Une mission russe : la défense du monde

  • stoprussophobie redaction
  • mardi novembre 5, 2019
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Une mission russe : la défense du monde

« Une nouvelle mission pour la Russie peut être celle de défendre le monde entier »

 

Article original :

https://globalaffairs.ru/pubcol/Novoi-missiei-Rossii-mozhet-stat-zaschita-vsego-mira-20227

Paru le 15/10/2019

Article traduit par Marc Barnovi, spécialiste des relations internationales, Russie-Eurasie, traducteur littéraire du russe au français

Auteur : Sergueï KARAGANOV, chercheur en relations internationales, Président d’honneur du præsidium du Conseil en politique internationale et de défense, Président du conseil rédactionnel du journal « La Russie dans la politique globale ». Doyen de l’Ecole des hautes études en sciences économiques.

Interview de Sergueï Karaganov (SK) menée par le journal « Vzgliad » (Regard) (VZ).

SergueiKaraganov

 

Sergueï Karaganov

 

« Une des idées générales de la politique internationale russe doit être d’accepter le fait que la Russie est le principal prestataire de la sécurité internationale dans le monde et pour nous-mêmes » indique le politologue Sergueï Karaganov. « Ce peut être la mission de la Russie tant en politique extérieure qu’en politique intérieure ».

L’Occident est en train de perdre sa supériorité militaire qui a été pendant plusieurs siècles le socle de sa domination globale. Au contraire, la Russie devient la nouvelle source de stabilité globale. Comment maintenant éviter une grande guerre lorsque les élites mondiales ont atteint un niveau de réflexion très bas et qu’elle sont agacées par les actions que mène Moscou ? Pourquoi la démocratie est dangereuse en tant de paix et pourquoi nous avons toujours besoin d’un ennemi à l’extérieur ?

Autant de questions dont a discuté Sergueï Karaganov avec le journal Vzgliad (Regard) dans les couloirs du forum de discussion international du Club Valdaï (1). Récemment, il a publié avec le politologue Dmitri Souslov l’exposé intitulé « Une nouvelle compréhension de la stabilité stratégique multilatérale et les voies pour la renforcer », dans lequel ils décrivent la modification géopolitique du paysage stratégique militaire et évaluent les risques d’un début de conflit nucléaire.

 

VZ : Cher Sergueï, pourquoi votre exposé vient juste de paraître ?

SK : Il aurait fallu faire cet exposé il y a deux ans, lorsqu’il était devenu évident qu’à de très nombreux facteurs négatifs augmentant le risque de guerre s’ajoutait la fin du système de contrôle sur l’armement, ce qui n’était pas l’élément principal mais l’élément essentiel pour renforcer la stabilité. Nous avons réfléchi là-dessus un an et demi. Un énorme travail préliminaire a pour cela été mené.

Nous partions également de l’hypothèse que nous comprenions que la Russie ne propose pas de concept stratégique non seulement à l’intérieur du pays mais également en politique internationale. Au départ, nous voulions adhérer à l’Occident, ensuite nous avons tout fait pour survivre pour finalement nous remettre sur pieds et enfin redevenir une grande puissance. Maintenant, depuis 2016, plus rien… Une des idées générales de la politique internationale russe doit être d’accepter le fait que la Russie est le principal prestataire de sécurité au niveau international pour le monde et pour nous-mêmes.

VZ : Quels sont les prérequis pour que nous soyons ce prestataire ?

SK : Nous le sommes déjà. Qu’entendons-nous par sécurité internationale aux sens large et au sens restreint du terme ? Lorsque l’Union Soviétique a disparu, vous avez bien vu ce qui s’est passé. Des pays qui se considéraient exemples pacificateurs se sont convertis, ont employé la force en Yougoslavie, ont attaqué l’Irak, la Libye, ont tué une quantité invraisemblable de personnes. Cela s’est passé sous nos yeux. La Russie est revenue sur la scène internationale et la situation a radicalement changé.

Mais nous sommes prestataires de sécurité dans un sens plus large du concept. Après avoir recouvré notre force stratégique et la possibilité de dissuader efficacement, nous avons avons rendu impossible à l’Occident de rester en position de supériorité militaire. Cela veut dire que l’on a mis un point final à un processus très long de perte par l’Occident de sa supériorité militaire qui a été, pendant presque cinq siècles, le fondement à sa supériorité politique, économique et culturelle. Nous avons libéré le monde ! Dorénavant, il nous faut peu à peu reconnaître et finaliser ce fait et, chemin faisant, éviter la guerre. Le risque de guerre est aujourd’hui très très élevé.

VZ : Sur quoi vos craintes se fondent ?

SK : Sur les nouveaux armements, sur les armes cybernétiques, en plus des drones qui peuvent être dotés de bombes nucléaires ou autres missiles. Même les Houthis lancent des drones ! Tout ce mélange crée une situation techniquement beaucoup plus explosive qu’il y a 30 ou 40 ans pendant la Guerre froide. Pour simplifier, tout ceci prend forme dans un cadre où le niveau et la qualité des élites de nombreux pays sont sévèrement diminués et où prédomine la détresse devant la défaite.

VZ : Vous voulez parler des pays occidentaux ?

SK : Principalement des pays occidentaux. De plus, dans le monde, pas seulement en Occident mais également en Russie, est apparu le phénomène du « parasitisme stratégique », à savoir lorsque les gens sont habitués à la paix. La génération des gens qui avaient peur de la guerre à un niveau génétique s’en est allée. Nous sommes aujourd’hui habitués au monde des années 1970.

VZ : Il n’y a pas eu de guerre depuis longtemps…

SK : Il n’y a pas eu de guerre depuis longtemps et les gens ont tout simplement oublié ce que c’était. Pour la majorité des gens, la paix est la normalité. C’est très bien. Mais pour que la paix ne soit pas interrompue sur fond de circonstances techniques et politiques dont je parlais précédemment, une politique active de lutte pour la paix est nécessaire.

VZ : Une espèce de vaccin ?

SK : Et un vaccin, et une médecine préventive et une campagne d’information. La prochaine série de nos travaux sera dédiée entre autre à la lutte pour la paix, mais pas seulement dans son acceptation traditionnelle (manifestations et slogans) mais plus profondément. L’idée que la Russie est le principal rempart pour la paix et la stabilité stratégique doit devenir une idée-clef qui rassemble à la fois le peuple et la communauté internationale.

VZ : C’est réellement la mission de la Russie ?

SK : C’est une de ses missions. C’est pour moi absolument évident. Je suis content que depuis ces dernières semaines (depuis qu’a été publié notre exposé) est apparue une grande quantité de publications. Les gens sentent intuitivement que quelque chose s’est passé. Nous sommes apparemment entrés dans le vif de la question.

VZ : Que pensez-vous de la récente initiative de la Russie de proposer à l’Europe et à l’OTAN un moratoire au déploiement de missiles de courte et moyenne portées ?

SK : Je me lève pour applaudir ! C’est ce qu’il fallait déjà faire plus tôt. (2)

VZ : Mais il n’y a pas eu particulièrement de réaction à cette proposition.

SK : Ecoutez, les gens sont retranchés, ils sont défaitistes, ils crépitent. Mais il faut les bousculer et pousser encore. Ça ne prend pas d’un seul coup. Premièrement, la lutte pour la paix est un processus. Deuxièmement, en plus de la déclaration de Poutine, nous allons créer un obstacle supplémentaire au déploiement et à la course aux armements et pas seulement en Europe.

Nous devons créer une situation où il sera clair que le déploiement d’une nouvelle génération de missiles de moyenne portée peut non seulement modifier la balance des forces dans le monde mais également augmenter le risque de guerre. C’est effectivement ce qui est en train d’arriver. Ces armes sont plus déstabilisantes que beaucoup d’autres.

VZ : Pouvez-vous commenter la récente déclaration d’un Général britannique indiquant que nous sommes en guerre cybernétique ?

SK : C’est un domaine voisin peu exploré. On a le sentiment que certains pays peuvent dorénavant se porter des coups stratégiques importants seulement à l’aide de l’arme cybernétique. Cette arme peut également être celle du pauvre parce qu’avec le progrès les groupes terroristes peuvent avoir la faculté de porter préjudice et de provoquer. Et ce domaine n’est absolument pas régulé. Il y a 15 ans, nous avons proposé de trouver un accord sur la question mais les Américains pensaient qu’ils pourraient maintenir leur supériorité dans ce domaine et ont refusé. Maintenant, nous ne savons tout simplement pas comment réagir parce qu’apparemment, la situation n’est absolument plus sous contrôle. Nous ne savons pas comment réguler ce domaine, nous ne savons même pas comment réguler internet. Regardez, aujourd’hui, partout et pas seulement en Chine, il y a une tendance à vouloir nationaliser internet.

VZ : Vous rappelez parmi les facteurs de risque non seulement l’absence de peur de la guerre mais également la dégradation des élites, la décadence des mœurs chez les élites.

SK : Réfléchissez une seconde. Aujourd’hui, Jacques Chirac vient de nous quitter. Revenez quarante ans en arrière, alignez Chirac et les dirigeants européens de l’époque et alignez les leaders actuels. On peut voir tout simplement de deux types de physiologie différents.

VZ : Cela viendrait de quoi ?

SK : Cela vient de ce que la vie est merveilleuse… Et que la démocratie est un système anti-méritocratique.

VZ : Mais ça semble paradoxal !

SK : C’est paradoxal seulement pour ceux qui sont abreuvés de l’idéologie occidentale. Les gens ne choisissent pas les meilleurs, ils choisissent ceux qui leur sont semblables ou bien ceux avec qui il fait bon d’être. En l’absence de guerre, la démocratie choisit toujours les plus mauvais.

 

Aujourd’hui, le monde est beaucoup plus démocratique. Mais l’Europe et surtout les Etats-Unis et beaucoup d’autres pays encore se dirigent vers ce que j’appelle une « démocratie sans leadership », vers le bas.

VZ : Est-ce que c’est un processus inéluctable dans le système démocratique ?

SK : Inéluctable. Je vous assure que dans 30 ou quarante ans, si règne la paix, nous aurons également à choisir des dirigeants quelque peu ternes.

 

VZ : La guerre « assainit » ?

SK : La guerre tue les meilleurs mais pendant la guerre, il est connu que les peuples propulsent à l’avant-scène les leaders. Churchill est l’exemple le plus classique. Pendant la guerre, on a intuitivement choisi Churchill mais une fois la guerre finie, on l’a tout de suite abandonné.

VZ : Vous indiquez qu’aujourd’hui, c’est la génération de la télévision qui est au pouvoir et que nous attendons après elle « celle du Smartphone ». Comment cela va-t-il influer le comportement des élites ?

SK : Nous savons déjà ce que donne la génération de la télévision, c’est déjà du passé. Cette génération réagit à l’image. En Russie aussi, si nous observons avec attention, beaucoup de gens dans les cercles des élites nous parlent de « quoi ça à l’air ». Ils sont habitués à penser par la télé pendant des périodes très courtes. Heureusement, chez nous, il y a des gens « en-haut » qui pense de manière stratégique.

Nous ne connaissons tout simplement pas encore cette « génération Smartphone ». Quand elle arrivera, les gens seront différents. Je ne la condamne pas mais on peut se demander effectivement ce que feront des gens qui sont habitués à envoyer instantanément des Like, comment ils géreront le pays. J’écris dans certains de mes travaux qu’un des critères de succès des Etats du futur pourrait être celui de cultiver des élites qui seraient protégées d’internet.

VZ : C’est une utopie…

SK : Absolument pas. J’ai dans la poche un Smartphone dont j’essaie de me débarrasser et j’ai également un simple téléphone que je veux de nouveau utiliser parce que le Smartphone amoindrit mes capacités intellectuelles, il rétrécit mon champ de vision, il bouffe mon temps. Il m’influence et c’est avec raison que je réutilise le simple « combiné ».

VZ : Pouvez-vous nous donner des exemples de l’élite de la télévision ?

SK : Les élites sont toutes comme ça en Europe (3). Le pire dans l’histoire, c’est Macron. Trump est évidemment épatant dans cette série. C’est la génération du téléviseur. Chez nous aussi elle existe, mais à un moindre degré. Le téléviseur est arrivée chez nous plus tard. On était moins riche, en plus, la télévision soviétique était barbante. Néanmoins, la génération de ceux qui ont 40-50 ans aujourd’hui est totalement incubée dans la télé.

VZ : Dans le monde entier, la tendance à rechercher son ennemi à l’extérieur pour résoudre des problèmes intérieurs se renforce. Mais c’est une stratégie relativement éculée, elle fonctionnait déjà en Union Soviétique et aux Etats-Unis.

SK : En Union Soviétique, nous ne pouvions exister sans l’ennemi et c’est pareil pour la Russie aujourd’hui parce que nous sommes un pays qui, dans le fond, s’est développé sur sa défense. Si on retire cela, alors tout commence à tomber. Une des raisons pour lesquelles nous sommes tombés dans les années 1980-1990 est que nous avions décidé que personne ne nous menaçait. C’est pourquoi nous avons malheureusement besoin d’un certain niveau de menace extérieure pour que notre société se gère.

On considérait que la démocratie ne nécessitait pas d’ennemi extérieur, mais regardez ce qui se passe. Il s’inventent avec frénésie un faux ennemi ! Toute cette histoire de « l’ingérence russe » n’est là que pour leur propre organisation. On a imaginé en Amérique « l’ingérence russe » pour s’unir contre Trump et pour mettre sous contrôle les réseaux sociaux qui étaient sortis du contrôle des élites politiques. Réseaux sociaux qui ont permis à Trump de remporter les élections et qui permettent à des groupes ne faisant pas partie de l’élite d’être au pouvoir.

VZ : Ce n’est pas toujours une politique très intelligente…

SK : Il faut comprendre et savoir à qui nous avons affaire et se connaître soi. Si beaucoup d’entre nous pensons que tout est merveilleux en Occident, moi, je dis qu’en Occident tout n’est pas merveilleux et que cet Occident a besoin d’un ennemi, si possible faible. Même les démocraties riches et développées ont besoin d’un ennemi.

VZ : Vous indiquez que les systèmes politique de la Russie et de la Chine sont plus libérés des exigences passagères de la société. C’est un plus ?

SK : Les Chinois et nous sommes plus autoritaires et, notamment, plus gouvernables. C’est notre avantage et c’est pourquoi nos adversaires géopolitiques sont si inquiets. Vouloir nous imposer la démocratie n’est pas seulement un objectif idéologique.

La démocratie, surtout pour les pays peu riches, surtout pour les grands pays, revient un peu à se laisser mourir. La démocratie est la pire des gestions quand bien même elle crée le milieu le plus confortable pour la vie de l’homme.

VZ : D’un point de vue humaniste, c’est ce à quoi il faut aspirer ?

SK : Aspirer, oui. Dans les démocraties, la critique est également un moyen puissant de coercition… Mais la démocratie en Chine, c’est la destruction de la Chine. La démocratie en Russie… On sait maintenant ce que cela signifie. Chaque société doit se développer selon ses propres lois. La démocratie n’est qu’un des moyens de gérer des sociétés complexes. Il est parfaitement clair aujourd’hui que la démocratie en Russie fait quelque peu défaut au niveau municipal. C’est la principale erreur de ces 30 dernières années. Mais si l’on revient de nouveau à la situation des années 1990, nous nous effondrons de nouveau.

VZ : Vous dites que le système de stabilité stratégique devient de plus en plus complexe. Un rapport du Club de Valdaï soulève même la question de savoir si un tel système aussi stricte est nécessaire.

SK : C’est une question importante et très complexe. C’est bien que la Russie prenne le leadership dans la sphère intellectuelle concernant les questions stratégiques. Avant, nous étions toujours à la traîne des Américains et maintenant, nous commençons à maîtriser cette sphère. Pour ce qui concerne ce à quoi ressemblera le monde, nous menons des discussions poussées. Je pense que tôt ou tard, des tendances générales feront surface. Dans une vingtaine d’années, le système se sera régulé, de nouveaux équilibres seront en place, de nouvelles fondations. Aujourd’hui, ces fondations ont été éradiquées.

VZ : L’équilibre militaire se construira sur les nouvelles technologies ?

SK : Sur les nouvelles technologies, sur les armes nucléaires, sur les armes post-nucléaires. Et nous ne savons pas encore ce qu’elles seront. Mais aujourd’hui nos efforts ont mené à faire tomber la matrice de l’ancien système des relations internationales qui était occidentale. C’est une des raisons profondes qui explique que nous déchaînons tant de fureur. On a privé l’Occident de sa supériorité.

VZ : Admettons que les élites doivent devenir plus réfléchies, plus responsables. Mais nous avons l’exemple de la petite Greta Thunberg. C’est la nouvelle élite ou c’est quoi alors ?

SK : Là c’est une question ardue. Oui, ils doivent mais le peuvent-ils ? Je considère qu’il faut former une nouvelle élite de manière spécifique.

VZ : Une forme de sélection particulière ?

SK : Dans des établissements d’enseignement supérieur spécifiques et fermés, protégés d’internet.

VZ : Mais Greta Thunberg influe déjà aujourd’hui la politique. La cote de popularité du Premier Ministre canadien est tombée après qu’il l’ait rencontrée.

SK : Parce que la « génération du Smartphone » est arrivée. La pauvre enfant, on l’utilise pour faire passer notre propre ordre du jour. Mais je ne pense pas que Greta Thunberg aura une sérieuse influence sur l’histoire de l’humanité en-dehors d’un groupe restreint de pays et d’élites. C’est un des nombreux épisodes que l’on voit lorsqu’une nouvelle culture se met en place.

VZ : Revenons à la crise de la stabilité stratégique, comment la surmonter ?

SK : Nous proposons différentes solutions. La première, c’est la lutte active pour la paix. La deuxième consiste à adopter une nouvelle philosophie : non pas éliminer les armes nucléaires mais renforcer la dissuasion nucléaire multilatérale. C’est à dire que nous devons nous inspirer de la philosophie impliquant que nous somme intéressés pour que les Etats-Unis nous dissuadent et qu’ils n’aient crainte, et les Etats-Unis doivent être intéressés pour que nous les dissuadions sans crainte. De même avec la Chine. La troisième est d’établir le dialogue, de développer les contacts. Finalement, développer le dialogue tripartite entre la Russie, la Chine et les Etats-Unis.

VZ : A propos de la Chine, notre société est quelque peu inquiète. C’est un pays relativement grand, c’est notre voisin qu’on a du mal à comprendre. Pourquoi, d’un côté, ils ne veulent pas être nos alliés à part entière et, de l’autre, nous ne voyons aucun danger venant de la Chine ?

SK : Nous ne voulons pas nous allier parce que, pour nous comme pour les Chinois, la souveraineté est la valeur suprême. Nous ne pouvons être alliés. Les Chinois et nous ne pouvons être, par définition, que des leaders. Ensuite, nous avons de facto beaucoup besoin l’un de l’autre. Ils nous renforcent avec leur santé économique et nous les renforçons de notre puissance militaire.

En troisième lieu, nous n’avons pas peur de la Chine, entre autre parce que nous avons une supériorité nucléaire énorme. Les Chinois doivent être intéressés à ce que cette supériorité se maintienne afin que nous n’ayons jamais peur d’eux. Si nous en avons peur, c’est là qu’apparaissent alors suspicions et craintes qui peuvent mener, finalement, aux conflits.

VZ : Quelle posture tenir avec les Etats-Unis ? Vous êtes pour la reprise des contacts formels et informels. Mais nos relations sont les pires qu’il y ait eu depuis les années 1950. Comment pouvons-nous surmonter cela si personne ne fait confiance à personne ?

SK : C’est mieux effectivement si ce sont des adultes qui s’en occupent. J’espère que le système américain, dans le cas où Trump est vainqueur aux élections, se remettra d’aplomb et que nous aurons plus de possibilités chez nous pour développer le dialogue.

VZ : Ça veut dire que Trump nous est profitable ?

SK : Non. Il nous était plus utile qu’Hillary Clinton soit élue car elle aurait ruiné l’Amérique alors que Trump la renforce. L’Amérique est tout de même notre adversaire stratégique.

Journal Vzgliad

 

(1) : Le club de discussion Valdaï est un forum international tenu régulièrement en Russie qui vise à rassembler des experts pour débattre de la Russie, de sa place dans le monde et de sujets importants internationaux. C’est aujourd’hui un forum au moins aussi important que celui de Davos.

(2) : Cf. Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaires (FNI) : traité visant au départ le démantèlement par les Etats-Unis et l’URSS d’une catégorie de missiles emportant des charges nucléaires ou conventionnelles (signé à Washington le 8 décembre 1987 par Ronald Reagan et Mikhaïl Gorbatchev).

Ce traité est crucial pour l’équilibre des forces et la paix dans le monde. Il vient d’être remis en cause par les Etats-Unis qui en sont sortis en février 2019.

(3) : « La société du spectacle » dont parlait déjà précisément Jacques Debord en 1967.

 https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Soci%C3%A9t%C3%A9_du_spectacle_(livre)

La génération Smartphone doit absolument lire ce livre.