Russophobie chronique autour de Navalny

Libéré après 20 jours passés en Prison, Alexei Navalny, généralement qualifié “d’opposant N°1 à Poutine”, a immédiatement fait les choux gras des médias traditionnels faisant de lui un marronnier russophobe par excellence. Sans aucun parti pris sur les positions politiques de Navalny et la fragilité de certaines de ses “révélations” et accusations, qui ont incontestablement le mérite d’exister en Russie, où elles sont rendues publiques, contrairement à ce qui est dit chez nous le plus souvent. Ce qui est gênant pour nous, c’est la déformation systématique des faits le concernant. 

“Russie : à peine libéré, Alexeï Navalny repart en campagne contre Vladimir Poutine” titrent la plupart des médias occidentaux, “En Russie, l’opposant Navalny poursuit obstinément sa campagne” pour lemonde.fr, . Peu modèrent leurs commentaires. Navalny, malgré son dynamisme et son obstination politique, n’est pas le seul opposant en Russie et en tout cas pas le N°1, ne serait-ce que parce que les opposants élus à la Douma ou dans des élections locales ont plus de voix et de soutien électoral que lui. Son angle unique d’attaque stratégique a une efficacité démagogique, ou comme diraient nos donneurs de leçon “populiste” (mais là ça devient bien !), mais constituent une schématisation inquiétante en ce qui concerne un programme politique alternatif. C’est pourquoi il n’a qu’un soutien limité, malgré le soutien étranger important.  

La structure de chaque article est la même, et présente toujours la même erreur pour ne pas dire mensonge : “il a organisé des manifestations interdites et a été condamné à la prison”. Chaque fois que ce mensonge est proféré comme la démonstration d’une Russie “anti-démocratique”, nous devons rétablir cette vérité qui n’est jamais mentionnée : les manifestations étaient autorisées, il y en a eu plus d’une centaine dans tout le pays. Mais à Moscou Navalny a fait une opération de com. réussie pour la presse occidentale. Un peu moins pour l’opinion russe, en décidant de modifier le parcours au dernier moment pour se mélanger à une toute autre manifestation, culturelle pour marquer l’anniversaire de la constitution russe post-soviétique. Ses partisans se sont mêlés aux promeneurs et aux familles venues à la kermesse. A noter qu’il y avait notamment un stand sur la défense de Moscou pendant la guerre contre les nazis avec chevaux de frise et barrières anti-chars. Des militants navalnistes s’y sont retrouvés quand la police les a chassés, ce qui a permis à des photographes occidentaux de faire des photos montrant soit-disant “des fils de fer dressés contre Navalny par Poutine !!” … Ils ont raté un stand sur le goulag où il y avait des figurants déguisés en soldats du NKVD qui ont empêché des manifestants de monter sur les décors en contreplaqué… Ca aurait pu faire une belle photo ça … https://youtu.be/_fpFpH0T7Zk  Encore eut-il fallu un peu de culture et d’esprit. Ce n’est pas ce qu’on demande. 

Imagine-t-on un seul instant la préfecture de Paris restée de marbre ainsi que le pouvoir en place si les nombreuses manifestations parisiennes décidaient de marcher de Concorde à Invalides au dernier moment si un parcours entre Bastille et République était prévu ? Et en plus se mêler brutalement au public de la foire du trône par exemple ? 

Voulant rappeler l’arrestation de manifestants lors de manifestations autorisées le 7 octobre dernier, nous nous permettons un cours raccourci rappelant qu’en France aussi, des manifestants sont arrêtés régulièrement lors d’événements du même type mais on les nomme « les casseurs ». A croire que les opposants russes sont toujours pacifistes sans jamais chercher la confrontation.

Navalny fera certainement parler de lui encore et les médias écriront à nouveau qu’il a été condamné pour des manifestations interdites. Stoprussophobie rétablira la vérité autant de fois que nécessaire. Il ne s’agit pas de juger les propositions ou le programme de Navalny. Ce n’est pas notre affaire. C’est aux Russes de voir. Mais la déformation des faits dans nos médias nous concerne elle.

 Du reste, il n’est pas si sûr que d’ici aux élections de 2018, nos chers médias mainstream ne se mettent pas eux mêmes à défoncer Navalny car il semblerait bien qu’il n’est pas le choix de certains des bailleurs de fonds d’outre-Atlantique d’opposants russes. Malgré la formation aux USA et toute son énergie politique incontestable. La concurrence pour les financements américains annoncés en vue des élections présidentielles russes est rude. Et il est possible que d’autres personnages fassent plus l’affaire des stratèges et spécialistes – réels ceux là – de l’ingérence dans la politique d’autres pays. Nos médias inspirés nous le feront bientôt savoir à leur manière indirecte. 

Voici déjà un exemple d’attaque inspirée d’ailleurs contre Navalny :  https://www.letemps.ch/opinions/2017/09/19/ny-qualexei-navalny-lopposition-russe

 Lutte pour les financements ou indication aux rédactions ?