Le Sénat US s’en prend à l’UE sous couvert de sanctions anti-russes

  • stoprussophobie redaction
  • lundi juin 26, 2017
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Le Sénat US s’en prend à l’UE sous couvert de sanctions anti-russes

Le projet de nouvelles sanctions US anti-russes, vise d’abord le marché gazier européenne

LestanksrussesarriventLégende : Les tanks russes arrivent ! Ne t’approche pas trop de la cage petit : le monsieur a un excès de russophrénie

Le 14 juin 2017, le Sénat américain a approuvé de nouvelles sanctions contre la Russie et l’Iran.

La russophobie exaltée peut-elle devenir à elle seule un enjeu crucial et prioritaire pour la politique économique et la politique tout court ?

On nous dit à chaque instant que l’Europe unie doit faire entendre sa voix. Même si cette rhétorique sert souvent de prétexte plus ou moins valable à tout prise de position, réfléchie ou arbitraire, y-a-t-il des intérêts pratiques, réels et communs à tous les Européens que l’Union Européenne serait prête à défendre ? Cette union sacralisée vaut-elle finalement si peu qu’on la laisse être compromise par les intérêts directement commerciaux et financiers de la politique transatlantique ?

Entre autre par complaisance envers le lobbying gazier nord-américain, dont nos écologistes les plus russophobes n’hésitent pas à juste titre à dénoncer l’exploitation du gaz de schiste ? Vont-ils acheter quand même, comme les en somment leurs maîtres états-uniens en tentant de nous fermer les fournitures russes ?

Car il ne s’agit pas d’autre chose !

Certes la mesure comprend aussi des aspects de la guerre politique interne des Etats-Unis mais la principale cible – et en tout cas celle qui nous concerne directement – dans cette décision du Sénat US est l’attaque contre les grandes entreprises européennes et l’indépendance énergétique de l’Europe !

Une véritable guerre contre l’autonomie de l’Europe

Dorénavant les Etats-Unis vont bien plus loin dans leur démarche de maîtres du monde. Le texte adopté menace de pénaliser des sociétés participant au projet de construction du doublement du gazoduc sous-marin qui prévoit l’approvisionnement du nord de l’Europe via l’Allemagne. Ce projet «North Stream-2», initié par le géant gazier russe Gazprom, implique la participation des groupes allemands E.On et BASF/Wintershall, de la compagnie anglo-néerlandaise Shell, de l’autrichien OMV et du groupe français Engie.

En avril dernier, lors d’une cérémonie de signature à Paris, Uniper, Wintershall, Shell, OMV et Engie ont accepté de financer chacun 10% du coût du projet, soit 950 millions d’euros par entreprise.

Seulement voilà : En janvier 2017, à Davos, suite à des négociations avec le vice-président américain Joe Biden, grand promoteur du Coup d’État ukrainien de Maïdan en février 2014, le président ukrainien Petro Porochenko a déclaré : «Nous avons affirmé sans détours que Nord Stream-2 était un projet purement politique, dirigé contre les intérêts de l’Ukraine, mais aussi contre ceux de nombreux pays de l’Union européenne, et que nous agirions concrètement et efficacement pour en empêcher la réalisation»[1]. Ces menaces du président ukrainien, fondées sur une véritable inquiétude quant au transit du gaz russe par l’Ukraine, mais omettant totalement l’obsolescence des équipements en Ukraine que personne ne peut renouveler et qui ne pourront plus d’ici peu assurer un ravitaillement sûr de l’Europe occidentale, servent-elles de prétexte aux décisions actuelles ?

Pour mieux comprendre les enjeux il est nécessaire de revenir sur les relations russo-ukrainiennes concernant le gaz. Tout le monde est au courant de l’existence d’un gazoduc datant de l’époque soviétique, construit pour le ravitaillement des pays du «Conseil d’assistance économique mutuelle» (dit Comecon par l’OTAN). Par cet ancien gazoduc, mal entretenu et ayant connu plusieurs accidents, près de 80% du gaz a été acheminé vers l’Europe, avant la construction du premier North-Stream.[2]

L’Europe était complètement dépendante de l’état du gazoduc ukrainien et des relations compliquées entre la Russie et son client l’Ukraine. Cette dernière achetait alors son gaz bien meilleur marché que le reste de l’Europe mais rechignait toujours à le payer. Comme le rapportait Pierre Terzian dans Le Monde, avant le tournant pro-Maïdan du journal : «L’Ukraine a été à l’origine de deux grandes crises gazières, en janvier 2006 et janvier 2009, qui ont mis en péril l’approvisionnement de l’Europe en plein hiver.»[3] Dans le même article nous pouvons lire que: «Les Ukrainiens ont alors siphonné du gaz destiné à l’Europe, ce qui a poussé Gazprom à arrêter toutes ses exportations à travers leur territoire ».

A plusieurs reprises depuis l’indépendance de l’Ukraine en 1991, les grandes entreprises gazières européennes et Gazprom ont proposé à ce pays de séparer physiquement et juridiquement les gazoducs de transit de ceux qui alimentent son marché local, mais ont toujours essuyé un refus de Kiev.» Il apparaît donc clairement qu’aujourd’hui plus que jamais, l’Ukraine de Porochenko et son nouveau grand frère nord-américain comptent utiliser le robinet de gaz comme une arme toute puissante. En apparence contre la Russie qui évidemment dépend de ses clients autant que ses

clients dépendent d’elle, contrairement à ce que nous raconte la propagande russophobe depuis des années sur un soit-disant chantage russe au gaz. Mais en fait, plus encore contre l’Europe à qui le but est de couper ou réduire sensiblement la fourniture de gaz russe, au profit du gaz de schiste liquéfié extrait in USA. Contrairement à ce que dit Porochenko, ce sont ces projets de sanctions américaines qui menacent l’Europe et non un deuxième gazoduc, plus moderne et non soumis à des tensions politiques ou diplomatiques. Nous sommes habitués, ces derniers temps, à entendre des inepties débitées sur un ton d’expert de la part de nos propagandistes russophobes et il ne faut pas en attendre moins des officiels du gouvernement de Kiev, pour qui a suivi l’actualité ukrainienne de ces dernières années[1].

Des inquiétudes de moins en moins cachées

Jusqu’alors docile et discrète, l’Europe commence à émettre quelques timides grognements, assez peu relayés par les médias qui ne savent plus trop quelle position adopter. En effet, l’Allemagne et l’Autriche ont émis des protestations dans un communiqué commun par l’intermédiaire du ministre allemand des Affaires étrangères, Sigmar Gabriel, et du chancelier autrichien, Christian Kern : «La question de l’approvisionnement énergétique de l’Europe regarde l’Europe, pas les États-Unis!». Même Angela Merkel partage “la préoccupation”.[2] Surprise ultime : La France ajoute sa voix discrète lors d’un point de presse du ministère des Affaires Etrangères : “Depuis plusieurs années, nous soulignons auprès des Etats-Unis les difficultés que suscitent les législations à portée extraterritoriale”. Ou encore : “Sur des sujets liés à la sécurité et à la politique industrielle européenne, nous souhaitons que les Etats-Unis respectent la coordination nécessaire, notamment dans le cadre du G7”[3].

Remarquons que la présence d’un «méchant» officiel à la Maison Blanche, pourtant dépourvu de réel pouvoir, serait une occasion facile à saisir par l’Union Européenne pour justifier un changement d’attitude face aux USA, alors que l’administration américaine précédente aurait continué à susciter l’admiration dans les mêmes conditions de soumission qu’avant. Ainsi, des possibilités de relever la tête apparaissent pour l’UE afin de défendre ses intérêts et ses avoirs. Le gaz de schiste américain sera plus cher et ce sont les avoirs de l’UE qui sont visés par des États-Unis endettés. Les « amendes » américaines, en vertu de règles états-uniennes et non européennes, contre les banques européennes l’ont largement prouvé. Et les dirigeants de nos pays n’ont rien dit pour défendre leurs peuples. Nous verrons donc si l’Union Européenne se préoccupe vraiment de la survie de l’Europe. Ce sera là un test révélateur !

Un but probablement simple et des raisons habituelles

Toute puissance économique qui pourrait un jour théoriquement tendre vers un niveau comparable à celui des USA deviendrait tôt ou tard un ennemi des Etats-Unis, car la souveraineté et la concurrence constituent déjà pour eux une déclaration de guerre. Ceci pourrait même arriver à l’Union Européenne soumise, si cette dernière souhaitait mettre en œuvre des moyens lui conférant trop d’indépendance économique.

Peut-être sommes nous en train de franchir cette ligne rouge avec North-Stream-2. Alexandre Medvedev, directeur général adjoint de Gazprom, cité par l’agence de presse Interfax, commente d’ailleurs à juste titre : “En ce qui concerne la mise en oeuvre des sanctions, ils (les sénateurs) ne cachent pas que cela vise à assurer (les exportations) de gaz naturel liquéfié américain en Europe”[4]. Bien sûr, en plus du gaz de schiste, business assez compliqué tout de même, et du contrôle avec

éléments de véritable racket sur le système bancaire européen, le souci de garder ses vassaux à ses pieds est primordiale en jouant sur l’épouvantail russe, pour ceux qui y croient en Europe de l’est.

Ces sanctions en réalité politiques sont ainsi non seulement des actes de concurrence économique illégitime mais aussi une technique de division et de maintien sous contrôle de l’Europe géographique. Pour ce qui est de la stratégie purement commerciale, en ce moment même le lobbying au Sénat n’a pas encore atteint son but : Selon Alexandre Medvedev les sociétés Engie, OMV, Shell, Uniper, et Wintershall ont eu le temps d’assurer le financement de ce projet avant le vote des sactions. [1] «Les fonds ont été reçus sur les comptes des compagnies Nord-Stream-2», a-t-il révélé, lors de la conférence de l’«Association des compagnies gazières russes».

Les aspects politiques internes du paquet de sanctions

Le Figaro présente ainsi l’initiative du Sénat et de ses inspirateurs : « Le Sénat des Etats-Unis a voté aujourd’hui pour punir la Russie de Vladimir Poutine, auteure présumée d’ingérences dans la campagne présidentielle américaine de 2016, approuvant un projet de sanctions qui empêcherait le président Donald Trump de relâcher unilatéralement la pression sur Moscou»[2]. Ou aussi : «Le Sénat américain a adopté aujourd’hui de nouvelles sanctions contre la Russie, ainsi qu’un mécanisme inédit liant les mains du président Donald Trump pour la suspension future de toute sanction contre Moscou.»[3]

Il est certes d’usage d’accuser la Russie et de la «punir» (notion hautement diplomatique) ensuite au plus vite, pour toute chose pouvant se passer sur Terre. Cela ne surprend plus personne. On ne s’étonnera guère non plus, en lisant qu’officiellement l’une des premières cibles prétendues est l’Iran. Si on traduit la substance de l’idée exprimée, l’Iran est accusé de concurrencer les poulains des USA en matière de soutien du terrorisme international, mais contre les intérêts de ces derniers. Faudrait-il encore que le terrorisme iranien sur notre sol existe réellement de nos jours ! Ce n’est à priori pas le cas. Jusqu’ici il n’y a aucune surprise quant aux prétextes avancés. En revanche, la particularité de ce dernier paquet de sanctions est que cette fois sa portée est véritablement multi-usages et multi-cibles, bien au-delà de ce qui est déclaré.

Russie, Iran, Trump et la démocratie

Pour la Russie il y a déjà en stock toute une réserve de prétextes plus fantasques les uns que les autres. Les «ingérences dans la campagne présidentielle» nous sont resservies[4]. En dehors de la discussion quant à l’existence de supposées preuves, admettons qu’il faut vraiment qu’un état se considère lui même être au niveau d’une république bananière, pour croire possible une influence massive sur ses électeurs par la presse internationale d’une puissance étrangère ! De fait, ces nouvelles sanctions n’ont aucune justification un tant soit peu crédible.

Parmi les autres cibles moins clairement révélées, beaucoup devineront une action contre Trump lui-même. Le personnage est ce qu’il est mais il avait été néanmoins démocratiquement élu sur un programme comprenant une normalisation des relations avec la Russie. Peu importe. Il semble que le Figaro, cité plus haut, se réjouisse de cette rectification du choix du peuple comme il est d’usage en Europe. L’auteur accueille ainsi positivement le fait que le président des Etats-Unis se retrouve «les mains liées» quant à toute tentative de pacification.


[1]      http://www.interfax.ru/business/566736

[2]      http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2017/06/14/97001-20170614FILWWW00348-russie-le-senat-us-vote-des- sanctions.php

[3]      http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2017/06/15/97001-20170615FILWWW00294-le-senat-americain-approuve-de-nouvelles-sanctions-contre-la-russie-et-l-iran.php

[4]      http://www.youtube.com/watch?v=uG7EaTKjcyw et http://www.youtube.com/watch?v=OEeYjk_MlnA

[1]      http://www.youtube.com/watch?v=zy_IurNbMdQ&list=PL1fQfU9jb9Uz66X5ThA5upF_FJxoEmqYP

[2]      http://www.connaissancedesenergies.org/afp/berlin-denonce-un-projet-de-sanctions-americaines-affectant-entre-autres-nord-stream-2-170616

[3]      http://fr.reuters.com/article/frEuroRpt/idFRL8N1JD2KC

[4]      https://www.challenges.fr/monde/berlin-et-vienne-denoncent-des-sanctions-americaines-contre-moscou_480440

[1]      https://www.lecourrierderussie.com/international/2016/01/kiev-washington-nord-stream-2/

[2]      http://www.slate.fr/story/88747/crise-ukraine-russie-gaz-coupure

[3]      http://www.lemonde.fr/idees/article/2014/03/31/la-crise-energetique-ukrainienne_4392491_3232.html