Missiles US sur la Syrie : beaucoup de questions
USA : réglement de comptes à OK corral sur le dos des Syriens, des Russes et le nôtre !
Le tir de 59 missiles (dont seulement 23 ont atteint leur cible ou ont explosé, selon les Syriens) depuis des destroyers de l’U.S. Navy dans l’est de la Méditerranée, contre la base aérienne syrienne de Shayrat, le 7 avril 2017 soulève plusieurs questions. Elle répond en revanche à plusieurs certitudes : devant l’impossibilité de faire quoique ce soit en politique intérieure et à cause de la campagne menée contre lui en l’accusant d’une manière sans doute assez fantaisiste d’être lié aux Russes, Trump a abandonné la politique extérieure aux faucons républicains et aux néo-cons pseudo-démocrates.
Ces derniers sont bien décidés, comme l’a déclaré le pire d’entre eux, le sénateur Mc Kain, d’aller jusqu’à la guerre contre la Russie qu’ils se disent sûrs de gagner, compte-tenu de leur supériorité en armes. Ils entendent continuer à y préparer l’opinion américaine et mondiale et à régenter le monde sans aucun souci du droit international. Dans l’immédiat, ils veulent poursuivre leur projet de chasser le régime syrien de Bachar al Assad, quitte à installer à Damas des islamistes, subventionnés et controlés plus ou moins par leurs amis pétrolo-gaziers saoudiens, qataris, voire turcs. A moins que la Syrie ne soit transformée à son tour en un nouvel Irak (plus de 10.000 morts par an depuis l’invasion US, sans compter Mossoul), une nouvelle Lybie (on ne sait combien de victimes mais on voit les migrants qui traversent le capharnaum dans des conditions extrêmes), ou en un Afghanistan pourvoyeur d’opium et de djihadistes pour l’Asie centrale.
Tout ça est mortellement dangereux pour nous Européens.
Plus en détail, compte tenu du déluge de contre-vérités ou de non-dits dont on nous abreuve sur le sujet.
1) Le prétexte, il n’y a pas d’autre mot, du bombardement par missile, au défi de tout droit international. Le prétexte donc est la pollution chimique qui s’est produite à l’occasion d’un bombardement (ce qui n’est même pas sûr) de la localité de Khan-Cheikhon, dans la province d’Idlib, au début avril. C’est vers cette province qu’ont pu fuir, souvent grâce aux couloirs humanitaires qui leur ont été ouverts par les troupes russes, avec refus de l’armée américaine d’y participer, les islamistes de Al Nusra (avec divers noms mais en fait al Qaida Syrie), chassés de Alep Est.
La nature du gaz, qui n’est pas forcèment du sarin, compte tenu des images qui ont été montrées de la catastrophe, devait être déterminée par une commission d’enquête de l’ONU et de l’OIAC. Aucune de ces deux organisations n’a publié de conclusion sur les coupables éventuels ni l’origine des gaz qui ont intoxiqué les victimes. Dont les fameux “beaux bébés”, invoqués par Trump (Ceux du Yémen ou de Mossoul sont donc laids pour qu’on les oublie ?).
Pourquoi ne pas avoir attendu les résultats de l’enquête ? Ce qui aurait donné une toute autre légitimité à des représailles.
Ajoutons encore un fait qui prêterait à rire en d’autres circonstances. Selon Maria Zakharova, porte-parole du ministère russe des affaires étrangères, les Etats-uniens et leurs “alliés” ont demandé à inspecter les avions syriens qu’ils accusent d’avoir bombardé chimiquement. Précisèment ceux qu’ils prétendent avoir détruit peu après sur la base de Shayrat ! Cherchez l’erreur !
De plus, le commandement de l’armée syrienne a rejeté les accusations et a reporté la responsabilité sur les djihadistes et leurs protecteurs. Ce n’est pas parole d’évangile mais ça mérite autant d’attention que l’Observatoire londono-syrien des “droits de l’Homme” aux mains des Frères musulmans (en fait, un seul) … Mais au crédit de l’armée, une question de bon sens : à quoi cela sert-il militairement parlant à Bachar el Assad de bombarder au gaz , alors que ça n’a aucune efficacité supplémentaire et que la situation sur le terrain lui est plutôt favorable ?
De son coté, le ministère russe de la Défense a communiqué que l’aviation syrienne avait attaqué à Khan Cheikhoun un entrepôt de munitions des terroristes, contenant des arsenaux d’armes chimiques, destinés à des combattants en Irak. Personne dans nos gazettes, ni parmi nos politiques ne s’en émeut que les djihadistes puissent avoir des armes chimiques.. Selon des médecins, qui ont vu les images des secours après les explosions, il ne s’agissait vraisemblablement pas de gaz sarin car les secouristes semblaient n’avoir pas besoin de se protéger, comme il aurait fallu juste après une explosion au sarin.
Enfin, précédemment le président syrien Bachar el-Assad avait déclaré que le gouvernement n’avait utilisé aucune arme de destruction massive, arme chimique comprise, contre son peuple. Il a rappelé qu’en 2013, Damas avait donné son accord au démantèlement de ses armes chimiques et qu’à l’heure actuelle il ne disposait plus de telles armes. Même remarque que précédemment.
Sachant qu’une opération de bombardement, comme celle effectuée dans la nuit du 7 avril ne se prépare pas en quelques heures, selon les experts militaires, on peut penser que celle là était planifiée avant. Et qu’il fallait juste le prétexte. Provoqué ou saisi au bond, peu importe. Dans leur histoire, les Etats-unis ont abondamment pratiqué l’un et l’autre : qu’on pense à la provocation de Cuba au début du XXème siècle, au Golfe du Tonkin, pour justifier la guerre du Viet Nam mais plus près de nous plusieurs exemples en ex-Yougoslavie et surtout la fameuse fiole de Colin Powell, le secrétaire d’Etat américain, brandie au Conseil de Sécurité de l’ONU, avec une soit-disant arme de destruction massive (en fait une poudre dentaire, selon le ministre russe Serguei Lavrov qui mentionne son “ami” Powell. ) Et bien sûr, en Syrie même, lors de ce conflit-ci, il y a eu l’épisode du quartier de la Ghouta, en août 2013 qui avait permis d’accuser Damas, alors que tous les éléments fournis aux Nations-unies pointaient vers les islamistes… (cf. http://www.mondialisatio n.ca/idlib-syrie-cette- etrange-attaque-chimique-qui- rappelle-l’imposture-de- ghouta/5583741).
Les médias russes ont relevé que des pages du Daily mail britanniques ont été effacées, après les attaques actuelles contre la Syrie, des sites web du journal qui expliquaient en 2013 que les Américains avaient l’intention d’accuser d’une attaque aux gaz les troupes de Damas, pour avoir un prétexte d’intervention pour aider les djihadistes anti-Assad.
Juste après l’attaque des missiles Tomawhak, les islamistes ont attaqué des points stratégiques de ravitaillement des troupes syriennes qui ont repris Palmyre récemment.
Et là encore plusieurs questions : cette attaque a-t-elle été concertée avec les responsables militaires américains ? Comme ce fut le cas à Deir Er Zhor en septembre 2016, où les avions américains ont tué, soit-disant “par erreur” plus de 80 soldats syriens, pendant une heure de bombardement “par erreur” et juste avant une offensive de Daesh. A noter que cette attaque a permis de faire échouer un accord entre les Russes et le secrétaire d’Etat John Kerry pour un cessez-le-feu. Le Pentagone a visiblement son propre jeu dans tout celà. Car Deir er Zhor était aussi un objectif pour les djihadistes de Daesh qui fuyaient, ou plutôt se repliaient, de Mossoul et qui étaient redirigés vers la Syrie.
Ce fut aussi le cas de la colonne de quelque 8.500 hommes qui a repris Palmyre, pendant que l’armée syrienne était en train de libérer Alep. Et qui a traversé près de 600 kilomètres de désert en colonnes motorisées, sous l’observation des avions et des drônes américains. Ces derniers n’ont pas bougé, alors que par tacite accord et coordination avec les Russes, c’était leur zone d’intervention… Last but not least : la base bombardée n’intervenait pas essentiellement sur Idlib mais justement sur Palmyre et Raqqa. Cette dernière ville est la capitale actuelle des djihadistes et les Américains semblent vouloir la prendre avec les Kurdes et peut-être les Turs, s’ils arrivent à les départager, mais sans l’armée syrienne… Alors là aussi l’affaire chimique parait bien loin. Du reste, les résultats d’une éventuelle enquête n’intéressent ni les Américains ni leurs fidèles… peut-on dire alliés ou y a-t-il d’autres mots ? Et malheureusement les notres y sont.
2) En ce qui concerne le véritable rapt de la politique étrangère US par les faucons, comme le sénateur McCain, qui en se déplaçant en Ukraine en encourageant à la guerre, dans les pays baltes idem, au Proche-Orient, réduisait l’équipe de Trump (Rex Tillerson, secrétaire d’Etat y compris) à faire de la figuration.
Selon des commentateurs, “Après la première séance publique du House Intelligence Committee sur les ingérences de la Russie (tenue le 20 mars en présence des directeurs du FBI et de la NSA), le commentateur ultraconservateur Rush Limbaugh, pessimiste, avait résumé le message du deep state à Trump : « Laisse les républicains de Washington diriger… sinon, c’est l’impeachment ! » Il est vrai que les efficaces arguments du camp Pelosi avaient un goût de réquisitoire en déchéance, tandis que les républicains, divisés, soutenaient Trump comme la corde soutient le pendu.”
Au cours des quelques jours qui ont précédé l’attaque contre la Syrie, Trump a reçu le général as-Sisi, président d’Egypte, puis le roi Abdallah de Jordanie, et surtout le président chinois Xi Jinping, présent au moment de l’annonce de l’agression contre la Syrie. Trump se met à attaquer “le tyran Assad” (oubliant les islamistes, qu’il considérait précedemment à juste titre comme le danger le plus grave) et l’accuse sans preuve, en reprenant le leit motiv diffusé par les médias. L’ambassadrice US aux Nations unies attaque la Russie et ose montrer des photos d’enfants morts, sans qu’on sache de qui il s’agit ni de quoi ils sont morts ni à cause de qui mais sur le même modèle que son prédecesseur Powell avec sa fiole. Enfin, Trump se sépare de son “idéologue” au National Security Council, Steve Bannon. Et la veille du bombardement par missiles, le président du House Intelligence Committee, Devin Nunes, se récuse lui aussi dans l’enquête sur les “ingérences de la Russie”.
McCain et ses amis complimentent maintenant Trump dans leurs médias et là aussi, malheureusement, dans les nôtres, qui après avoir qualifié Trump de tous les noms, lui trouvent maintenant de la sympathie… Comme rappelé plus haut, Mc Kain évoque une guerre “victorieuse” contre la Russie et préconise de geler une partie de l’espace aérien syrien, bombarder les bases aériennes, et les Russes devront s’écraser….
On voit le danger du jeu pour nous, qui sommes liés par l’Otan à de tels fous qui sont capables de tout par haine purement raciste des Russes, en souvenir de sa détention, comme prisonnier de guerre au Viet Nam. Au déchaînement de Mc Kain, s’ajoutent les marques de satisfaction des Saoudiens pour Trump qu’ils encouragent à reprendre la politique d’écrasement des nationalismes arabes et des chiites sous protection iranienne au Proche-Orient. Et accessoirement la reprise des projets de gazoduc à travers la Syrie, ainsi que la victoire de la Chariah. Pour eux, il est impossible de laisser la Russie aider à stabiliser la Syrie. D’où le coup porté aux pénibles tentatives de négociations politiques d’Astana et de Genève.
3) Si l’effet espéré de Trump nouvelle manière sur l’Iran peut expliquer l’enthousiasme de Benyamin Netanyahou, le premier ministre israélien, pour l’attaque contre la Syrie, où il voit avec satisfaction s’éloigner la possibilité d’un réglement pacifique, on comprend moins pourquoi les coups portés ont été si faibles. Seuls 23 missiles ont atteint leur cible ou ont explosé. Matériel mal entretenu ? Peut-être. En tout cas, les dégâts à en croire les images russes, sont peu importants et la base fonctionnait dès le soir. Comme il n’y avait pas l’ombre d’une arme chimique, il n’y avait pas de contamination et les mouvements pouvaient se faire. L’avenir dira peut-être quel était le jeu des Américains et desquels ?
4) Pour nous, comme l’écrit le députés Jacques Myard, l’attaque américaine a aussi les conséquences suivantes :
“- Elle intervient en violation du droit international que la France défend de manière constante, seul le Conseil de Sécurité peut dans le cadre du chapitre VII de la Charte des Nations unies la justifier.
– Qu’on le veuille ou non, c’est un retour aux actions unilatérales défendues par l’administration BUSH II.
Les conséquences sur le monde arabo-musulman sont de nature à accroître les tensions au Proche et Moyen-Orient, à renforcer la volonté de certains Etats comme la Corée du Nord à se doter de moyens, y compris nucléaire pour résister à plus fort qu’eux dans une relation asymétrique.
On se souvient des déclarations de Pyongyang à Washington : « on veut la bombe car on ne veut pas que vous nous fassiez ce que vous avez fait à l’Irak ! »
La frappe américaine, que de nombreux Etats approuvent, est donc de nature à relancer de multiples tensions dans le monde.
A l’évidence, les Etats Unis se considèrent toujours comme le shérif international.
Il est de l’intérêt de la France, tout en condamnant l’utilisation d’armes chimiques, d’ouvrir les yeux et de ne pas applaudir frénétiquement aux frappes américaines car le monde vient de franchir un seuil dangereux pour sa stabilité.”
Concluons : par le jeu des alliances, nous risquons d’être entraînés dans un conflit majeur. Avant même d’obtenir une sortie de l’Otan, il nous faut lutter contre la propagande russophobe systématique qui obscurcit les esprits, empêche les analyses sereines et prépare l’opinion à la guerre en la désinformant et en instillant la haine.