Ukraine : Le “devoir d’ingérence” kouchnérien appliqué par Poutine
Ukraine-offensive russe : Les modèles occidentaux de Poutine
Le “story telling”, comme on dit en bon français, des médias français et occidentaux sur ce qui se passe en Ukraine oublie étrangement que ce que fait Poutine est une application, ou si on veut une imitation, de plusieurs principes et précédents prônés et/ou pratiqués par les occidentaux, et notamment de l’OTAN.
Ainsi : :
– Face à la menace et semble-t-il à l’imminence de l’installation de missiles, peut-être à têtes nucléaires, au nord de l’Ukraine, à 4 minutes de vol de Moscou, il imite la démarche du président américain J.F. Kennedy en 1962 contre les fusées soviétiques installées à Cuba, en réponse à celles placées par les USA en Turquie. Nous avons alors frôlé le conflit nucléaire. Mais les dirigeants au pouvoir des deux côtés étaient encore des gens ayant connu la guerre mondiale et sachant donc ce que c’était. Les 2 ont retiré les missiles et on a évité la guerre. Puissent ceux d’aujourd’hui avoir la même sagesse.
Malheureusement, nous avons à faire à un projet stratégique américain visant à terme à la dislocation de la Russie car elle est gênante pour le maintien de son hégémonie dans le monde.(cf. Zbigniew Brzezinski grand échiquier et Condoleezza Rice sur le rapport richesses/population en Russie). Nous sommes embarqués dans cet objectif américain au titre de notre appartenance à l’OTAN. En fait, la France n’a aucun intérêt à pointer des missiles nucléaires sur la Russie à partir de l’Ukraine. Ni à jouer avec les centrales nucléaires ukrainiennes car on sait maintenant que le nuage ne s’arrête pas à la frontière. Elle n’a pas d’intérêt non plus à y installer des laboratoires de guerre bactériologiques…. C’est un chapitre à suivre.
– Poutine a appliqué aussi le “devoir d’ingérence” prôné par le bon docteur Kouchner. Compte tenu de documents militaires ukrainiens saisis par les forces de la république autoproclamée de Lougansk, exposant les plans et la date de lancement d’une opération de nettoyage ethnique des deux républiques de l’est de l’Ukraine. Elles sont en rébellion depuis huit ans et bombardées depuis ce temps par les forces de Kiev. Depuis 2014-2015, à la suite de combats qui ont tourné au désavantage des soldats et des miliciens de Kiev, la situation aurait dû être réglée par un accord, ayant reçu une validation du Conseil de Sécurité de l’ONU et le parrainage de la France, de l’Allemagne et de la Russie, dit accords de Minsk car signés en Biélorussie. Il prévoyait un cessez-le-feu, une zone de démarcation puis un statut d’autonomie pour les deux régions russophones. Elles avaient été en fait rattachées à l’Ukraine en 1919 par les bolcheviks, après la révolution de 1917.
Mais Kiev n’a jamais voulu appliquer ces accords et les “parrains” n’ont jamais pu les contraindre à le faire. On peut estimer que les Etats-Unis, qui n’étaient pas parmi les signataires, ont plutôt encouragé, voire contraint, le régime issu du coup d’État de février 2014 à Kiev, de ne pas appliquer les accords. En armant de plus en plus et en entraînant les forces armées et les milices ultra, les éléments les plus faucons de Kiev, ils ont même encouragé la “solution B”. Cette dernière se référait au nettoyage ethnique qu’ont pratiqué les Croates en 1995, durant la guerre de Yougoslavie, contre la population serbe qui vivait depuis trois siècles dans la région frontalière de la Krajina. Les Serbes ont été chassés ou massacrés (corps incinérés) en 48 heures. Mais il s’agissait de 200.000 habitants environ. Alors que dans le Donbass, on a une population de 3 millions au moins.
D’après les plans ukrainiens parvenus aux Russes, l’opération prévue devait se dérouler à une vaste échelle impliquant l’aviation et des missiles, cantonnés et placés dans plusieurs régions de l’Ukraine. Près de 120.000 hommes, soldats ukrainiens, miliciens des bataillons ukro-nazis, mercenaires et djihadistes, ont d’autre part été mobilisés le long de la ligne de démarcation avec les républiques rebelles.
Les Russes ont répondu par le “devoir d’ingérence” formulé par Kouchner, par exemple pour justifier l’attaque de l’OTAN contre la Yougoslavie, contre l’Irak, contre la Libye, contre l’Afghanistan, contre la Syrie etc. Comme dans tous ces précédents, c’est une violation du droit international et il y a des effets secondaires souvent déplorables. Bizarrement, beaucoup de ceux qui sont indignés aujourd’hui par cette violation par les Russes, ne l’ont pas été, ou beaucoup moins, quand il s’est agi de l’OTAN.
Dommage, car les attaques menées par l’OTAN ont été beaucoup plus meurtrières. En deux heures, les Américains ont tué plus de 100.000 Irakiens quand ils ont envahi l’Irak. Et au total, le nombre de tués en Irak dépasse le million deux cent mille morts. En Libye, en Syrie, en Afghanistan et en Yougoslavie, ce sont des dizaines de milliers de victimes. Pour le moment, en Ukraine, les chiffres sont inférieurs, selon les chiffres donnés par les Ukrainiens.
Si l’on ne tient pas compte des quelque 14.000 morts depuis huit ans dans les bombardements et les attaques contre les gens du Donbass. Kadhafi a été tué pour moins que ça. Le refus systématique d’appliquer les accords de Minsk (et là on est concerné car partie prenante, car MM. Fabius-Fournier avaient signé l’accord avec Ianoukovitch en février 2014). M. Kouchner aurait invoqué depuis longtemps le “devoir d’ingérence”.
Comparaison n’est certes pas raison et rien n’excuse les morts mais il faut tout de même se garder des jugements à géométrie variable. Les Russes sont intervenus pour empêcher le massacre des populations russes du Donbass, dont près de 800.000 avaient reçu un passeport russe. Ils ont par la suite évoqué aussi la préparation d’armes nucléaires et ont ont semble-t-il trouvé des raisons d’être inquiets à Tchernobyl. Ils ont dévoilé des documents et les échantillons, trouvés dans quelques laboratoires secrets biologiques de guerre bactériologique, financés par le Pentagone. Il y en aurait trente en tout en Ukraine. 13 étatient aux mains des Russes le 14 mars.Leur existence a été confirmée par la sous-secrétaire d’Etat US, Victoria Nuland.
– Depuis huit ans, la situation diplomatique est bloquée au niveau de la guerre civile ukrainienne. Avec l’intensification des préparatifs d’armement de l’Ukraine contre la Russie et l’installation de missiles en Roumanie et en Pologne, suite à l’extension permanente de l’OTAN, depuis la chute du mur de Berlin malgré les promesses verbales (confirmées par des PV de réunion et des télégrammes diplomatiques), faites par les dirigeants américains et européens aux Russe de ne pas étendre l’OTAN. Les diplomates et politologues américains les plus clairvoyants désapprouvaient cette extension et mettaient en garde depuis longtemps contre les réactions inévitables de la Russie. Les Russes ont demandé à la fin de 2021 l’ouverture de négociations sur la sécurité en Europe. Une sorte de nouveau Yalta. Ils ont prévenu que c’était sérieux et qu’ils considéraient comme une ligne rouge, l’entrée de l’Ukraine et de la Géorgie dans l’OTAN. Que ce soit une entrée formelle ou de facto. En janvier 2022, ils ont reçu une réponse en forme de non recevoir assez méprisante de la part des Etats-Unis, l’OTAN en ayant été informée sans aucune objection.
Avec cette opération militaire de protection des habitants du Donbass, le président russe applique la théorie dite Kissinger, du nom de l’ancien secrétaire d’Etat américain, de favoriser la possibilité d’un accord diplomatique, en crevant l’abcès et provoquant une crise quand la situation est bloquée et devient menaçante. Il faut espérer que cette partie pourra voir le jour avec un accord sur la sécurité européenne. C’est maintenant la seule façon de faire cesser les combats.
Une autre solution pacifique aurait peut-être été possible au début de l’intervention si les Russes avaient réussi, comme ils le prévoyaient vraisemblablement, à prendre le président Zelinsky à Kiev. Mais ils ont visiblement commis une erreur d’appréciation du renseignement sur l’armement adverse et sa capacité de résistance. De ce fait l’approche militaire n’a pas été adaptée. Ce qui leur a fait perdre des hommes et a retardé les opérations. Ceci, compte tenu des équipements modernes des détachements ultra-nationalistes et nazis qui défendaient avec acharnement la capitale ukrainienne et que les Russes ne voulaient pas la détruire ni toucher aux populations civiles, contrairement par exemple à ce qu’ont pu faire les Américains et les Britanniques en Irak ou plus loin dans le temps à Dresde, à la fin de la guerre mondiale. La tactique a donc été révisée, l’assaut sera mené de manière plus vigoureuse, les combattants beaucoup moins ménagés. Les opérations vont donc être plus longues que prévu, sans doute.
C’est pourquoi, contrairement à ce font les dirigeants occidentaux, il vaudrait mieux recourir à la méthode Kissinger de négociation. La fourniture d’armement et de mercenaires et l’encouragement à la guerre n’aboutiront qu’à des morts supplémentaires ukrainiens et russes et des conséquences de plus en plus graves pour nous, à cause des sanctions économiques contre la Russie.
Le procédé propagandiste de diaboliser Poutine, accusé de tout, y compris de paranoïa “kenedyenne”, ne vaut même pas la peine d’en discuter. C’est une trop vieille ficelle mais qui continue à marcher auprès des esprits faibles nourris du “story telling”, des “éléments de langage” de nos médias, où malheureusement il est vain aujourd’hui de chercher une information fiable sur ces événements douloureux et tragiques.
Cette guerre est justement tragique à cause des vies brisées et des effets à long terme. En dehors des Ukrainiens et des Russes, les principaux perdants risquent d’être les Européens Et les bénéficiaires, les Chinois et les Américains.
Stoprussophobie.info