Mieux comprendre la visite de Poutine pour le 11 novembre

  • stoprussophobie redaction
  • mardi avril 11, 2017
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Mieux comprendre la visite de Poutine pour le 11 novembre

Le rôle oublié de la Russie pendant la 1ère Guerre Mondiale

La part de l’armée impériale russe fut déterminante pour  la conduite de la première guerre mondiale de 14-18 et pour la victoire de 1918. C’est totalement oublié dans nos manuels. Car une idée très répandue dans la conscience historique occidentale, veut que la révolution russe d’octobre aurait résulté d’une défaite militaire de l’armée russe et aurait réduit à néant le rôle de cette dernière pour assurer la victoire de novembre 1918.
Selon un général historien français d’origine russe, Serge Andolenko, dont les écrits sur le sujet retrouvent aujourd’hui toute leur actualité,  la «désinformation» dont sont victimes nos contemporains à tous les niveaux  «conduit, inconsciemment ou non,  tous les Etats complices de cette supercherie, à conserver des données fausses dans leurs mémoires respectives et s’intoxiquer eux-mêmes, jusqu’à ne plus percevoir la réalité des problèmes qui leur seront ultérieurement  soumis».

En 1914, l’offensive contre la Prusse sauve l’armée française sur la Marne

Pour le général Serge Andolenko, l’armée tusse qui s’engage dans la guerre en 1914 est une des meilleures de son temps.  Mais elle est « fortement handicapée par deux points faibles inhérents au pays » : sa taille géographique qui aggrave toutes les difficultés d’ordre logistique, particulièrement pour la mobilisation, et son économie, en forte expansion au début du conflit mais pas encore suffisamment consolidée pour pouvoir s’adapter à une conflagration mondiale de longue durée.  Ces deux handicaps vont forcer l’armée russe à « remplir sa mission dans des conditions surhumaines » au cours des deux premières années du conflit. 

L’année 1914, au cours de laquelle la Russie lance une offensive pour laquelle elle n’est pas prête, le 17 août contre la Prusse orientale,  à la demande de la France pour permettre à cette dernière de résister à l’offensive allemande sur la Marne. Ce combat « pour les alliés », comme le qualifie aujourd’hui  le réalisateur historien de Saint-Pétersbourg, Viktor Pravdiouk , lui coutera plus de 100.000 morts et une défaite à Tannenberg. Mais les premières victoires ont affolé l’Etat-Major allemand qui a dégarni le front ouest de deux corps d’armée et d’une division de cavalerie, permettant le «miracle» de la Marne. Ce dernier est loin d’être dû aux seuls taxis célébrés dans nos écoles.
1915 : Verdun avant Verdun sur le front de l’est   

Andolenko qualifie l’année 1915 de « Verdun avant Verdun » : l’armée russe va subir tout ce que l’industrie allemande est capable de produire. Aux hécatombes de 1914, vont s’ajouter celles encore plus terribles de 1915. L’industrie russe ne suit pas et sur les champs de bataille les soldats russes doivent ramasser les armes de leurs camarades tués des premières lignes. Ils n’arrêtent pas pour autant : les combats ont lieu à la baïonnette, au couteau et même à mains nues…  La Russie perd près de 2.500.000 tués ou blessés (au total la Première guerre lui coutera 2.000.000 de morts, plus que la France saignée à 1.500.000). Les Allemands, conscients qu’ils ne peuvent gagner sur les deux fronts, proposent aux Russes une paix séparée en offrant un cadeau de choix : Constantinople et les détroits ! Les Russes eux-mêmes auraient dû demander l’armistice en toute logique militaire, puisqu’ils n’avaient pas assez d’équipements et d’armes pour combattre et qu’ils compensaient par des pertes humaines.  Ils ne le font pas et Nicolas II refuse le cadeau allemand pour ne pas lâcher ses alliés… Et la boucherie continue.

L’année charnière : 1916

En 1916, l’Allemagne se retourne sur le front ouest. C’est Verdun puis l’offensive de la Somme. Pour les Russes, c’est un répit relatif qu’ils mettent à profit pour approvisionner  et équiper les troupes grâce aux progrès fulgurants de l’industrie. Ils lancent au moins deux offensives décisives pour le sort de la guerre : celle du général Broussilov en juin vers la Bessarabie qui met deux millions de combattants adverses hors de combat, et celle du général Youdénitch qui défait les Turcs sur le front du Caucase et arrive jusqu’à l’Euphrate. Grâce à ce redressement de l’armée russe, les alliés envisagent la suite du conflit avec plus d’optimisme.  Winston Churchill, ministre des munitions à l’époque, relève que «peu d’épisodes de la Grande Guerre sont plus surprenants que la restauration, le ravitaillement et l’effort gigantesque de la Russie en 1916».

En début d’année 1917, tous les observateurs et acteurs du conflit (Allemands et alliés) sont d’accord : « la Russie impériale a déjà gagné la guerre ! », estime le général  Andolenko.  «L’armée russe n’était pas en défaite, au contraire», écrit M. Pavel Andolenko, le fils du général dans des notes sur son père.  «D’aucuns qualifient les pertes humaines subies par la Russie en 1915 d’inutiles. C’est pourtant grâce à cette multitude de sacrifices que la Russie doit de ne pas avoir capitulé ou signé une paix séparée. Que ce serait-il passé si la Russie avait été acculée ? Les USA voulaient-ils ou pouvaient-ils intervenir à ce moment ? Les alliés occidentaux auraient-ils pu reconstituer leurs forces et développer leur production d’armements pour aborder 1916 ?», demande à la suite de son père M. Pavel Andolenko. 

La révolution, cause première de la destruction de l’armée impériale

 Depuis janvier 1917, les Autrichiens négocient avec les Français, les Anglais et les Italiens. Mais le Tsar n’est pas au courant. S’il l’avait été, peut-être n’eût-il pas abdiqué en mars. L’abdication aux raisons encore mal élucidées, selon Andolenko, a marqué le début de la fin. Les soldats qui avaient combattu pour la Patrie, Dieu et le Tsar «ne savaient plus où se tourner». Le Gouvernement provisoire, tout en proclamant sa volonté de poursuivre la guerre, donne des ordres incohérents qui disloquent l’armée de l’intérieur.  Pour Andolenko : « la révolution n’est pas une conséquence fortuite du marasme existant, ni d’une prétendue défaite militaire ; la révolution serait plutôt la cause première de la destruction de l’armée ».

 Français et Russes ont supporté les 2/3 des pertes en vies humaines du premier conflit mondial. «Les armées française et russe ont payé le plus lourd tribut à la victoire et il faut se souvenir que ces deux armées ont lutté en étroite collaboration tout au long de la guerre, chacune s’efforçant toujours de soulager l’autre quand celle-ci supportait l’effort principal de l’ennemi», conclut après son père Pavel Andolenko.  A la fin de la guerre, malgré la paix de Brest-Litovsk et les «emprunts russes», le  maréchal Foch déclarait : si la France n’a pas été effacée de la carte de l’Europe, c’est avant tout à la Russie que nous le devons».  L’histoire se répétera quelque 27 ans plus tard : les Etats unis n’interviendront dans le second conflit mondial que 6 mois après la reddition de Von Paulus aux Russes à Stalingrad.  Aujourd’hui, une proportion importante de Français croient que ce sont les Américains qui les ont sauvés en 1918 et en 1945. C’est une révision de l’histoire qui aujourd’hui a son importance dans la guerre de l’information contre la Russie.

 

LA COMMEMORATION DU 11 NOVEMBRE 1918 NE DOIT PAS OUBLIER LA RUSSIE

 

Commémorer dans le respect de tous les combattants extérieurs morts pour la France, devrait s’imposer comme une évidence. Or, sous l’activisme de plusieurs influences, l’équité n’est pas respectée. Lors des hommages rendus aux soldats étrangers qui périrent pour sauvegarder notre liberté, la mémoire officielle est apparue trop souvent sélective. A l’occasion du centième anniversaire de la première guerre mondiale, la France se doit d’honorer avec la même objectivité, tous ceux qui se sacrifièrent pour elle. L’opportunité se présente de reconnaitre le rôle essentiel joué par la Russie, dans ce premier conflit mondial et de lui donner la juste place qui lui revient, dans la victoire de l’Alliance. L’exaltation d’une Amérique seule salvatrice, a jusque-là marginalisé la Russie, faussant la vérité historique. L’engagement de ce pays a été occulté, l’attention étant volontairement dirigée sur celui des Etats-Unis. Cette image déformée, présentée au peuple français, doit être rectifiée, pour qu’il prenne conscience du don de soi consenti par les combattants russes, sur le sol français et dans les Balkans. Mon but n’est pas de jouer les historiens, d’autres que moi sont plus habilités à le faire. Je souhaite seulement sortir de l’oublie ces soldats russes, qui ont bien mérité de la France et rappeler leur comportement héroïque sur les champs de bataille. Notre devoir nous commande de conserver en mémoire ce qu’ils ont apporté à notre pays, dans cette épreuve dramatique. A travers le rappel d’événements factuels, chacun pourra mieux appréhender la réalité et se forger une opinion.

Dans les deux affrontements mondiaux, l’entrée en guerre des Etats-Unis sera tardive et comme toujours, précédée par celle de la Russie. Si les deux pays jouèrent un rôle décisif, celui de la Russie devenue l’URSS fut minoré au point d’être quasiment ignoré, s’agissant du premier conflit. Pour le second il aurait été difficile de passer sous silence les batailles, de Stalingrad, juillet/février 1942 et de Koursk, juillet/août 1943, qui entamèrent l’invincibilité de l’Allemagne nazie et enclenchèrent sa débâcle. Durant cette guerre, l’URSS subira de très lourdes pertes humaines, tant militaires que civiles. Plus de 13 millions de militaires, 21 millions avec les civils, soit 10% de la population d’avant-guerre. Les Etats-Unis déploreront 300 000 militaires, soit 0,2 de la population d’avant-guerre. A elles seules, les pertes militaires de l’URSS représenteront 88% du total de celles des Alliés en Europe.

L’entrée en guerre des Etats-Unis en 1917, sera précurseur des motivations de son engagement, en décembre 1941. C’est seulement le 28 janvier 1917 que le premier contingent américain débarquera à Boulogne-sur-Mer. Dirigé par le Général John Pershing il comptait 177 soldats. Il sera suivi, le 28 juin de la même année, par la première division d’infanterie. Mais la positivité de l’entrée en guerre des Etats-Unis n’apparaîtra qu’à la fin du printemps 1918, les effectifs atteignant alors 800 000 mille hommes. Les premiers engagements des troupes américaines eurent lieu les 2 et 3 novembre 1917. Elles s’illustreront en 1918, par leur bravoure et leur efficacité, durant la grande bataille de la Marne. A son apogée, en octobre 1918, l’armée américaine disposait en France de 2 millions d’hommes. Sa contribution à la victoire fut conséquente. Elle dénombrera 120 000 morts dont 55 000 tués au champ d’honneur. L’impressionnante force de frappe que possédait sur notre sol l’armée américaine, au moment de l’armistice, se muera en levier diplomatique et reléguera la France, comme l’Angleterre, à un rôle mineur, lors des pourparlers qui suivront. A la Conférence de la paix, les Etats-Unis s’opposeront aux revendications territoriales françaises et italiennes. Pour atténuer l’amertume de la France ainsi que celle de l’Angleterre, le Président Wilson leur promettra la garantie militaire de son pays, face à une nouvelle agression allemande. Promesse non tenue. Il faudra attendre 2 ans, avant que l’Amérique intervienne en décembre 1941, contrainte par les événements.
Après une mobilisation générale, la Russie entrera rapidement en guerre le 1er août 1914. En décembre 1915 elle constituera une force de 50 000 hommes, qu’elle répartira en 4 brigades, destinées à combattre, pour la 1ère et la 3ème sur le front français, pour la 2ème et la 4ème dans les Balkans, sur le front de Salonique. La 1ère brigade débarquera à Marseille début 1916 et la 3ème 4 mois plus tard à Brest. Elles participeront aussitôt au combat où elles seront remarquées, car audacieuses et performantes. Ce comportement valeureux leur vaudra d’être cités à l’ordre de l’armée. Sur le front d’Orient, la 2ème et la 4ème brigade ne démériteront pas, la 2ème étant citée à l’ordre de l’armée par le Général Sarrail. Une légion russe comprenant 4 bataillons totalisant environ 4 000 hommes, sera fondée en décembre 1917. Engagée dans de multiples actions, elle sera active jusqu’à l’armistice. En 1918 elle se distinguera par sa hardiesse, notamment au-cours de l’offensive du Chemin des Dames. Devenue par son courage “Légion d’honneur russe”, elle sera citée deux fois à l’ordre de l’armée et son drapeau sera décoré par le Maréchal Foch. De 1916 à 1918 quelques 10 000 combattants russes tomberont sur le sol français, auxquels il faut ajouter ceux qui périrent dans les Balkans. Mais ce sont plusieurs millions de morts que les russes laissèrent dans l’affrontement direct, russo-allemand. D’où la déclaration du Maréchal Foch “Si nous avons pu tenir de la Marne à Arras et finalement à l’Yser, c’est que la Russie de son côté retenait une notable partie des forces allemandes”.

L’apport éloquent de la Russie à la victoire de la première guerre mondiale, montre qu’il apparaît fondé et équitable d’inviter ce pays à participer aux commémorations du centième anniversaire de l’armistice. Il serait bien mesquin et misérable, que des faits conjoncturels servent de prétextes, pour bannir la Russie de cet hommage à tous les combattants. Cette amputation ne pourrait que l’altérer, le dénaturer. Remémorons-nous ce qui est écrit sur un monument érigé près de la nécropole de Saint-Hilaire-le-Grand dans la Marne ” Enfants de France ! Quand l’ennemi sera vaincu et que vous pourrez librement cueillir des fleurs sur ces champs, souvenez-vous de nous, vos amis russes, et apportez nous des fleurs”. Exauçons leurs vœux.

Paris, le 23 octobre 2018 Michel GRIMARD
Président du ROUE