Le discours de Munich 2007

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  • jeudi mars 17, 2022
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Le discours de Munich 2007

Il y a quinze ans, le 10 février 2007, Vladimir Poutine faisait, à la Conférence de sécurité de Munich, un discours qui est resté dans les annales.

 

par Diane Porter | Fév , 2022 | Nouvelles de RussieNouvelles du monde 

Dans son livre « Le jeu russe sur l’échiquier global », le sénateur Alexeï Pouchkov qui était présent, décrit la façon dont ce discours a été reçu par l’assistance : « Il fallait voir comment sont discours a été accueilli. Presque personne ne regardait Vladimir Poutine qui était debout à la tribune. Merkel regardait de côté. Le secrétaire général de l’Otan, Jaap de Hoop Scheffer, qui était assis à côté d’elle, tambourinait nerveusement des doigts sur la table, les autres regardaient autour d’eux ou scrutaient les détails de la table devant eux. Seul le sénateur John McCain regardait Vladimir Poutine, en face, comme un faucon surpris, comme si la nouvelle guerre froide venait de commencer dans cette salle. Les autres, comme par exemple, le ministre de la défense des USA, Robert Gates, mettaient la main sur les yeux comme s’ils venaient d’entendre quelque chose de déplacé, et même d’indécent. »

En fait, Poutine a dit : le « monde unipolaire » provoque des guerres, des coups d’états et la destruction de régions entières, nous, et pas seulement nous, ne pouvons pas l’accepter ; vos « règles de comportement global » sont immorales, parce que elles ne servent pas à installer un principe d’égalité, mais à imposer la volonté des USA et de l’alliance occidentale. Poutine a ainsi touché au « sacré », pour les élites politiques réunies à Munich. Il n’est donc pas étonnant qu’elles aient détourné la tête puis aient unanimement dénoncé Vladimir Poutine.

Parmi les déclarations les plus importantes de ce discours, nous retiendrons les suivantes :

« L’expansion de l’OTAN n’a aucun rapport avec la modernisation de l’Alliance elle-même, ni avec la garantie de la sécurité en Europe. Au contraire, elle représente une grave provocation qui réduit le niveau de confiance mutuelle. » On peut l’observer aujourd’hui : les risques liés à l’admission de l’Ukraine dans l’OTAN, qui pourrait entraîner une menace militaire directe pour le territoire russe, sont à l’origine des tensions actuelles en matière de politique étrangère. C’est précisément ce contre quoi Poutine avait mis en garde il y a 15 ans.

« Le respect des droits de l’homme est une tâche importante. Nous y sommes favorables. Mais cela ne signifie pas qu’il faut s’ingérer dans les affaires intérieures d’autres pays, et surtout pas imposer un régime qui détermine comment ces États doivent vivre et se développer. Il est évident qu’une telle ingérence ne favorise pas du tout le développement des États démocratiques. Au contraire, elle les rend dépendants et, par conséquent, politiquement et économiquement instables. » Cette ingérence étrangère, que Poutine a qualifiée d’inadmissible, a causé des dizaines de milliers de victimes, la perte effective de souveraineté de certains pays et l’émergence de l’État islamique. Entre-temps, la Russie a contribué à sauver la Syrie de l’effondrement et a encouragé un règlement de paix en Libye et dans d’autres pays touchés, mais ce faisant, elle ne cherche pas pour autant à dicter ses règles.

« Personne ne peut avoir le sentiment que le droit international est comme un mur de pierre qui le protégera. Bien sûr, une telle politique stimule la course aux armements. Le danger potentiel de déstabilisation des relations internationales est lié à la stagnation évidente de la question du désarmement. » Dans son message à l’Assemblée fédérale en 2018, Poutine a mentionné pour la première fois les armes hypersoniques les plus récentes de la Russie, notamment les systèmes de missiles Sarmat et les missiles de croisière à propulsion nucléaire Avangard, ainsi que le missile balistique Kinzhal ou Tsirkon. Un an plus tard, il a décrit certaines caractéristiques du missile hypersonique terrestre et maritime Tsirkon. Mais la Russie ne s’arrête pas là et, comme l’a dit Vladimir Poutine, elle continue de travailler sur les technologies permettant de contrer les armes hypersoniques développées par ses adversaires. « Personne n’a pris la peine de nous écouter à l’époque (en 2007). Vous allez nous écouter maintenant », a déclaré Poutine dans le message de 2018, 11 ans après la conférence de Munich.

« Maintenant, il s’agit de savoir si notre gouvernement est capable d’agir de manière responsable pour résoudre les questions liées aux livraisons d’énergie et assurer la sécurité énergétique. Bien sûr qu’il le peut ! D’ailleurs, tout ce que nous avons fait et faisons est conçu pour atteindre un seul objectif, à savoir modifier nos relations avec les consommateurs et les pays qui transportent notre énergie, pour appliquer les règles du marché, la transparence et les contrats à long terme. » Effectivement, dans le contexte de croissance record des prix du gaz sur le marché spot en Europe en 2021, les pays qui ont des contrats à long terme avec la Russie ont obtenu ce combustible à des prix très inférieurs aux prix actuels. Vladimir Poutine a même déclaré que la mise en service de Nord Stream 2 ferait baisser encore plus les prix du gaz en Europe, mais le lancement effectif de ce projet s’est heurté à des obstacles d’ordre politique.

« Je considère que le modèle unipolaire est non seulement inacceptable mais aussi impossible dans le monde d’aujourd’hui. Le modèle lui-même est défectueux parce qu’à sa base il n’y a et ne peut y avoir aucun fondement moral pour la civilisation moderne. Il n’y a aucune raison de douter que le potentiel économique des nouveaux centres de croissance économique mondiale sera inévitablement converti en influence politique et renforcera la multipolarité. » Le paysage politique et économique a également beaucoup changé, dans lequel un rôle particulier revient désormais au G20 – une association éloignée autant que possible du principe d’uni polarité. La première réunion des dirigeants du G20 a eu lieu en 2008. Et si, au début, ce format était considéré comme facultatif par rapport au G7, il constitue aujourd’hui la principale plateforme politique et économique internationale pour la résolution de nombreux problèmes mondiaux.

« La Russie est un pays dont l’histoire s’étend sur plus de mille ans et qui a pratiquement toujours eu le privilège de mener une politique étrangère indépendante. » Quinze ans ont passé. Il n’y a plus de G8, il n’y a plus de sommets réguliers Russie-UE, il n’y a plus d’illusions, ni de confiance mutuelle. Il n’y a que de nombreuses sanctions. Mais la politique étrangère indépendante de la Russie est restée constante.

La nouvelle conférence de Munich sur la sécurité a eu lieu le 18 février, mais Vladimir Poutine n’y est pas venu : Tout a été dit il y a 15 ans. Et il a fallu une guerre pour que les Etats-Unis et leurs obligés de l’OTAN acceptent de prendre la Russie au sérieux.