommes membres de l’OTAN, il y a aussi des Américains qui renforcent notre position, et c’est une très bonne chose. La question est de savoir dans quelle mesure nos alliés ont intérêt à protéger la Pologne, pour qu’elle puisse continuer d’exister. Pour les Américains, notre pays est heureusement très important. Tant que les troupes américaines sont ici, nous pouvons espérer que la Russie ne frappera pas dans cette direction. Cependant, elle n’abandonnera pas ses projets de grande puissance.

Stop Russophobie :

Pas prête pour la guerre? La Pologne s’y prépare. Du moins est-ce le sens d’un article paru dans la revue américaine “National Interest” du 14 septembre 2019, sous le titre Not Just F-35s: Poland Has Big Plans to Prepare for a War with Russia.* Sous la plume de Sebastien Roblin, qui a interviewé un analyste polonais des affaires militaires, Krzystof Kuska, on peut lire, entre autres, ceci :
« In September 2019, the State Department approved a $6.5 billion deal to sell Poland thirty-two F-35A Lightning II stealth jets, as well as training and maintenance packages. The deal awaits only likely congressional approval.»… «Warsaw has increased military spending substantially to 2.1 percent of Gross Domestic Product in 2019»..; «Warsaw’s current Technical Modernization Plan projects a €43.2 billion in spending from 2017-2026, by the end of which 39 percent of which will be directed at procuring new systems».

Krzystof Kuska détaille dans cet interview toutes les faiblesses actuelles de l’armée polonaise, et justifie par là-même toutes les dépenses militaires considérables engagées pour se «préparer à la guerre contre la Russie».

Dans le même esprit, mais de façon plus nuancée, s’exprime Tomasz Szatkowski, représentant spécial de la Pologne auprès de l’OTAN, qui s’exprime dans Fox News du 20.09.2019 «Nous sommes proaméricains. Nous comprenons la nécessité de partager le fardeau des dépenses (militaires s’entend, comme est venu le demander Pence, le vice-président américain le 1er septembre à Varsovie), ce qui fait de nous un bon partenaire des USA. De mon point de vue, et nous et les USA avons intérêt à une garantie de la sécurité, dit-il. Il n’y a pas de meilleur instrument pour contenir la conduite agressive de la Russie et son sérieux potentiel militaire. Cela ne signifie aucunement que nous cherchons à provoquer la Russie. Il n’en est rien. Nous parlons d’une politique responsable».

Le lecteur sera juge du degré de «responsabilité» dont font preuve les Polonais. Malheureusement, ils ne sont pas les seuls à raisonner ainsi. Il est vrai que leur «raison» leur est dictée outre-atlantique. Moins «dépendants» que lorsqu’ils étaient membres du Traité de Varsovie, disent-ils ? A rappeler aussi que la Pologne est abondamment aidée par de l’argent de l’Union européenne que nous Français payons – puisque nous payons beaucoup plus que nous ne recevons – et tout celà pour permettre aux Polonais d’acheter des avions et du matériel américain et non français ou européen ! Le calcul de tout donner aux Américains du nord les plus agressifs n’est pas forcèment le bon pour la Pologne aussi : les bases de missiles installés en Pologne contre la Russie seront parmi les premières détruites si l’OTAN déclenche la guerre contre la Russie.

 


* https://nationalinterest.org/blog/buzz/not-just-f-35s-poland-has-big-plans-prepare-war-russia-80586