Un parangon de Russophobie militante
La Russie une «puissance low cost» qui serait une menace pour not’ maître US !
L’article que nous allons commenter, paru dans Slate FR du 28 janvier 2020, intitulé Russie, une superpuissance low cost, exprime parfaitement, à notre sens, ce qu’est une russophobie militante mais, dans le cas précis sans apporter – c’est le moins que l’on puisse en dire –aucune preuve sérieuse à l’appui d’assertions assénées à grands coups de plume. Vieux principe propagandiste : il suffit d’asséner sans cesse des mensonges pour qu’ils deviennent réalité.
Nous proposons à nos lecteurs une analyse au fil des paragraphes.
«Une superpuissance, écrit l’auteur, Moisés Naim, est un pays capable de projeter ses forces militaires sur de longues distances et, si nécessaire, livrer plus d’une guerre à la fois, et sur des continents différents. Cela coûte beaucoup d’argent: bases militaires, navires, avions, chars, missiles, infrastructures de communications et de transports, rien de tout cela n’est bon marché. Cela demande aussi de disposer d’un corps expéditionnaire fort de plusieurs milliers de soldats prêts à partir en guerre n’importe où sur la planète. Et, bien sûr, d’armes nucléaires.
Définition obsolète.»
Stop russophobie: L’auteur commence, procédé stylistique oblige, par une définition générale, restreinte à la seule lexicologie militaire. Façon de mettre son lecteur en condition par laquelle, sans doute à son corps défendant, il le pousse à songer, sans qu’il la nomme, à la seule superpuissance de référence en la matière: les Etats-Unis d’Amérique. Pourquoi?
Parce que tout ce qui est dit dans ce premier paragraphe l’atteste: un budget militaire hors de toutes proportions, une présence militaire avec des bases partout dans le monde. En 2017, selon Wikipédia, près de 200 000 hommes, soit 10 % du personnel militaire américain, étaient déployés à l’étranger dans 800 bases militaires déclarées et 177 pays, corps de garde des ambassades compris. Tout cela pour «contenir» les «menaces» que, à en croire les dirigeants américains, feraient peser sur la sacro-sainte «sécurité nationale» des Etats-Unis la Russie, la Chine, le terrorisme international et plus généralement toute velléité de s’affranchir de la tutelle américaine. La “sécurité nationale” à des milliers de kilomètres du territoire américain ? A d’autres ! Cela ressemble fort à de l’expansionnisme et, à la limite, à une forme d’occupation à des fins de soumission absolue à l’idéologie américaine de la population et des pouvoirs locaux.
Une question: la Russie a-t-elle tort ou raison de se prévaloir de sa «sécurité nationale», lorsqu’elle clame haut et fort son désaccord avec le déploiement des unités américaines et européennes, notamment françaises, à ses frontières, en Pologne, dans les républiques baltes, en Bulgarie, en Roumanie, etc.?
Que doit-elle penser, et avec elle nous autres, Européens, de cette mode qui consiste depuis quelques mois pour les Etats-Unis à dénoncer unilatéralement des traités internationaux fondamentaux pour la sécurité dans le monde : le traité SNI sur les missiles à moyenne et courte portée, l’accord nucléaire avec l’Iran, sans oublier les sanctions tous azimuts.
N’oublions pas non plus, à propos des “corps expéditionnaires” américains, ceux qui sont venus “mettre de l’ordre” en Irak (10.000 morts par an depuis), et en Libye avec nos soldats et notre argent (guerre et flux migratoire vers l’Europe depuis) et en Syrie, où grâce au Ciel la Russie a pu limiter les dégâts djihadistes qui nous menacent encore. Et leur intervention en Afghanistan, qui dure toujours (les USA ont-ils assez reproché aux Soviétiques, en 1979, leur intervention dans ce pays. Ah, mais attention ! dans le cas des USA c’est différent, il s’agit de combattre le “terrorisme” taliban. Hypocrisie, quand tu nous tiens… ). Et que dire de la création toute récente des Forces spatiales américaines (Spatial command), département spécial du Pentagone chargé de conduire des opérations militaires dans et depuis l’Espace.
Quant à l’arme nucléaire, juste une petite précision: les Etats-Unis d’Amérique sont la seule “superpuissance” à en avoir fait usage. C’était contre le Japon, à Nagasaki et à Hiroshima, en août 1945. Jusqu’à présent, la dissuasion réciproque «rendait sage», comme disait le général Gallois «père de la bombe française» mais aujourd’hui les bellicistes américains parlent de «première frappe» nucléaire. Ce qui est la vraie menace d’aujourd’hui.
Alors, est-elle vraiment “obsolète” cette définition de la superpuissance?
Poursuivons notre lecture
«Quoique cette définition classique reste valable dans une certaine mesure, il existe aujourd’hui des raccourcis qui permettent à un gouvernement d’intervenir dans un autre pays, ou plusieurs, et d’affaiblir ses adversaires internationaux, ou de les dominer, sans être obligé de consentir des investissements aussi lourds. La Russie est le meilleur exemple de ce phénomène. Vladimir Poutine a prouvé qu’il est passé maître dans l’art de projeter sa puissance sur d’autres pays avec un budget restreint».
Stop russophobie: Que de circonlocutions stylistiques pour préparer la salve visant, bien évidemment, le seul dirigeant de la planète capable de faire trembler le monde à bas prix. Oui, oui, c’est dans le titre : la Russie, une superpuissance low cost.
S’il ne s’agissait pas, disons-le sans ambages, d’une reprise de la course aux armements, on serait presque tenté de dire : bravo Vladimir Poutine. Dépenser moins (low cost) et redevenir une superpuissance capable de faire trembler l’Amérique ! Et sans avoir à sa disposition un nombre incalculable de bases militaires dans le monde ! Décidément, l’âme slave reste un mystère. Dommage que des ressources financières et humaines soient gaspillées à fabriquer un des pires moyens de détruire l’humanité.
Que nous dit Moisès Naim dans la suite ?
«Il (Vladimir Poutine) comprend que son pays ne peut concurrencer militairement ses grands rivaux, les États-Unis et la Chine. Il sait aussi que l’économie russe et sa technologie ne sont pas au même niveau que celles de ses concurrents. Et bien qu’il possède des armes nucléaires, il sait qu’on ne peut s’en servir que dans des cas extrêmes. Elles ne sont utiles, par exemple, dans aucun des conflits armés où la Russie est actuellement engagée, que ce soit en Syrie, en Ukraine ou en Libye».
Stop russophobie: Voilà bien l’exemple du paradoxal et du contradictoire. N’est-il pas écrit, dans le paragraphe précédent: « Vladimir Poutine a prouvé qu’il est passé maître dans l’art de projeter sa puissance sur d’autres pays avec un budget restreint» ? Et ce, malgré une économie et une technologie inférieures à celle des concurrents ? Il paraît juste de souligner d’abord que l’effort consenti est à la hauteur des menaces que font peser sur la Russie la présence à ses frontières des forces américaines et otanaises, les velléités de faire de la mer Noire un nouveau flan sud de l’OTAN, la présence américaine en Géorgie, dans des laboratoires où l’on produit des armes biologiques, etc.
Cependant, pour que la Russie ait pu, après le chaos des années 1990, retrouver en une quinzaine d’années sa stature de superpuissance, il faut bien, malgré des problèmes économiques et des retards technologiques évidents, qu’en matière de gestion des ressources, d’une part ; de développement technologique d’autre part, la Russie soit au moins au niveau de la concurrence, sinon ce ne serait pas une superpuissance. Et cela ne peut s’expliquer que par une raison simple, pour qui connaît la Russie actuelle : les changements réels en matière de gestion économique et financière, et les efforts importants pour stimuler la recherche dans tous les domaines, et faire en sorte que la Russie redevienne une très grande puissance scientifique.
Et les armes nucléaires, dont parle Moisès ? La doctrine militaire de la Russie est fondamentalement défensive. Les armes nucléaires ne seront utilisées que pour riposter à une attaque nucléaire contre elle. Contrairement aux USA, qui en ont déjà fait usage, comme on l’a vu plus haut, et à certains généraux de l’OTAN qui verraient volontiers un recours aux armes nucléaires tactiques « de faible puissance » (???) en cas de conflit régional. Et ignorer le choix russe de développer les armes hypersoniques qui la mettent à l’abri des frappes USA pour quelques années est une nette faiblesse des thématiques russophobes cultivant le mépris et le mensonge.
Stop Russophobie avait déjà évoqué, dans un article intitulé «Ils la veulent vraiment, la guerre» l’incroyable cynisme de ces plans américains d’attaque préventive de la région de Kaliningrad, au prétexte de «défendre les républiques baltes». Qui est le fauteur de guerre ? Au début 2020, des manœuvres géantes menaçant Kaliningrad et l’ouest de la Russie sont en cours dès le début de l’année.
A plus forte raison est-il ridicule de parler d’un emploi de ces armes en Syrie, en Ukraine ou en Lybie. Rappelons que si la Russie agit en Syrie, c’est avec le plein accord des autorités de ce pays. Contrairement aux Etats-unis qui sans aucun complexe volent ouvertement le pétrole syrien sans que personne ne proteste ! L’aide militaire russe a d’ailleurs permis un tournant décisif dans la lutte contre l’Etat islamique. Mais rappelons aussi que la Russie n’est pas «engagée» militairement en Ukraine. Elle soutient les républiques de Donetsk et Lougansk, entrées en révolte contre Kiev à la suite du coup d’État de février 2014 qui voulait notamment leur interdire leur langue ! Aujourd’hui le seul objectif du soutien russe est de faire respecter, au premier chef par l’Ukraine de Kiev, les accords de Minsk, aux termes desquels l’Ukraine devrait ou pourrait retrouver la paix.
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« Cyberguerre » russe
Vladimir Poutine n’était pas le seul leader à diagnostiquer ces faiblesses de l’État russe. En 2014, le président Barack Obama parlait avec condescendance de la Russie comme d’une «puissance régionale qui menace ses voisins immédiats». Il estimait aussi que les attaques de la Russie contre d’autres pays «ne s’expliquaient pas par sa force, mais par sa faiblesse».Tout porte à croire que la Russie tentera à nouveau d’intervenir dans les élections américaines cette année.
Il se trompait. Deux ans plus tard, cette «puissance régionale» dont les initiatives internationales étaient, selon ce président américain, des signes de faiblesse a réussi d’une façon ou d’une autre à intervenir dans l’élection présidentielle des États-Unis, influant ainsi sur la politique américaine d’une manière profonde et inédite. Qui plus est, tout porte à croire que la Russie tentera de récidiver cette année.»
Stop russophobie: On se souviendra nous aussi « avec condescendance » des propos de l’ex-président Obama, qui n’a jamais manifesté que du mépris pour Poutine, et n’a jamais vraiment fait quoi que ce soit pour engager de véritables relations avec la Russie. En toute fin de mandat, en décembre 2016, probablement déçu par la défaite des Démocrates aux élections présidentielles, il a même eu un geste d’une grande lâcheté en donnant 72 heures à 35 diplomates russes et leurs familles pour quitter les USA, et en fermant des légations consulaires russes, en violation des conventions de Vienne.
Quant à l’intervention dans les élections américaines, qu’on nous en donne enfin la preuve ! Au passage, on notera que dans la perspective des présidentielles de 2020 aux USA, le caucus de l’Iowa, qui inaugure la campagne électorale, a été le théâtre d’une cacophonie dans la proclamation des résultats chez les Démocrates. Une faille d’une application électronique. Mais immédiatement un des responsables démocrates locaux a appelé à rechercher une « piste russe » dans ce problème. On ne peut nier aux démocrates une enviable constance dans le ridicule. Et plutôt que de chercher la paille dans l’œil du voisin…
«Fermes à trolls»
«Nous avons vu comment des hackers russes – ou des pirates commandités par la Russie – ont appris à semer la confusion sur une grande échelle. Ils sèment le doute sur la crédibilité de leurs cibles, exacerbent les différends et les conflits qui existent déjà ou en créent de toutes pièces. Ils sont très habiles lorsqu’il s’agit de promouvoir certains acteurs politiques et ruiner la réputation de certains autres. Ils sont capables de faire tout cela – et de fait, ils le font – pas seulement dans les pays voisins du leur, mais dans n’importe quelle nation. Des hackers et des robots informatiques russes se sont mêlés de la crise indépendantiste en Catalogne, du Brexit au Royaume-Uni ainsi que des élections qui ont eu lieu en Allemagne, en France, en Estonie, en Géorgie et en Ukraine.»
«En outre, le département d’État américain a récemment annoncé que la Russie est à l’origine d’une vaste campagne d’influence dans toute l’Amérique du Sud visant à déstabiliser les pays qui s’opposent à son allié stratégique dans la région, le Vénézuélien Nicolás Maduro. Selon ce rapport, le Kremlin tente de provoquer des dissensions au Chili, en Bolivie, au Pérou, en Équateur et en Colombie.»
Stop russophobie : Soyons raisonnables. Quelques pirates informatiques russes seraient capables de provoquer de tels bouleversements dans le monde ? Semer le doute, créer des conflits, promouvoir des acteurs politiques à leur solde, agiter la Catalogne, provoquer le Brexit, fausser des élections en Europe et ailleurs, déstabiliser un continent entier ? Allons, un peu de sérieux !
Quelles preuve apporte Moisès Naim à l’appui de ses dires ? Rien. Un alignement de phrases stéréotypées. En Catalogne, l’indépendance est un des fils directeurs de l’histoire de cette région espagnole, depuis des temps lointains. Y a-t-il des preuves concrètes que l’exacerbation des velléités indépendantistes de ces dernières années soit l’œuvre de hackers russes, ou mieux encore de robots informatiques ? Pas la moindre. On a dit « c’est les Russes » parce que la mode est à la russophobie.
On a dit la même chose des gilets jaunes en France, œuvre aussi de la Russie sans doute, ces gens revendiquant plus de justice sociale ? Les élections faussées par ces mêmes hackers et robots en France et en Allemagne et ailleurs ? Les preuves ! Concernant la France, la dégradation des relations entre le pouvoir et la nation relève de toute évidence plus de promesses électorales non tenues et de problèmes tructurels et politiques internes que d’une action extérieure.
Le Brexit. Toute l’histoire de la Grande-Bretagne montre qu’elle n’a jamais vraiment été désireuse de faire partie d’une institution européenne continentale qu’elle ne controlerait pas complétement. Et face aux contraintes que cela lui imposait, et aux difficultés auxquelles elle doit faire face depuis quelques années, il fallait s’attendre, conservatrice dans l’âme comme elle l’est, même au Labour, à ce que des forces politiques relancent l’idée d’un retour à une souveraineté «british» pleine et entière. C’est fait. On ne peut que s’incliner devant leur tradition démocratique : chez nous ce fut différent après le referendum de 2005 ! Qu’en adviendra-t-il ? C’est une autre histoire.
Mais que viennent faire les Russes là-dedans ? A moins que le nouveau premier ministre, qui a fortement milité pour le Brexit, ne soit … Ne s’appelle-t-il pas Boris ?
Passons sur la prétendue « déstabilisation de l’Amérique du Sud » qui serait l’œuvre des Russes. Si on regarde les faits, en Equateur, en Bolivie, les dirigeants de gauche non dociles ont été éloignés. Au Vénézuela, ce ne sont pas les Russes qui ont tenté un coup d’État avec des personnels politiques nettement manipulés. Les Vénézuéliens sont sans doute redevables aux Russes d’avoir pu rétablir l’électricité dans le pays qui avait été coupée par des interventions extérieures de haute technologie… Qui se mêle de quoi ?
Voyons plutôt tout cet ensemble sous un autre angle.
Remplaçons, dans le texte de Moisés Naim, les mots « hackers russes » par « les services secrets américains ». Alors, le texte paraît beaucoup plus réaliste et proche de la vérité, au regard de la manière dont ont agi la CIA, le Département d’Etat, le Pentagone et autres structures américaines comme la Pax americana, Georges Soros, et bien d’autres ces cinquante dernières années. L’Afrique, l’Asie, le Chili d’Allende, le Vénézuela récemment, la Yougoslavie, etc…. Curieuses coïncidences, non ?
Armes russes diverses et variées
Mais ce n’est pas le seul usage innovant de ce que le gouvernement russe appelle les «technologies politiques». Il lui est également possible d’utiliser des cyberarmes pour attaquer le réseau électrique, le système de télécommunications, les réseaux de transport et les infrastructures financières d’un pays.
Stop Russophobie : Pas possible ! Les Etats-Unis et d’autres grandes puissances en seraient incapables ? C’est grâce à elle que le réseau électrique vénézuélien a pu être rétabli.
La capacité renouvelée de la Russie à influer sur la politique internationale n’est pas uniquement le fruit de sa maîtrise des technologies de l’information et de la communication. Le Kremlin n’a aucun scrupule à employer également les armes traditionnelles. Non seulement Vladimir Poutine a missionné en Syrie des robots qui interviennent sur Twitter, mais il y a aussi dépêché des soldats, des avions et des pilotes.
Stop Russophobie : Heureusement que les USA en ont, des scrupules. Notamment en Syrie où, contrairement aux Russes, ils sont intervenus, tout comme en Irak, au mépris des autorités locales et des grandes instances internationales, l’ONU par exemple. Et c’est sans scrupules qu’ils « protègent », avec pilotes, soldats et blindés, les gisements de pétrole du nord de la Syrie. Car tel était bien l’objectif initial de l’intervention américaine : non pas combattre l’Etat islamique, ce qu’ils n’ont fait que très mollement et qu’ils ont même souvent aidé comme à Palmyre, Deir ez Zor et Idlib…, mais s’emparer des gisements de pétrole qu’ils pillent allègrement, et à plus grande échelle contrôler totalement la Syrie. Toujours la même antienne : la pax americana.
« La Russie sait comment se servir de Facebook, de Twitter et d’Instagram, mais elle fait aussi appel à l’unité 29155, au groupe Wagner et au Centre de recherche d’internet. Au Venezuela, il a envoyé des missiles antiaériens et un soutien financier. Ce sont deux pays sur lesquels la Russie exerce désormais une influence nouvelle et considérable. Le Kremlin n’hésite pas non plus à recourir à des tueurs professionnels, des poisons radioactifs, des tireurs embusqués, des drones armés et d’autres techniques «traditionnelles» pour éliminer ses ennemis.
L’unité 29155 est le nom d’une unité secrète du renseignement militaire russe dont l’objectif est de déstabiliser l’Europe par des assassinats et d’autres moyens. Wagner est une entreprise militaire privée russe qui emploie des mercenaires pour influencer les conflits mondiaux figurant sur la liste prioritaire du Kremlin. Le Centre de recherche d’Internet est une autre organisation privée russe spécialisée dans les opérations sur le web destinées à soutenir ses objectifs mondiaux. »
Stop Russophobie : Pourquoi nous servir deux fois de suite « l’unité 29155, le groupe Wagner, le Centre de recherche d’Internet » ? Le procédé tient du roman d’espionnage, avec des centres opérationnels inquiétants, des unités donnant le frisson, sans oublier « des tueurs professionnels, des poisons radioactifs, des tireurs embusqués, des drones armés et d’autres techniques «traditionnelles» pour éliminer ses ennemis». Toute la panoplie du parfait petit agent russophobe. SAS Malko Linge, le style en moins.
Bien entendu, rien de tout cela n’existe aux Etats-Unis, ni dans les pays de l’OTAN, la Grande-Bretagne, par exemple, et la CIA et autres « services » analogues sont peuplés de petits saints qui n’ont jamais commis le moindre crime ? Qui n’ont jamais tenté d’établir dans le monde, par des méthodes pour le moins discutables, leur influence et les « valeurs de la démocratie » made in Washington and in NATO ? Aucun soutien financier ni militaire dans le subcontinent sud-américain, en Afrique, en Asie ? Les guerres commerciales actuelles, les sanctions à tout va contre des sociétés européennes dont on s’empare parfois sans scrupules, comme Alstom, la dénonciation unilatérale de traités internationaux sécuritaires, les innombrables tweets de Donald Premier, critiquant en particulier la politique d’Emmanuel Macron, rien de tout cela n’a d’effet déstabilisateur en Europe ? Les assassinats ? Sans doute beaucoup seront-ils réceptifs à cet « art de convaincre ».
Mais le lecteur averti ne s’y laissera pas prendre. Surtout lorsque l’allusion, par exemple, aux affaires Litvinenko et Skripal est aussi évidente. Curieusement, ces deux affaires ont eu pour théâtre la Grande-Bretagne. Et encore plus curieusement, les Britanniques n’ont jamais voulu rendre publiques les « preuves » ? En revanche, ils ont « convaincu » à huis clos les dirigeants des puissances otanaises. Les opérations sur le web pour soutenir les objectifs mondiaux, influencer les conflits mondiaux, voire réécrire l’histoire ? Là, le web est utilisé à plein rendement, et toute tribune est bonne. Surtout en cette année du 75ème anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, une occasion d’absolument instiller l’idée que la Russie et l’Allemagne nazie sont au même titre responsables de son déclenchement et de la catastrophe qui s’en est suivi.
Faut-il qu’en Europe occidentale et aux USA on soit bien inquiet du nouveau dynamisme de la Russie pour recourir à une propagande de si mauvais aloi ?
Seulement la onzième économie mondiale, mais superpuissante
« Il est clair que l’influence mondiale de la Russie est disproportionnée par rapport à la précarité de sa situation économique et sociale. Même si son territoire est le plus vaste du monde, son économie est moins importante que celles du Brésil ou de l’Italie. Sa croissance est anémique. Les 10% de Russes les plus fortunés possèdent 85% de la richesse du pays. La population russe diminue et d’ici à 2050, elle comptera 332 (sic) millions d’habitant·es en moins. C’est un symptôme d’autres faiblesses graves, en particulier l’état lamentable du système de soins de santé. Ce profil n’est pas celui d’une superpuissance. Cependant, malgré toutes ses faiblesses, la Russie de Vladimir Poutine est devenue un acteur incontournable de la plupart des conflits les plus aigus de ce siècle. Et non seulement Vladimir Poutine manoeuvre efficacement, mais cela lui coûte trois francs six sous.»
Stop Russophobie : La Russie a une influence dans le monde, et il est bien que cela fasse contrepoids aux velléités hégémoniques de l’Amérique. Contrairement au slogan de Trump « Make America great again », à condition que ce soit « America first », la Russie œuvre elle aussi pour qu’elle soit « great again », mais prône un monde multipolaire, dans lequel tous les pays coopèrent dans le respect mutuel, dans le cadre d’échanges mutuellement avantageux et où les engagements internationaux sont tenus.
Influence disproportionnée par rapport à une précarité de la situation économique et sociale ? C’est un procédé bien petit que de suggérer que la Russie est un pays en voie de développement, en deçà de l’Italie et du Brésil. Malgré des problèmes réels, tout témoigne du contraire à qui sait voir et apprécier à sa juste valeur les progrès accomplis par ce pays depuis une vingtaine d’années.
A ce sujet, une suggestion, Monsieur Naim. Lisez, sur le site Stop russophobie, l’excellent article de Catherine Brown intitulé «Une dimension raciale dans la russophobie. Déconstruire la russophobie». Elle y écrit: «La russophobie est faite d’ignorance, d’absence de scepticisme et de raisonnement, d’orgueil, d’hypocrisie, de condescendance et de grossièreté, au service du complexe militaro-industriel et de l’OTAN.»
Et puis, petite coquille qui vous a échappé, sans doute: s’il doit y avoir 332 millions d’habitants de moins en Russie en 2050, combien, à votre avis, doit-il y en avoir aujourd’hui ? En fait, il n’y en a que 140 millions ! Pour réduire entre 2020 et 2050, soit en 30 ans, une population supposée de 332 millions d’habitants, cela veut dire une décroissance démographique moyenne de 11 millions d’habitants par an. Or, la nouvelle politique démographique en Russie est plutôt incitative, en matière de croissance. Ou alors il faudrait vraiment un désastre économique, d’épouvantables épidémies, des catastrophes naturelles incalculables, ou… une guerre. Rien de tout cela n’est prévu dans les Plans nationaux lancés par le président Poutine pour les cinq prochaines années et au delà. Bien au contraire.
Faut-il que l’auteur soit à court d’imagination et bien pressé de remplir du papier sans regarder au style ni sans voir des énormités flagrantes, qui semblent prouver que tout cela, comme l’ensemble de cet opus, a été écrit à la hâte, et pour tout dire bâclé. Nous préférons penser qu’il s’agit d’une commande politique : noircir la Russie, charger le plus possible, dans la plus pure tradition du « calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose ! »
Ce qui vous gêne, Monsieur Naim, c’est bien que, comme vous l’écrivez, « malgré toutes ses faiblesses, la Russie de Vladimir Poutine est devenue un acteur incontournable de la plupart des conflits les plus aigus de ce siècle. Et non seulement Vladimir Poutine manoeuvre efficacement, mais cela lui coûte trois francs six sous. »
Non pas un acteur, mais bien une superpuissance incontournable. Sur ce point, nous sommes d’accord.
Stoprussophobie 2020