Schisme russophobe américano-kiévien dans le monde orthodoxe

  • stoprussophobie redaction
  • mardi octobre 9, 2018
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Schisme russophobe américano-kiévien dans le monde orthodoxe

Photo Itar-Tass :
Les patrarches Bartholomée de Constantinople et Kirill de Moscou et toutes les Russies

L’arme américaine contre le monde russe : un schisme de l’Orthodoxie

Ce n’est pas pour rien que Sbignew Brezinski, artisan majeur de la politique étrangère de Washington, avait déclaré que l’Orthodoxie était le pire ennemi des Etats-Unis.0 Bien sûr il faut entendre par là : Contre les plans géostratégiques des Etats-Unis. C’est donc, selon les stratèges américains, cette Orthodoxie qu’il faut absolument diviser pour mieux l’abattre.

Au delà des aspects religieux et canoniques de ce schisme, la question pour nous en France est d’être informés des exactions et vols dont ne manqueront pas d’être victimes les croyants orthodoxes d’Ukraine fidèles à leur église canonique. Cette atteinte à leur liberté religieuse a peu de chances d’être rapportée dans notre presse qui en d’autres lieux ne manquerait pas de s’indigner. Car enfin l’application d’un principe de laïcité qui prévoit une stricte séparation des cultes et de l’Etat (abondamment violé par Parachenko et les officiels américains) doit laisser libres les croyants de choisir l’obédience religieuse de leur choix et leur garantir le libre accès à leur lieu de culte et inviolabilité de ces derniers. C’est cela qui est remis en cause par l’opération kievo-américaine par pure russophobie.

Le contexte

Alors que la guerre civile ukrainienne démarrée en 2014 suite au coup d’État de la place Maïdan 1 continue de faire des victimes en dépit des accords de Minsk et du gel tout relatif des conflits armés, il ne faut pas oublier que la division au sein du peuple joue déjà sur plusieurs aspects. Pour le comprendre il est nécessaire d’expliquer le contexte religieux :

Alors que 78% d’Ukrainiens se déclarent croyants et que plus de 67% d’entre eux sont Orthodoxes, pour moins de 10% d’Uniates (appelés souvent « gréco-catholiques », essentiellement à l’ouest du pays), les orthodoxes apparaissent divisés, bien que cette division se concrétise par une répartition très inégale (sondage effectué en novembre 2010):

– L’Église Orthodoxe Ukrainienne (EOU) canonique (c’est à dire reconnue par l’ensemble des autres patriarcats) administrée par le métropolite Anouphre, et rattachée depuis 1686 (peu après le rattachement de l’Ukraine à sa demande à l’empire russe) au Patriarcat de Moscou, comme c’est très souvent l’usage dans l’Orthodoxie entre les grandes églises mères et les églises locales. Cette église regroupe environ 80% des fidèles orthodoxes en Ukraine. Une célébration du millénaire du “baptême de la Russie” au printemps 2018 l’a amplement démontré par la participation massive de centaines de milliers de fidèles

– Le pseudo-Patriarcat de Kiev, aucunement reconnu par le plérôme de l’Orthodoxie, fondé très récemment après la chute de l’URSS en 1992 par Philarète (Denisenko), ancien métropolite de Kiev de l’Église du patriarcat de Moscou. Les raisons réelles de ce schisme étaient plutôt liées à un mécontentement personnel. Philarète est une personnalité contestée, ancien agent du KGB au sein de l’église, il n’a pas été élu Patriarche de toutes les Russies grâce à la Perestroïka et aussi car il a été accusé par ses pairs de malversations, d’abus de biens et d’entretenir une famille, alors qu’un prêtre du clergé “noir” est soumis aux règles monacales. Il n’a pas non plus été choisi comme métropolite de l’EOU. On ne s’étonnera pas que ce mouvement affichant ouvertement sa sympathie pour les initiatives guerrières et ultranationalistes2 bénéficie, même déjà depuis l’origine, du soutien des autorités de Kiev. Elle est nettement minoritaire mais bénéficie de l’appui et des exactions de commandos ultra pour s’emparer de force des églises de l’EOU.

– La troisième, appelée l’Église ukrainienne autocéphale (EUA), est très minoritaire et se trouve aussi essentiellement à l’ouest du pays. Elle n’est pas canonique non plus, mais elle a des liens privilégiés avec les Églises ukrainiennes du Canada et des États Unis, qui dépendent du patriarcat de Constantinople, lequel est actuellement situé à Istanbul, administré par le patriarche Bartholomée et dont dépendent de nombreux exarchats orthodoxes en Europe Occidentale et en Amérique du Nord mais qui n’a que deux ou trois mille paroissiens en Turquie.

En 2008, le président alors en exercice en Ukraine Viktor Youchtchenko avait déjà prié en public le patriarche Bartholomée d’octroyer l’indépendance à l’Eglise d’Ukraine mais le patriarche avait répondu que tant que la scission déjà existante ne serait pas surmontée il n’était pas question de le faire. Dans sa réponse le président ukrainien avait précisé que l’Etat n’avait pas à s’ingérer dans les affaires de l’Eglise. Sage parole, apparemment, sous réserve qu’elle soit sincère…

Le coup d’état de 2014, dont est issu plus ou moins directement le pouvoir de Petro Porochenko, a exacerbé les tensions entre ces communautés et modifié leur rapport de force : Même si c’est bien toujours l’Église canonique (EOU) que suivent 80% des paroisses, des prêtres et des fidèles orthodoxes, des pressions et des exactions contre ces paroisses ont régulièrement lieu, avec l’approbation explicite de Denisenko et l’approbation implicite des autorités : Déjà plus de 50 églises ont été « saisies » suites à des raids violents depuis 2014 3 3. Et la menace pèse de plus en plus sur un assaut contre le célèbre monastère de la Laure des Grottes de Kiev, ainsi que d’autres monastères. En avril 2016 l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) s’était penchée sur les persécutions subies par l’Eglise orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Moscou. Durant cette période, ont été enregistrées plus de 120 attaques, dont 36 contre des églises du Patriarcat de Moscou, 13 incendies volontaires d’églises et 13 agressions contre des ecclésiastiques de la part des radicaux. L’église canonique du patriarcat de Moscou compte quelque 12.000 églises et monastères en Ukraine. Contre 5.000 à l’église de Denisenko et un millier pour celle de Constantinople. Compte tenu des exactions et violences à prévoir après la proclamation de “l’autocéphalie”, on peut estimer que le schisme voulu par les autorités et une certaine oligarchie au pouvoir à Kiev a aussi un enjeu foncier non négligeable. Porochenko, en perte de vitesse dans les sondages (les élections ukrainiennes se tiendront en mars 2019) n’hésite pas à qualifier l’église canonique de «menace directe à la sécurité nationale».

Les événements récents qui relancent les tensions

En avril dernier, Porochenko lui-même et les deux Églises non canoniques se sont tournés vers le patriarche de Constantinople Bartholomée, qui jouit d’une primauté d’honneur dans l’orthodoxie mondiale du fait de l’histoire, pour lui demander d’unifier sous son autorité l’ensemble les Églises du pays en une Église canonique et « autocéphale », c’est-à-dire indépendante. Déjà, sur le principe de la pure logique, on ignore comment Porochenko entend unifier de force une église et des pseudo-églises qui ne sont pas du tout en bons termes, tout en séparant l’église originelle de son église mère (le patriarcat de Moscou). Même avec l’armée ou avec des camps de rééducation, le succès est peu probable. Les orthodoxes russes et ukrainienes ont déjà subi la chose sous le régime soviétique… Porochenko se sentant investi d’une telle mission aurait peut-être plus de chances en fondant sa propre église, qui sait…

Mais on devine plus sérieusement que la manœuvre ne pourrait se faire qu’en deux temps : Unir d’abord les schismatiques minoritaires pour en faire une église nationale par la volonté du prince, puis saisir par la violence toutes les églises appartenant à l’église historique majoritaire, de sorte à ce que ses paroissiens en soient réduits à la clandestinité. Un vrai plan de combattant pour la liberté !

Or, en se réfèrant à ce qu’avait déclaré en mai 2010 le patriarche Bartholomée au cours d’un déjeuner au Palais Constantin, dans les environs de Saint Pétersbourg (Strelna), nous aurions pu être pleins d’espoir quant à la réponse de Constantinople. En effet, en réponse à la question suivante de la chaîne « Rossya 24 » : Que souhaiteriez-vous dire à ceux qui en Ukraine restent dans l’hésitation ? Ces derniers temps de nombreux paroissiens schismatiques reviennent au patriarcat de Moscou ? », Bartholomée avait affirmé : « J’ai aujourd’hui, au cours de ce repas, dit au métropolite Vladimir ( A l’époque ce n’était pas encore Anouphre), primat de l’Eglise d’Ukraine, patriarcat de Moscou, qu’il aura sans doute la grâce de voir ce problème résolu de son vivant. Je voudrai que ce schisme prenne fin. Qu’ils n’hésitent pas et rejoignent l’Eglise canonique d’ Ukraine qui est la nef de notre salut !».

Seulement voilà : Contre toute attente, et après une entrevue toute récente avec le patriarche Cyrille de Moscou, le Concile épiscopal du patriarcat de Constantinople, réuni les 2 et 3 septembre 2018, décide que « Constantinople peut accorder une autonomie ou l’autocéphalie à une Église qui l’a demandé sans aucun consentement des autres Églises orthodoxes ». Et cette affirmation est explicitement prononcée à l’adresse des protagonistes ukrainiens. Cette déclaration qui pourrait, pour certains, se justifier théoriquement en ayant recours à des spécialistes minutieux en droit canonique, relève d’une façon de procéder totalement inhabituelle et choquante. Nous n’aborderons pas cette vaste discussion qui n’intéresserait pas les lecteurs. Il est en revanche facile de voir que dans le contexte précédemment décrit, cette déclaration est ressentie comme une ingérence autoritaire des plus malvenues, à visée totalement politique et destructrice. Bref, nombreux sont ceux qui interprètent cela comme on interprèterait une déclaration de guerre, tant cela cautionne une persécution religieuse planifiée ! C’est aussi le risque d’un schisme aux conséquences aussi désastreuses que celui d’il y a mille ans.

Le cheminement vers ce retournement inattendu

Qu’il s’agisse de menaces, de pressions, de négociations, ou tout simplement d’échanges de bons procédés, nous ne saurons peut-être jamais ce qui a amené Constantinople à intervenir de la sorte. Mais on ne peut pas dire que les événements ayant précédé n’étaient dus qu’au hasard :

En 2016 le président Porochenko se trouvait en Turquie pour une visite officielle de deux jours. Le président ukrainien avait évoqué, le 10 mars 2016, avec le patriarche de Constantinople Bartholomée, la création d’une Église orthodoxe locale d’Ukraine. Le service de presse de Porochenko avait alors fait allusion à une discussion sur la création en Ukraine « d’une seule Église orthodoxe locale ». On serait déjà en droit de se questionner : De quoi se mêle Porochenko ? Est-il un ecclésiastique ?

Mais la suite est encore plus incroyable. On pourrait croire à une mauvaise histoire de complot inventée par les détracteurs invétérés des USA, mais les faits sont tout à fait officiels : Philarète (Denisenko) s’est quant à lui rendu aux États-Unis le 14 septembre 2018. Il a été reçu au département d’État avec deux exarques (envoyés spéciaux) de Bartholomée qui venaient de rencontrer Petro Porochenko à Kiev ! L’ancien vice-président américain Joe Biden, a rencontré le 18 septembre 2018 aux Etats-Unis le « patriarche » schismatique. 5 Toujours investi d’une mission exceptionaliste comme il en a l’habitude, Biden a exprimé à cette occasion son soutien à la création d’une Eglise autocéphale en Ukraine. Que penseriez vous à propos d’une initiative de quelques hommes politiques russes pour aller réorganiser le protestantisme aux Etats-Unis ? Il y a sûrement trop de protestants pas assez sages, là-bas !

Selon le communiqué de presse du pseudo-« patriarcat de Kiev » de Denisenko, Joe Biden a souligné l’importance d’une Eglise ukrainienne autocéphale unie « pour affermir la souveraineté ukrainienne ». Il a en outre exprimé à Philarète sa gratitude pour son œuvre de « propagation de la spiritualité dans la société ukrainienne, pour son aide à l’armée ukrainienne et son combat contre la corruption… »6. Bref, un métier ecclésiastique très polyvalent ! Philarète a également été reçu à cette occasion au Département d’Etat américain. N’en jetez plus, la cour est pleine. Et comme nous avons l’habitude de la langue de bois qui emballe les déclarations de guerre emballées dans un papier fleuri : « Le Département d’Etat des Etats-Unis annonce son soutien à l’autocéphalie de l’Eglise d’Ukraine: les USA estiment que la patriarche Bartholomé est un partisan de la tolérance et du dialogue et se prononcent pour l’autocéphalie ». Mais qui a demandé aux USA de se prononcer ? En quoi même leur avis nous intéresse à ce sujet ? Ne reculant devant aucun culot, le Département d’Etat ajoute ensuite qu’il se prononce résolument pour la liberté des conscience et contre toute ingérence gouvernementale. Que serait-ce donc s’il y avait ingérence, n’est-ce pas ?

La manœuvre de Constantinople semble toutefois ambiguë au départ: Soumis à une très forte pression nord-américaine pour, selon ces derniers, « libérer l’Église ukrainienne de la main mise russe », Bartholomée n’accorde toutefois pas la véritable autocéphalie aux juridictions schismatiques mais va susciter la formation d’une nouvelle entité sous son obédience directe. Désigner deux exarques avec des profils si particuliers – Mgr Daniel de Pamphilon des États-Unis et Mgr Hilarion d’Edmonton du Canada – pour concrétiser un exarchat du patriarcat de Constantinople à Kiev est un signal on ne peut plus mauvais envoyé à la seule église canonique d’Ukraine et au Patriarcat de Moscou. C’est à un point tel qu’on se demande si Bartholomée lui-même est convaincu du projet qui lui a été commandé, tant la ficelle est grosse et la provocation est grande !

Dégradation générale, le plan se déroule ?

Depuis le mois de mai 2018, Bartholomée ne délivre plus de visas aux prêtres orthodoxes du patriarcat de Moscou désirant se rendre au Mont Athos en Grèce.7 Une méfiance qui semble bien exagérée quand on voit qu’en revanche, le 31 juillet 2018, Bartholomée avait signé une déclaration commune avec les chefs des religions minoritaires en Turquie pour assurer que les religions s’y épanouissent sans aucun problème. Le confessionnalisme semble être à géométrie variable.

Quant à la virulente et légitime réaction du métropolite Anouphre, celle-ci est balayée d’un revers de la main par l’Archevêque Job de Telmessos, représentant du patriarcat de Constantinople (lequel avait, durant un temps très court, laissé de mauvais souvenirs dans les paroisses orthodoxes françaises à d’autres sujets). 8L‘argument en réponse est : “la méchante Moscou” ne veut pas lâcher l’EOU et s’oppose à l’octroi de l’autocéphalie par Constantinople. L’EOU n’est pas, dans le cadre des relations inter-ecclésiales une entité autonome habilitée à conduire des négociations. Bref, l’EOU doit se taire car elle dépend de Moscou, mais comme elle dépend de Moscou on va changer tout ça !

Mais enfin, le jeudi 27 septembre, coup de tonnerre final : Recevant au Phanar le métropolite Chrysostome de Patras, le patriarche Bartholomée a évoqué cette fois clairement ” le droit et le devoir ” du « patriarcat œcuménique » (Constantinople) de proclamer l’autocéphalie pour l’Église d’Ukraine. (On ne sait toujours pas de quoi sera clairement constituée cette église). Il déclare ainsi : «… je suis certain que quand notre patriarcat procédera à l’octroi de l’autocéphalie, tous intégreront la nouvelle Église autocéphale de leur patrie… ». Quand on sait à quel point il est de bon ton chez les propagandistes anti-Moscou de reprocher à l’Église russe d’être trop nationale et politique, on en reste bouche-bée. Bartholomée conclut par : « J’ai été la cible de beaucoup, mais j’ai la conscience tranquille »9.

Alors espérons qu’il sait ce qu’il fait, à l’heure où cette prise de position officielle peut légitimer vis-à-vis de Kiev la saisie par l’armée des églises et monastères de l’église historique, ce qui ne peut qu’engendrer une résistance acharnée d’une bonne partie de la population, relançant de plus belle la guerre civile sur tout le territoire. Il y en a, en tout cas, outre atlantique, qui savent très bien ce qu’ils font, n’en éprouvent aucune honte, ne le cachent même plus, et continueront de plus belle, quel que soit le figurant mis officiellement au pouvoir aux USA. Le tout est de savoir jusqu’à quand ils seront suivis par ceux qu’ils exploitent pour servir leurs plans.

 

Au delà des aspects religieux et canoniques de ce schisme, la question pour nous en France est d’être informés des exactions et vols dont ne manqueront pas d’être victimes les croyants orthodoxes d’Ukraine fidèles à leur église canonique. Cette atteinte à leur liberté religieuse a peu de chances d’être rapportée dans notre presse qui en d’autres lieux ne manquerait pas de s’indigner. Car enfin l’application d’un principe de laïcité qui prévoit une stricte séparation des cultes et de l’Etat (abondamment violé par Parachenko et les officiels américains) doit laisser libres les croyants de choisir l’obédience religieuse de leur choix et leur garantir le libre accès à leur lieu de culte. C’est celà qui est remis en cause par l’opération kievo-américaine par pure russophobie.

0 http://www.archiveseroe.eu/brzezinski-a48359292

 

1https://www.youtube.com/playlist?list=PL1fQfU9jb9Uz66X5ThA5upF_FJxoEmqYP Maïdan et le putsch, une longue histoireet/ou articles « Stop Russophobie »

 

2https://www.youtube.com/watch?v=SKUY-O95J_E&feature=youtu.be&t=2m12s Philarète, militaire à mi-temps ?

 

3https://www.youtube.com/watch?v=e–rWBp1KUg Eglise prise d’assaut (un exemple parmi d’autres)

 

5https://www.cerkva.info/posts/predstoiatel-kyivskoho-patriarkhatu-zustrivsia-z-amerykanskym-politykom-dzhozefom-baidenom

 

6https://orthodoxie.com/lancien-vice-president-americain-joe-biden-a-rencontre-le-patriarche-philarete-et-a-exprime-son-soutien-a-la-creation-dune-eglise-orthodoxe-autocephale-en-ukraine/

 

7https://www.bbc.com/russian/news-45116043

 

8https://censor.net.ua/news/3086146/pretenzii_rpts_na_glavenstvo_v_ukrainskih_religioznyh_voprosah_yavlyayutsya_bespochvennymi_a_vse_ugrozy

 

9https://orthodoxie.com/le-patriarche-oecumenique-nombreux-sont-ceux-qui-me-prennent-pour-cible-mais-jai-la-conscience-tranquille/

 

Voici un article complémentaire sur le sujet :

Washington prêt à soutenir un schisme au sein de l’Église orthodoxe

Le nouvel ambassadeur des États-Unis à Athènes, Geoffrey R. Pyatt, qui organisa avec Victoria Nuland le coup d’État à Kiev en 2014 [1 <http://www.voltairenet.org/article203100.html#nb1> ], se consacre désormais à la création d’une Église orthodoxe indépendante en Ukraine.

L’Église orthodoxe est aujourd’hui organisée en sept patriarcats autocéphales, dont celui de Constantinople est, pour des raisons de primauté historique, considéré comme le « premier parmi les égaux ». Le patriarche œcuménique de Constantinople, Bartholomée Ier, n’a pratiquement pas de fidèles en Turquie depuis la fuite des Grecs du pays dans les années 1950. Il y a moins de 3 000 orthodoxes en Turquie et seuls des citoyens turcs peuvent occuper, selon la loi turque, des fonctions au sein de cette Eglise. Cette Eglise est d’autant plus moribonde qu’elle ne peut plus recruter de popes à cause de la fermeture par les autorités turques de son unique séminaire depuis plusieurs décennies. Le clergé y est donc vieillissant et ne pourra pas être remplacé. Mais cette Eglise veille sur toute la diaspora grecque dans le monde ainsi que sur d’autres communautés orthodoxes émigrées et en ruptures avec les Eglises de leur pays d’origine. L’Eglise de Grèce de son côté est autocéphale et donc indépendante de Constantinople. Le partiarche de Moscou, Cyrille Ier, s’occupe de l’ensemble des orthodoxes au sein des trois peuples de l’ancienne Ruthénie, les Russes, les Biélorussiens et les Ukrainiens ainsi que dans toutes les anciennes républiques soviétiques, en particulier baltes.

L’autocéphalie des orthodoxes ukrainiens constituerait donc un coup dur pour les liens entre Slaves de l’Est qui se sont bâtis autour du patriarcat de Moscou et de la culture russe depuis la disparition de la principauté de Kiev au Moyen-âge.

Depuis mai 2018, le patriarche Bartholomée Ier ne délivre plus de visas aux popes orthodoxes du patriarcat de Moscou désirant se rendre au Mont Athos qui sous sa juridiction. Le 31 juillet 2018, Bartholomée Ier a en plus signé une déclaration commune avec les chefs des religions minoritaires de Turquie pour assurer au monde que ces religions s’épanouissent dans cet Etat, même si au cours des deux derniers siècles cela n’était plus souvent le cas. Ce texte a soulevé la colère de nombreux fidèles des différentes religions qui endurent chaque jour les brimades et humiliations de la part de l’administration turque.

Le 31 août, Cyrille et Bartholomée s’étaient rencontrés de manière en apparence amicale à Constantinople/Istanbul. Mais dès le 6 septembre, le patriarche de Constantinople nommait pourtant deux exarques (envoyés spéciaux) chargés d’étudier la création une Église autocéphale en Ukraine et qui n’étaient pas en odeur de sainteté chez les orthodoxes ukrainiens du patriarcat de Moscou. Les responsables de l’Église canonique de Kiev ont donc refusé de les reconnaître.

De son côté Philarète de Kiev, un ancien agent du KGB qui fut démasqué à la suite de malversations car il avait voulu prendre la tête du patriarcat de Moscou suite à des malversations qui provoquèrent son excommunication à la chute de l’Union soviétique, s’enfuit alors dans son pays natal qui venait de proclamer son indépendance et après avoir été un fidèle citoyen soviétique puis un partisan de la Russie, il créa l’« Église orthodoxe autocéphale ukrainienne » concurrente et non-canonique car non reconnue par les Eglises orthodoxes des autres pays. Il s’est auto-proclamé (reconnu par personne sauf les autorités politiques kiéviennes)”patriarche de Kiev et d’Ukraine”. Il a de plus été mis en cause par ses pairs sur le fait qu’il avait une femme et trois enfants, ce qui est interdit à un moine. Il est ensuite devenu un des soutiens des putschistes du maïdan et a qualifié le président russe, Vladimir Poutine de « Caïn » et de « Judas ». Il se verrait bien aujourd’hui en chef d’une Église indépendante prenant le contrôle de la majorité des paroisses du pays toujours sous juridiction du patriarcat de Moscou, ce que pourrait reconnaître Bartholomée au moment où ce dernier se trouve en situation difficile et que l’aide financière et politique des Etats-Unis serait la bienvenue pour sauver son Eglise en voie d’extinction.

Philarète de son côté s’est déjà rendu aux États-Unis le 14 septembre 2018 et il y a été reçu au département d’État avec les deux exarques (envoyés spéciaux) de Bartholomée Ier qui venaient de rencontrer le président Petro Porochenko à Kiev. Il a également été reçu par l’ancien vice-président Joe Biden avec lequel il entretient déjà depuis 2014 des relations étroites. Le fils de ce dernier, R. Hunter Biden, siège d’ailleurs au Conseil d’administration de Burisma Holdings, première compagnie d’exploitation du gaz ukrainien. Philarète a aussi décoré Joe Biden de l’Ordre de Saint Vladimir comme il l’avait déjà fait pour le sénateur John McCain, un criminel de guerre au Vietnam et un ardent promoteur de toutes les guerres lancées par les USA depuis cette date.

Bref, la religion orthodoxe devient une affaire politique et sa prise en main par la très protestante et néo-protestante Washington pourrait étonner ceux qui ignorent que la politique des Etats-Unis a toujours visé à prendre le contrôle de toutes les religions et de toutes les idéologies de droite comme de gauche pour mieux les corrompre de l’intérieur et les transformer en agent d’influence au sein des populations locales qui, derrière les apparences du culte traditionnel maintenu, doivent désormais servir les veaux d’or de Wall street.

Un ancien différend à propos de l’Église orthodoxe de Macédoine est simultanément en train de se raviver, mais cette fois à l’inverse : là, le patriarcat de Constantinople de nationalité grecque refuse de la reconnaître tant que le gouvernement de ce pays ne se sera pas soumis aux exigences d’Athènes et continuera à utiliser la dénomination de Macédoine que la Grèce considère comme sa seule propriété.

Le patriarche Cyrille a, en réaction contre ses tentatives de désunion, réuni un Synode spécial à Moscou qui a décidé, le 14 septembre, de ne plus « nommer » dans sa liturgie le patriarche de Constantinople, c’est-à-dire de ne plus prier pour lui. Et donc de « suspendre » toute « concélébration » avec lui, et enfin de « rompre » toutes relations de travail dans les instances où ils siégeaient ensemble.

Le 19 septembre, le patriarche d’Alexandrie et de toute l’Afrique, Théodore II, a appelé les deux parties à la raison, suivi par l’Eglise orthodoxe autocéphale de Pologne qui elle-aussi penche du côté de Moscou. Un nouveau schisme est donc possible suite aux ingérences de pays non orthodoxes dans les affaires des Eglises orthodoxes. Vu l’état d’amoindrissement du patriarcat de Constantinople, on peut néanmoins penser que les rapports de force aboutiront dans les faits, si un tel schisme réussissait, à transformer Moscou en troisième Rome cette fois officiellement. Le patriarcat de Moscou semble capable de prendre la tête d’une coalition de la plupart des Eglises orthodoxes existantes, en Russie-Biélorussie, en Pologne, en Slovaquie, en ex-Yougoslavie, dans le monde arabe et sans doute en partie ailleurs. En Ukraine, un schisme provoquerait en revanche une exacerbation des violences entre fidèles qui sont récurrentes depuis 1991 et on peut s’attendre à une politique de confiscations de la part des autorités. On doit par ailleurs mesurer les capacités d’intervention du gouvernement russe envers la Turquie et en terre sainte.

1 <http://www.voltairenet.org/article203100.html#nh1> . Andreï Fomin, « Conversation entre l’assistante du Secrétaire d’État et l’ambassadeur US en Ukraine <http://www.voltairenet.org/article182063.html> », Oriental Review, Moscou, 7 février 2014.